eu vert pour des vignes dans le rouge. Afin de rééquilibrer offre et demande, le plan d’arrachage définitif demandé depuis mai 2022 par le Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB) vient d’être présenté ce premier mars, lors d’une conférence de presse improvisée sur le stand de la région Nouvelle-Aquitaine au Salon International de l’Agriculture (Paris). Ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau annonce le déblocage de 30 millions d’euros de fonds d’État pour financer l’arrachage sanitaire des vignes en production tout juste abandonnées ou sur le point de l’être pour « éviter la propagation de la maladie de quarantaine qu’est la flavescence dorée et qui est une perte de fond » explique Stéphane Héraud, président de l’Association Générale Pour la Viticulture (AGPV).
Âprement négociée, jusqu’à la dernière minute grâce à l’engagement financier de la filière girondine, cette première enveloppe d’argent public pourrait être rallongée de 8 millions € supplémentaires laisse entendre Marc Fesneau. Complété pour moitié par le CIVB (qui devra voter ce budget complémentaire et ses modalités), ce fonds sanitaire pourrait s’élever à 57 millions € au final. Des aides sanitaires qu’Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine, propose de compléter par des fonds européens pour la reconversion, le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER). Dans un communiqué, la région annonce qu’elle « mobilisera 10 millions € sur les années à venir pour accompagner au moins 300 viticulteurs dans leurs projets, avec une aide moyenne de 25 à 35 000 euros par exploitation ». Des aides que le département de la Gironde pourrait aussi compléter, comme l’espère Bernard Farges, le vice-président du CIVB.


En l’état pour le seul volet sanitaire, la filière des vins de Bordeaux peut commencer à se projeter sur un plan d’arrachage primé à 6 000 €/ha sur 9 500 hectares. « C’est une étape » souligne Bernard Farges, notant que ces premiers chiffres seront « sans doute insuffisants, et perçu de manière insuffisante par certains. Mais tout le monde a fait en sorte que ce dispositif puisse se mettre en œuvre. » Réuni ce lundi 27 février, le collectif des vignerons girondins demande toujours des aides de 10 000 €/ha. Un montant qui pourrait être atteint en cumulant fonds sanitaire et de reconversion. Avec un plan d’arrachage de 9 500 ha, l’opération de réduction surfacique resterait en deçà des 35 000 ha actuellement en difficulté auprès de 1 320 domaines viticoles (en Côtes de Bourg et de Blaye, en Entre-deux-Mers, en Médoc…).
D’autres leviers d’accompagnement sont à l’étude au niveau du CIVB, comme la reforestation de parcelles abandonnées depuis longtemps (et ne pouvant prétendre au fonds sanitaire). Actuellement, 2 000 ha de vignes en friche sont recensés en Gironde. Un partenariat avec la coopérative forestière Alliance Forêt Bois permettrait un arrachage à coût zéro pour ces parcelles abandonnées. Avec les 9 500 ha arrachés par le fonds sanitaire et 2 000 ha de friche retirées, le plan représenterait la disparition de 11 500 ha. De quoi poser de nouvelles bases pour l’avenir des vins de Bordeaux. « Nous devons tourner la page pour montrer notre dynamisme et notre esprit de conquête » pointe Allan Sichel, le président du CIVB, qui souligne le nécessité d’appuyer les investissements à l’export (notamment face à la déconsommation des vins rouges en France). « Nous devons nous projeter et anticiper les évolutions de marché à venir. Il faut repositionner l’image des vins de Bordeaux sur l’humain, l’approchable et l’artisanal. Notre cœur de gamme est 8-15 €/bouteille » pointe le négociant, alors que la Tournée des Vins de Bordeaux doit montrer ce visage dans les points de vente (du jeudi 9 au samedi 11 mars en France).


L’arrachage « est un point d’arrivée et sans doute un point de départ pour notre reconquête » renchérit Bernard Farges, soulignant que ce plan n’a pas été sans mal à obtenir. Saluant tous les soutiens régionaux et nationaux, remercie notamment Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, « même s’il nous a mis dans un corner », avec l’accès controversé aux aides de l’Organisation Commune du Marché Vitivinicole (OCM vin). « J’avais pris l’engagement d’obtenir des aides d’État suivant les débats menés dans chaque territoire » indique Jérôme Despey, indiquant que Bordeaux est le seul vignoble ayant « demandé à en bénéficier et à apporter un projet abouti de cofinancement. Le dispositif pourrait se reproduire et s’ouvrir à d’autres vignobles, s’il y a des cofinancements État/région/filière. » Si le syndicat des Côtes du Rhône estime que 2 à 3 000 ha sont à arracher, il ne semble pas y avoir de consensus en la matière dans la filière rhodanienne. En miroir, Bernard Farges salue ainsi le soutien du négoce bordelais sur ce plan d’arrachage : « ce n’est pas le cas partout ».
Concernant la distillation de crise, le ministre de l’Agriculture a évoqué un plan à 200 millions €, soit une rallonge de 40 millions € par rapport au plan présenté début février. Ce point doit être finalisé auprès de la Commission Européenne. Ça tombe bien, le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, est de passage au SIA ce jeudi et passera une bonne partie de la matinée avec Marc Fesneau…