ourner la page des plans de distillation et d’arrachage ayant marqué 2023 pour passer au déploiement en 2024 des plans de communication et de reconquête de la commercialisation : « réduire notre volume de production n'aura pas l'impact escompté si, en face, nous ne mettons rien en place pour relancer notre marque Bordeaux, et faire en sorte que les consommateurs reviennent vers elle » résume Allan Sichel, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) lors de son assemblée générale ce lundi 11 décembre (à la Cité du Vin). « Cela fait plus de trois ans désormais que nous parlons de crise des vins de Bordeaux. De "crises" au pluriel, successives et conjoncturelles - climatiques, sanitaires, géopolitiques. Et puis d'une crise plus profonde, qui s'est installée dans le temps, résultat d'un déséquilibre entre notre offre et la demande » déroule le négociant dans son rapport moral, notant que « nous avons su analyser et comprendre assez rapidement les racines de cette crise ».
Evoquant la mise « en place des outils pour réduire nos volumes de production » allant d’« une campagne nationale de distillation [qui] devrait permettre de réduire rapidement nos stocks » à « un plan d'arrachage sanitaire de vignes […] qui vise à arracher 9 500 hectares de vignes » explique Allan Sichel. Annonçant que 489 dossiers de candidature ont été déposés au guichet de la préfecture du Gironde, représentant 3 000 hectares de vignes à arracher, et que 420 autres dossiers sont en cours de dépôt, le négociant médocain pointe que « si nous atteignons les 9 500 hectares de vignes envisagés, nous allons donc, durablement, réduire la capacité de production de notre vignoble et les volumes mis en marché » puisque « à compter de la fin du mois [ces parcelles] deviendront soit des zones laissées en jachère ou reboisées, soit des zones de diversification agricole ».
Pour rebondir, le CIVB projette un plan de repositionnement et de reconquête de marchés s’appuyant sur sa nouvelle plateforme de marque. Devant être dévoilé à la filière le 18 janvier 2024, lors du forum technique des vins de Bordeaux, et déployé du 12 au 14 février 2024 lors du salon Wine Paris & Vinexpo Paris, l’outil présente pour l’instant un objectif est aussi simple qu’ambitieux : passer du Bordeaux bashing au Bordeaux loving annonce Florence Bossard, la directrice marketing du CIVB, qui annonce un outil de communication unitaire, misant sur la synergie entre opérateurs et groupes d’AOC pour « rassembler, inspirer et agir avec toutes celles et ceux qui veulent créer, proposer, bousculer, goûter ». Le tout sous le mot d’ordre #JoinTheBdxCrew (pour "Join The Bordeaux Crew", soit "rejoignez l’équipe des Bordeaux"), la démarche étant calibrée pour vivre sur les réseaux sociaux et cibler les jeunes consommateurs (25-35 ans). Et pour mobiliser des moyens restreints.
« Des coupes conséquentes ont été conduites sur nombre de nos actions » affiche Allan Sichel, pointant que « le budget 2024 est fortement déficitaire » pour le CIVB (15,8 millions d’euros de déficit). Mettant en place une politique de réduction des dépenses face à l’investissement dans l’arrachage sanitaire (19 millions € mobilisés pour, avec 900 000 € de crédit) et la baisse continue des cotisations (le volume commercialisé tombant à 3,67 millions d’hectolitres de vin sur l’année glissante s’achevant en septembre 2023*), le CIVB a fait des choix pour 2024, réduisant de 10 % le budget du service économique, de 13 % celui dédié à la technique, de 20 % celui pour le marketing… « Quelque soit le domaine, les objectifs de réduction de dépense pour 2024 sont tenus. Les choix dans chaque services ont été opérés pour maintenir les moyens nécessaires à la stratégie exposée » note Fabien Bova, le directeur général du CIVB.


Si le club des marques sera arrêté au terme d'une année d'activité, il y aura le « maintien du budget 2024 pour le lancement d’une nouvelle campagne de communication autour de cette marque Bordeaux. C'est en effet en prenant la parole collectivement que nous serons plus forts face aux turbulences du marché » pointe Allan Sichel. Succédant à la campagne sur les vins rouges (lancée lors des foires aux vins et réinitiée pour les fêtes de fin d’année), la nouvelle campagne mettra « les consommateurs au cœur de l’action » et « ciblera les jeunes qui sont les consommateurs de demain » explique Ann-Cécile Delavallade, la directrice du service économie et études du CIVB. « Cette campagne s'inscrit dans une stratégie de filière qui n'a qu'un but: augmenter la préférence pour notre marque » détaille Allan Sichel, pour qui le « consommateur doit préférer Bordeaux, d'abord parce que Bordeaux lui propose les vins qui lui plaisent », mais aussi « parce que Bordeaux peut s'accorder à tous les moments de consommation » (notamment avec la réduction de la consommation de viande et la déstructuration des repas), « parce que Bordeaux répond à ses exigences en matière environnementales » (75 % des surfaces girondines certifiées environnementalement), « parce que Bordeaux lui offre une expérience unique » (avec l’œnotourisme, mais aussi la Tournée de Bordeaux les 14-16 mars 2024, la Fête du Vin 27-30 juin 2024…).
Si l’interprofession souhaite clore le chapitre des difficultés conjoncturelles et structurelles pour communiquer positivement et revenir à une situation avec « plus de sérénité », comme le glisse Allan Sichel, les remontées actuelles du terrain viticole, où l’impasse économique se dispute au désarroi humain, tranche avec les projections d’avenir. « Il faut veiller à ne laisser personne au bord du chemin dans des situations qui peuvent être très compliquées » déclare Étienne Guyot, le préfet de Gironde et de la Nouvelle-Aquitaine, qui appelle à « l’attention à la personne » et « invite les personnes concernées à se faire connaître » pour être assistée. Martelant que les services de l’État seront « toujours à vos côtés et dans la durée », le haut-fonctionnaire se veut aussi ferme dans l’anticipation de ses vœux 2024 : « j’ai la profonde conviction que les vins de Bordeaux ont un avenir. Nous n’avons pas cette tradition millénaire dans cette région pour s’arrêter là. Ça n’aurait pas de sens et surtout pas de justification ». Et d’appeler à la rigueur pour la sortie de crise : « ensemble, professionnels, représentants de la filière, partenaires, élus, services de l’État, nous avons une obligation de résultats. Parce que c’est jouable, c’est faisable, c’est accessible. »
* : Le budget 2023 avait été calibré sur 3,8 millions hl, celui 2024 vise 3,7 millions hl.