8h30, lundi 27 février : la salle des fêtes du Pian sur Garonne est pleine à craquer. Quelques 300 viticulteurs ont répondu à l’appel de Didier Cousiney, porte-parole du collectif Viti 33, un collectif de vignerons qui entend peser sur les orientations politiques d’un vignoble girondin en crise.
En préambule, Didier Cousiney a planté le décor : « L’heure est plus que grave. Il va falloir prendre des décisions draconiennes et urgentes. Notre mobilisation est intacte pour un arrachage volontaire définitif à 10 000 € l’hectare » a-t-il martelé.
Un message suivi de chiffres, pas de nature à rassurer l’assistance : une étude réalisée à partir des statistiques du CIVB, le Conseil interprofessionnel du Vin de Bordeaux, démontre que sur 6 groupes de diverses AOC de Gironde, il y aurait une hémorragie de 47 M€ par an pour la filière vrac. Et sur l’intégralité de la surface plantée à Bordeaux, environ 110 000 ha, 40 000 ha auraient un problème de rentabilité.
Bastien Mercier, un des leaders du collectif, maire du petit village de Camiran, a jeté toutes ses forces, tout son militantisme dans l’assemblée : « C’est à nous de nous prendre en main. On est face à un problème de fond. Notre objectif est bien d’obtenir cet arrachage primé. On ne faiblira pas. Ensembles on continuera à se battre. Nous demandons des états généraux de la viticulture » a-t-il annoncé, voix forte, geste ample.
La parole est donnée à l’assistance qui d’emblée ne se prive pas pour une attaque en règle contre le CIVB. « A part organiser la fête du vin à Bordeaux, qu’est-ce que vous faites ? » interroge une vigneronne. Christophe Chateau, directeur de la communication du CIVB, présent dans la salle, voix maitrisée, tente la pédagogie : « Nous consacrons un budget de 15 M€ sur sept pays prioritaires. Mais ce n’est pas en vous listant toutes nos opérations que cela va vous aider ».
Tollé dans l’assistance : « Vos actions ne fonctionnent pas » s’insurge un viticulteur. Les noms de Bernard Farges, le président du Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à Indication Géographique (CNIV), et de Stéphane Héraud, le président de l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV), circulent entre les rangs : « Ils ne sont bons qu’à aller trinquer avec le président Macron au salon de l’agriculture » entend on ici et là.
« Je vous jure que Bernard Farges se bat tous les jours » défend Christophe Chateau. « Faux, cela ne fait que trois mois qu’il se remue pour nous » crie un viticulteur.
La pression redescend. On parle diversification. Bastien Mercier prévient : « attention, il ne faut pas que cela soit un rêve. Se lancer dans les oliviers et produire de l’huile d’olive à 10€ la bouteille, constitue essentiellement un marché de niche. De même si vous voulez vous lancer dans l’agri photovoltaisme, soyez prudent. N’hésitez pas à prendre un comptable et un avocat. Ne vous lancez pas les yeux fermés ».
Un jeune viticulteur prend la parole : « J’ai 36 ans. Cela fait 17 ans que je fais ce métier. On nous a dit passez en bio, puis soyez HVE. Pour quels résultats ? Nos coûts de production explosent et les cotisations ne baissent pas ». Succès assuré et applaudissements.
Didier Cousiney remet une couche et harangue l’assistance : « Faites grossir le collectif. Nous devons obtenir l’arrachage définitif primé à 10 000 €/ha ». Et d’annoncer que le collectif va se transformer en syndicat. « On ne vous demandera pas de cotisation » assure-t-il. Eclats de rires dans la salle.
Quant aux états généraux, s’ils n’aboutissent pas, Didier Cousiney promet une « grosse » manifestation à venir.