n visite ce 19 juillet dans le vignoble bordelais, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, ne pouvait que constater que la somme des difficultés s’abattant sur la Gironde ces dernières années. Venu pour parler de la virulence inédite du mildiou, le ministre note en conférence de presse que cette crise sanitaire « vient s’additionner à des crises structurelles, conjoncturelles de surproduction, qui ont succédé au gel, aux épisodes d’inflation ».
Alors que la campagne de distillation de crise est en cours au niveau national, l’arrachage sanitaire des vignes bordelaises excédentaire va pouvoir se concrétiser avec la clôture des pré-candidatures ce 17 juillet. Le ministère de l'Agriculture indique à Vitisphere que 1 085 dossiers de précandidature ont été reçus par ses services pour bénéficier d’une aide à l’arrachage de 6 000 €/ha. Représentant 9 251 hectares à arracher, ces prédemandes ne consommeront pas l’intégralité des 9 500 ha prévus et financés par l’État (37 millions d’euros) et le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeau (CIVB, 19 millions €). Avec 3 800 ha, un tiers des demandes porte sur un arrêt définitif de l’activité (avec une renaturation de 20 ans : en jachère ou boisement) et deux tiers sur une diversification agricole (avec le soutien à la reconversion de la Région Nouvelle-Aquitaine).
Malgré un dispositif d’arrachage sanitaire insatisfaisant, entre ses contraintes de boisement/jachère, et son prix, 6 000 €/ha quand le prix moyen de la vigne de Bordeaux rouge est tombé à 10 500 €/ha en 2022 d’après les derniers chiffres de la SAFER, l’outil aura presque réussi à faire le plein (ce qui n’était pas gagné une semaine avant sa clôture, avec seulement 664 demandes pour 5 400 ha). Le dépôt des demandes définitives aura lieu à partir de la mi-septembre (l'été permettant des échanges de parcelles selon les potentiels viticoles), pour un début des arrachages après valisation qui devrait démarrer à la fin 2023/début 2024 (avec de premiers versements en suivant).
Mais l’ampleur des difficultés bordelaises semble dépasser ce cadre. Il faut dire les données départementales indiquent que 70 % des agriculteurs ont un revenu inférieur au SMIC en 2021, que les calculs de rentabilité économique du vin en vrac par le collectif des viticulteurs évoquent des ventes à perte quasi systématiques depuis plus d’une décennie et que d’après un sondage de la Chambre d’Agriculture, 35 000 ha sont actuellement en difficulté au sein de 1 320 domaines viticoles. Ces difficulté sont criantes à la vision des vignes en friche qui pullulent dans le département.


Indiquant qu’un travail est réalisé avec le ministère de la Justice pour gérer pénalement les vignes abandonnées (vectrices de mildiou et flavescence dorée), Marc Fesneau estime que l’« on ne peut pas se retrouver dans des situations où la déprise viticole accentue des crises comme celles-là. Les dispositifs actuels ne sont pas assez dissuasifs. La meilleure dissuasion dans ces cas-là, ce sont les modalités économiques qui incitent au mouvement. »
Concernant les demandes de soutien face aux pertes de récolte causées par le mildiou, le ministre être venu pour constater l’ampleur des dégâts et « regarder avec eux les outils qu’on peut activer : même s’il est assez tôt, on ne pourra évaluer les pertes qu’à la vendange. Évidemment il y a les outils assurantiels, il semble qu’il y a un lien de corrélation entre la météo et l’apparition du mildiou. Il peut y avoir débat, mais l’important est de documenter ces choses liées à la météorologie ». En attendant de chiffrer les dégâts, « nous sommes dans des impasses phytos, il y a besoin de pousser la recherche » ajoute le ministre, concluant que face au changement climatique, « il faut arriver à restabiliser un modèle. Si chaque année il y a des pertes de 20 à 80 % de récolte : il n’y a pas de modèle économique durable. »