e matin avait lieu la réunion tant attendue par toute la filière viti-vinicole française. Et si paroles il y a bien eu, elles n’ont manifestement pas été en l’air. Le ministre de l’agriculture Marc Fesneau a confirmé aux représentants de la filière son accord pour le financement d’une distillation conjoncturelle des vins, la mobilisation possible de fonds pour un arrachage structurel pour les bassins qui le nécessitent, ainsi qu’une ouverture du ministère des finances à la possibilité d’allongement de 6 à 10 ans du remboursement des prêts garantis par l’Etat souscrits lors de la crise sanitaire Covid.
« Dès à présent, et dans la limite des montants autorisés par les dispositions européennes, ce sont 40 millions € (M€) de crédits nationaux complétés de 40 millions de l’enveloppe de financements européens (FEAGA) dédiée au secteur viti-vinicole qui permettent d’engager dès cet été une campagne de distillation. Une seconde campagne de distillation pourra être organisée à partir d’octobre selon la même répartition entre crédits nationaux et européens pour atteindre un maximum de 160 millions d’euros en 2023 », annonce le cabinet du ministre de l’Agriculture suite à cette réunion de filière. En répartissant l’effort de financement sur deux exercices successifs de l’OCM viti-vinicole (d’octobre à octobre), le ministère apporte une réponse cohérente de financement à la filière. La distillation est donc officiellement annoncée « mais il n’y aura aucun accord si nous ne parvenons pas au plancher de 200 M€ de financement global de celle-ci, j’insiste fermement là-dessus », rebondit néanmoins Jérôme Despey, président du conseil spécialisé vins de FranceAgriMer.
Discutée en réunion, cette rallonge d’au moins 40 M€ exigée devrait trouver sa source de financement « dans le fonds de réserve de crise de la Commission européenne, abondée chaque année à hauteur de 450 M€, disponible pour l’ensemble des pays et des filières », reprend-il. Mais sur cette rallonge que le président du conseil spécialisé vins de FranceAgriMer annonce indispensable, point de réponse à espérer avant le mois de mars et la réunion des ministres concernés. « 200 M€ permettent d’arriver à un plan de financement similaire à celui de la précédente distillation de crise de 2020, qui avait mobilisé 211 M€ pour 2,6 millions hl. A la filière ensuite de se concerter pour établir les modalités de segmentation entre catégories de vins et les besoins en distillation par bassin, car on ne pourra pas aller vers des prix supérieurs à ceux qui guident actuellement le marché », reprend Jérôme Despey.
« Mais le compte n’y est pas », tranche pourtant Gérard Bancillon, président de la confédération des vins IGP de France, « car les remontées des différentes interprofessions nous font comptabiliser un besoin en distillation de 3 millions d’hectolitres à l’échelle nationale, soit un besoin de 240 M€ pour une valeur moyenne de 80€/hl ». Alors qu’une segmentation par qualité de vins et peut-être par couleurs était évoquée avant la réunion, les tensions du marché des vins blancs éloignent ces derniers de cette mesure de distillation. « A la filière d’arrêter son choix entre volume à distiller et rémunération de celle-ci, c’est maintenant notre travail de proposer un plan de répartition cohérent et adapté à ce financement », enchaîne Jérôme Despey. Si la porte n’est pas refermée, le recours à l’aide au stockage privé nécessitera des discussion plus poussées, « car contrairement à la distillation, il n’y a pour l’heure aucun mécanisme réglementaire pour cette mesure à l’échelle européenne », précise le président du conseil spécialisé vins de FranceAgriMer.


Cher à la fédération des vignerons indépendants, le sujet du remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE) a lui aussi fait l’objet d’avancées jugées constructives. « Le gouvernement complète le dispositif de médiation du crédit aux entreprises en créant une task force ministérielle placée au sein du ministère en charge de l’agriculture, pour accompagner les agriculteurs et les orienter vers les solutions les plus adaptées à leur situation », annonce le ministère de l’agriculture par communiqué. « Alors que le ministre de l’agriculture et le premier ministre nous montraient leur accord sur notre revendication de dérogation pour allonger les remboursements de PGE de 6 à 10 ans, ça bloquait du côté des finances à Bercy. La création de cette task force, qui va étudier les dossiers des entreprises au cas par cas, nous permet enfin d’envisager une ouverture sur ce point », valide Jean-Marie Fabre, président de la fédération nationale des Vignerons indépendants (V.I).
Une réunion des représentants de la filière viti-vinicole, du ministère et de la fédération des banques est également mise sur la table « afin de trouver l’outil le plus adapté pour que nous parvenions à cette solution d’allongement du remboursement des PGE », ajoute Jean-Marie Fabre. Le vigneron de Fitou souligne en effet que « l’oxygène d’aide pour la trésorerie » qui pourra être apporté aux entreprises aujourd’hui « représente d’autant moins de ressources que ce qu’il faudra dans quelques années si ces entreprises mettent la clé sous la porte, sans parler des cotisations qu’elles apportent à l’économie pour le besoin de financement des retraites futures ».
Dernier volet majeur de la réunion du jour, les mesures d’arrachage structurel, particulièrement attendues par le bassin bordelais. « Des pistes sont à l’étude autour de la mobilisation des outils du Feader sur la diversification agricole, du renouvellement de générations, et de l’arrachage sanitaire dans le cadre d’un programme interprofessionnel d’enrayement de la flavescence dorée. Le travail doit se poursuivre pour que ces leviers puissent être rendus opérationnels dès 2023. L’Etat sera aux côtés de la région Nouvelle-Aquitaine et de l’interprofession bordelaise pour répondre ensemble aux enjeux », présente le communiqué du ministère de l’agriculture. Si aucun montant n’est annoncé, ces deux pistes de financement validées par le ministère semblent satisfaire les responsables de filière. « Le fonds sanitaire et environnementale FMSE, utilisé jusque-là dans un cadre curatif, par exemple pour la flavescence dorée, serait alors mis en œuvre dans un cadre préventif en retirant du paysage les vignes à l’abandon », situe Jérôme Despey.
Visant préférentiellement les vignes à l’abandon ou en fin de course, cette orientation de financement permettrait d’ouvrir une porte de sortie aux exploitants en grande difficulté et désireux de se retirer. De l’autre côté, la mobilisation du Feader, impliquant des contreparties en mesures agro-environnementales, serait conjointement menée par l’état et les régions. « Pour l’heure, seul le bassin bordelais a chiffré des besoins d’arrachage. L’engagement de l’état aux côtés des régions permet de délester celles-ci d’une trop grande charge de financement. Le travail de quantification précise doit être mené rapidement car des réponses concrètes de mise en œuvre sont prévues pour la tenue du salon de l’agriculture », résume Jérôme Despey.
Le ministre Marc Fesneau demande également à FranceAgriMer de poursuivre son travail concernant la perspective d’arrachage temporaire, essentiel au maintien du potentiel de production des bassins. Enfin, décision a été prise d’utiliser « le reliquat de 40 M€ du dispositif assurantiel du gel de 2021 », explique Jérôme Despey, pour que FranceAgriMer lance un appel à projet d’aide à l’investissement face aux aléas climatiques. « Deux nouveaux guichets d’aide aux investissements de protection face aux aléas climatiques dotés de 20 M€ chacun, dont un réservé aux assurés, soit un total de 40M€ pour mieux protéger l’ensemble des exploitations, ouvriront dans les prochains jours », communique le ministère de l’agriculture. « Les 20 M€ restants devraient plutôt être fléchés pour l’adaptation face à la sécheresse », complète le président du conseil spécialisé vins de FranceAgriMer.