ace au manque de pluie, de nombreux viticulteurs du Roussillon et du Languedoc pourraient chanter du Barbara : « voilà combien de jours, voilà combien de nuits, Voilà combien de temps que tu es reparti ? » Au vague à l’âme vigneron succède le sentiment d’être bien seuls face à la sécheresse qui frappe les départements des Pyrénées-Orientales, de l’Aude et de l’Hérault. S’approchant des deux années sans pluies conséquentes, ces vignobles se sentent clairement oubliés. Alors qu’ils sont à l’avant-garde de ce qui risque d’arriver dans le futur dans d’autres bassins viticoles prévient Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui appelant à une prise de conscience, qu’il vit lui-même au quotidien étant installé à Fitou (Aude). « Dans quelques temps, si rien n’est fait, on pourra dire qu’il y a eu non-assistance à territoire et population en danger. Quand les friches prendront le pas sur les cultures de vignes, d’oliviers et d’amandes, il y aura des incendies massifs comme en Espagne et au Portugal » alerte Jean-Marie Fabre, qui appelle à « un geste fort du chef du gouvernement » en demandant la venue du premier ministre, Gabriel Attal*, dans les vignobles à sec du littoral méditerranéen.
« Nous avons maintenant besoin d’un vrai acte fondateur du premier ministre pour engager, embarquer et fédérer concrètement toutes les collectivités et porteurs de projets pour gérer l’apport en eau » poursuit Jean-Marie Fabre, qui évoque une série de solutions rimant avec irrigation : « évolutions réglementaires, aides financières, capacité de stockage des excès d’eau, réutilisation des eaux usées, réduction des pertes d’eau... Sans eau, il n’y aura plus de cultures dans ce territoire. »
Estimant qu’il est temps de mobiliser les moyens adéquats avant qu’il ne soit trop tard, Jean-Marie Fabre appelle le premier ministre « être au rendez-vous de l’histoire climatique de ce pays sur l’ensemble du territoire national et d’agir aussi fermement que rapidement sur les territoires où l’on sent déjà le plus d’impact du changement climatique. » Qu’il s’agisse des excès d’eau dans le Nord, et de son manque dans le Sud. « C’est maintenant qu’il faut agir. C’est un sujet d’ambition pour toute la filière : ne plus panser les plaies, mais anticiper les accidents climatiques » plaide le président des Vignerons Indépendants. Demandant inlassablement un investissement massif de l’État dans la résilience du vignoble face au changement et aux aléas climatiques, Jean-Marie Fabre relève que le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, souhaite mettre à profit l’enveloppe de la planification écologique pour des investissements. Alors qu’arrive la prochaine saison culturale (et ses craintes de gel, grêle, mildiou…), « il faut accompagner les risques climatiques et pas compenser leurs conséquences » plaide le vigneron audois, pour qui « la France doit être au rendez-vous de son histoire climatique en investissant massivement dans la prévention contre les aléas climatiques ». En attendant, la chanson de Barbara peut continuer d’être entonnée : « Dis, au moins le sais-tu,
Que tout le temps qui passe,
Ne se rattrape guère,
Que tout le temps perdu,
Ne se rattrape plus. »
* : Lors de sa conférence de presse du 1er février à Matignon, Gabriel Attal évoquait ainsi les enjeux de l’eau et des aléas climatiques dans l’agriculture : « nous avons fait le Varenne de l’eau, développé des plans de filières, et nous avons été au rendez-vous pour accompagner face aux catastrophes climatiques : le gel, la sécheresse, la canicule, les inondations, les tempêtes, les maladies. Avons-nous répondu au malaise ? A l’évidence, non. Avons-nous fait des erreurs ? A l’évidence, oui. » Concernant ses annonces sur l’irrigation, il précisait : « le plan eau annoncé par le président de la République est clair : nous avons besoin d’eau pour notre agriculture. On soutiendra les agriculteurs qui s’engagent dans cette démarche. J’ai par ailleurs annoncé la semaine dernière des simplifications drastiques qui s’appliqueront notamment aux projets liés à l’eau, pas seulement, pour réduire tous les délais. Le délai pour former un recours contre un projet porté par un agriculteur sera divisé par deux, il passera de quatre mois à deux mois, nous inscrirons une garantie pour que l’ensemble de ces recours superposés ne puissent pas durer deux ans, comme c’est le cas aujourd’hui, mais être limités à dix mois maximum. Et nous supprimerons un niveau de juridiction dans la procédure pour aller encore plus vite. »