adam ! Après de longues semaines d’attente, d'abord de validation européenne arrivée il y a deux semaines puis de publication d'arrêté national tombé ce jour*, voici lancé l’appel à candidature du dispositif d'arrachage sanitaire des vignes sans perspectives commerciales en Gironde afin d’enrayer la flavescence dorée ! Ouvert en ligne ce 20 novembre (pour 33 minutes de remplissage estimé), le formulaire de demande d’aide de 6 000 €/ha serait ouvert jusqu’au mercredi 20 décembre 2023 d'après les services de l'Etat. Avec des déceptions qui s’annoncent inévitables, les demandes attendues allant à l’exact inverse des budgets disponibles pour chaque modalité d’arrachage. Car si le montant de la prime est unique à 6 000 €/ha, ce dispositif d’arrachage sanitaire inédit réunit deux financements pour deux outils distincts dans leurs modalités et leurs attractivités respectives.
Le candidat à l'arrachage pourra choisir entre l’aide à la renaturation, pour l’arrêt d’activité viticole financée par l’État à hauteur de 30 millions d’euros (ou 38 millions € selon le besoin de rallonge), et l’aide à la diversification agricole, pour les vignerons restant en activité avec un financement de 19 millions € du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). Mais sur les 9 500 ha pouvant être financés par ce dispositif inédit, la campagne de précandidatures menée cet été aboutissait à 9 251 hectares de vignes souhaitant l’arrachage, avec un tiers sur la contraignante renaturation, et son engagement à maintenir une jachère/un boisement pendant 20 ans, pour deux tiers sur la plus flexible diversification. Soit des demandes inversées par rapport aux financements fléchés sur chaque dispositif sur l’enveloppe globale de 57 millions € (1/3 prévu pour la diversification et 2/3 prévus pour la renaturation). Si les candidatures de l'été sont maintenues et recevables, il y aurait donc d'emblée deux fois plus de candidats pour la diversification que l'enveloppe ne le permet, pour deux fois moins de dossiers demandant la renaturation par rapport à la capacité de financement.


En pratique, « l’enveloppe financière permettant de soutenir ce plan devrait être largement atteinte sur le volet "diversification" induisant si les demandes définitives étaient similaires, l’application d’un stabilisateur à l’hectare. Dans ces conditions, le CIVB a décidé que seuls les viticulteurs qui ont déposé une pré-candidature seront éligibles au volet "diversification" et dans la limite des surfaces déclarées en pré-candidature » annonce la préfecture de Gironde. Sachant que les candidats à la diversification pourront voir leurs surfaces éligibles amputées par un stabilisateur, mais aussi leurs indemnistations diminuées du montant de leur créance auprès du CIVB au titre des Cotisations Volontaires Obligatoires (CVO, selon le dispositif voté ce 10 juillet par l’assemblée générale du CIVB).
Pour l’aide à la renaturation, « au vu de l’appel à manifestation d’intérêt, il n’y a a priori pas de risque de surconsommation du dispositif d’aides d’Etat » indiquait récemment le ministère de l’Agriculture à Vitisphere, pour qui « si une demande est éligible, elle serait financée, sinon il y aurait un stabilisateur. Le risque n’est pas exclu, mais l’Etat a mis les moyens pour répondre à l’ensemble des demandes. Nous avons pris tous les engagements financiers pour répondre aux besoins estimés. »
Dans le vignoble bordelais, l’essentiel est désormais d’aller au plus vite pour mettre en œuvre le plus rapidement possible cet arrachage retardé par des pesanteurs administratives usant les patiences. Et alimentant le système D : des projets d'arrachage sont déjà arrêtés en dehors du système d'aides, pour gagner en flexibilité et ne pas perdre en autorisation de plantation (sait-on jamais, il suffirait d'un miracle et le marché pourrait se renverser...). Si l’enjeu est de réduire les surfaces bordelaises dès le millésime 2024, le nécessaire rééquilibrage entre offre et demande pour les vins rouges n'arrivera pas à court terme. Avec des pertes conséquentes de récolte en AOC Bordeaux rouge liées au mildiou et aux diminutions de surfaces revendiquées (la production tournerait entre 1 et 1,1 million d’hectolitres de vin), la prévision de production 2023 serait « la plus basse des dix dernières années, voire de l’histoire récente » avance Stéphane Gabard, le président du syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur qui reste cependant réaliste : « on ne va pas surabonder le marché, mais on ne va pas non plus le tendre ».
Avec une déconsommation de vins prévue pour durer, la crainte de nouveaux arrachages s’accentuent même. « 30 à 40 000 ha de vignes pourraient disparaître d'ici cinq ans si les choses restent en l'état » rapporte le collectif Viti33, soit des réductions de l'ordre de 19 à 28 % du vignoble girondin, comptant actuellement 108 000 ha de vignes AOP.
* : Signé par la première ministre, Elisabeth Borne, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, le ministre chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, le très attendu décret n° 2023-1055 du 18 novembre 2023 porte sur la création d'un « dispositif d'aide en faveur de l'arrachage sanitaire préventif de vignes dans le département de la Gironde » est en vigueur à partir de ce dimanche 19 novembre. Ouvert aux propriétaires de vignes sur des terres non-constructibles et exploitées ces cinq derniers millésimes (2018-2022), l'arrachage sanitaire y est défini comme « le dessouchage des vignes avec extirpation des racines maîtresses et le retrait des bois de la parcelle ».