Pour regarder l’avenir, pas question de tourner le dos au passé. « Le cahier des charges de Bordeaux comptait plus d’une vingtaine de cépages rouges en 1935, il n’en reste que six en 2024 », explique Marc Plantevin, doctorant au château La Tour Carnet (vignobles Bernard Magrez), qui étudie la diversité variétale pour faire face au réchauffement climatique.
En 2013, cette propriété du Médoc plante 26 cépages rouges dans une parcelle. Marc Plantevin les étudie sous toutes les coutures : phénologie, richesse des moûts en acide malique et résistance au stress hydrique. Parmi eux, une vieille obtention de l’Inrae coche toutes les cases face aux nouvelles conditions climatiques : l’arinarnoa. Son débourrement tardif l’expose peu aux gels printaniers, tandis que sa véraison tardive lui permet de mûrir sous des conditions moins chaudes. Du fait de la lente dégradation de l’acide malique, il préserve l’acidité de ses moûts. Et il s’avère résistant à la sécheresse. « Sans parler de son très bon rendement », précise Marc Plantevin.
Encore faut-il que ses vins soient typiques de Bordeaux. Pour le savoir, le doctorant l’a microvinifié comme tous les autres cépages durant quatre millésimes. Il a ainsi obtenu 89 vins qu’il a soumis à un jury de professionnels de Bordeaux. « Pour chaque échantillon, nous leur avons demandé de dire si c’est un bon exemple de vin de Bordeaux et de le décrire », explique-t-il.
À nouveau, l’arinarnoa s’est distingué, le jury l’ayant trouvé typique des vins Bordeaux et décrit comme un cépage bordelais. Plus surprenant, le manseng noir a bénéficié des mêmes appréciations.
Pour finir Marc Plantevin a testé tous ces cépages en assemblage à hauteur du 10 et de 30 % dans un bordeaux très typé. Avec 30 % d’arinarnoa, le jury a estimé que la typicité du vin de départ s’est améliorée !
Cette étude a également montré que les nombreux cépages méridionaux testés au Château La Tour Carnet donnent des vins atypiques de Bordeaux, de même que le touriga nacional, intégré en 2021 Vifa (variétés d’intérêt à fin d’adaptation) dans le cahier des charges de l’appellation Bordeaux.
Si l’arinarnoa semble très prometteur, Marc Plantevin se veut prudent. « Il n’existe pas de cépage parfait et il ne faut pas négliger le type de sol » estime-t-il en préconisant une approche multifactorielle. Avant de conclure qu’au vu de cette étude « le petit verdot, le carménère et le cabernet sauvignon n’ont pas dit leur dernier mot ».
Quel terrain plus propice que l’Australie pour étudier l’impact des fortes chaleurs sur les baies de raisins ? C’est à l’université de Wagga Wagga en Australie que Julia Gouot, aujourd’hui chargée de projets R & D au sein de Vitinnov, est partie réaliser sa thèse sur ce sujet. Pour cela, elle a travaillé sur des shiraz bien irriguées et cultivées en pots.
« Les baies sont plus sensibles avant qu’après véraison, explique-t-elle. Pré-véraison, les dégâts létaux s’observent dès que leur température atteint 40 °C avec des nécroses entraînant leur dessèchement total et une perte irréversible de récolte. Post-véraison, les dégâts létaux sont visibles à partir de 50 °C. Si une telle chaleur arrive juste après la véraison elle entraîne des pertes de jus allant jusqu’au dessèchement total des baies. Si elle arrive juste avant les vendanges, elle n’entraîne qu’une baisse des composés phénoliques. »
Pour évaluer l’impact sur les vins, Julia Gouot a soumis des raisins à 54 °C pendant 2 jours à la veille des vendanges. Elle réalise ensuite des microvinifications ajoutant 10 % ou 20 % de baies nécrosées à une vendange indemne. « Si aucune différence n’a été observée entre le vin témoin et le vin avec 10 % de baies nécrosées, le vin à 20 % titrait 0,3 % vol. en plus, 0,1 point de pH en plus et surtout une baisse de 15 % de l’intensité colorante. »
Face au réchauffement, « le meilleur ami du vigneron reste le feuillage, observe la chercheuse. Les vendanges précoces, séquentielles ou l’optimisation de l’extraction des composés phénoliques sont des pistes à suivre pour faire face aux vagues de chaleur croissantes. »
Depuis une quinzaine d’années, l’Italie fait face à une augmentation des dépôts de quercétine dans ses vins, en particulier ceux issus du sangiovese, un cépage très riche en ce composé. Ce défaut se présente sous forme de dépôts grisâtres en bouteille. « Il est apparu depuis peu sur pinot noir en Nouvelle-Zélande ou encore sur du merlot en Toscane, explique Simone Vicenzi, chercheur à l’Université de Padova. C’est principalement dû au réchauffement climatique. La quercétine se trouve dans la pellicule. Elle protège le fruit des UV. Sa concentration augmente avec l’exposition des baies au soleil. »
Pour résoudre ce problème, les chercheurs italiens ont d’abord testé différentes solutions de collage. « La quercétine est présente sous sa forme glycosylée, c’est-à -dire liée à des sucres, ou aglycone, c’est-à -dire sans sucres. La PVPP élimine très bien la forme aglycone mais pas la forme glycosylée. Après un collage, il peut donc rester de la quercétine glycosylée dans le vin, laquelle peut se dégrader en forme aglycone en bouteilles et former ces dépôts », explique le chercheur.
La solution ? Une enzyme pectolytique qui accélère considérablement l’hydrolyse des quercétines glycosylées en quercétines aglycone qui peuvent être éliminées par un collage à la PVPP. De quoi prévenir ces dépôts s’ils venaient à apparaître dans nos vins !