Cela a été dit dans toutes les réunions depuis que l’on communique dessus. Les non-exploitants et ceux qui cessent toute activité agricole entrent dans le dispositif de renaturation de l’État, avec une contrainte de 20 ans. Ceux qui arrêtent leur activité viticole en arrachant tout ou partie de leurs vignes, mais en restant exploitant agricole vont dans le dispositif de diversification du CIVB, il n' y a aucune exigence pour les cultures, et il n'y a aucune contrainte d' engagement.
Le sujet de la contrainte des 20 ans dans la renaturation est beaucoup mis en avant, ce qui a été retenu est le train qui arrive en retard. Dans les textes européens on ne peut pas faire autrement : on s’est battu pour le changer, mais c’était impossible. La contrainte de 20 ans concerne surtout les jachères. Pour les parcelles de renaturation mises en boisement, la contrainte est de fait : la plantation d’arbre nécessite du temps long.
On entend des vignerons ayant dépassé l’âge de la retraite se demandant s’ils peuvent engager leurs parcelles sur 20 ans, avec des conséquences pour leurs enfants et petits enfants…Ils ont raison. Mais quelle est leur situation actuelle ? S’ils ont des vignes en friche, leurs parcelles n'ont pas de repreneur et plus beaucoup de valeur : ils n’auront pas de clients pour les prendre en fermage ou les acheter. Oui le système d’arrachage sanitaire est imparfait, mais il n’en existe pas d’autre. Ce 22 juin, nous avions 420 dossiers de pré-candidatures pour 3 600 hectares à arracher.
La filière des vins de Bordeaux a réussi à obtenir un dispositif d’arrachage sanitaire exceptionnel. Maintenez-vous vos demandes de retour de l’arrachage primé dans le droit communautaire ?
Bernard Farges : On devra travailler au retour de l’arrachage dans les textes européens. Nous l’avons dit dès l’assemblée générale du CIVB de mai 2022. [Dans la filière nationale], tout le monde nous a dit non, nous demandant de trouver des solutions régionales. Le ministre de l’Agriculture aussi nous a dit de trouver une solution locale. La Région a pu mettre 10 millions d’euros pour accompagner le dispositif [de diversification agricole]. La filière bordelaise mettra 19 millions € pour l’arrachage sanitaire (et 30 millions € pour l’État), c’est beaucoup et ça va réduire notre capacité d’action.
D’autres régions regardent ce qui se passent à Bordeaux. Il y aura d’autres arrachages de vignes en France, ça ne peut pas être autrement quand on regarde les chiffres export et la consommation en France. Les chiffres sont dans le rouge pour tout le monde. Et si la valeur augmente ou est stable, sa répartition n’est pas uniforme. On ne peut pas se dire qu’il n’y aura pas d’autre arrachage. Sauf à se dire que l’on distillera tous les ans. Ce serait une gabegie. Une gabegie d’argent public.
Quels sont les autres bassins viticoles intéressés par l’arrachage ?
Ce n’est pas à moi de le dire. Je dis qu’au sein de la filière, si on ne se donne pas les outils de réduction des surfaces, on va dans le mur. Si on ne fait rien, dans deux ans il y aura de nouvelles demandes de distillation. Ce serait une folie. Il faut s’engager pour qu’il n’y ait plus de distillation à l’avenir. Je ne suis pas le seul à le dire, il y a aussi Michel Chapoutier (président de l’Union des Maisons et Marques de Vin) et Jérôme Despey (président du conseil vin de FranceAgriMer).
Bien sûr qu’il faut vendre plus et avoir des soutiens de l’État pour la communication export et française. Quand je vois le succès de Bordeaux Fête le Vin, il y a beaucoup à faire. Mais quand on somme les deux distillations de 2020 et 2023, on approche 400 millions d’euros pour retirer 5 millions d’hectolitres. Combien de vignes aurait-on arracher sur la base du volontariat avec 400 millions € ? Des milliers d’hectares qui auraient retiré autant de volumes que ces deux distillations. Des volumes retirés qui auraient permis d’économiser des frais de vinification et qui n’auraient pas été produits les années suivantes. Il fallait faire la distillation 2022 [de crise covid], mais cela n’a rien résolu.