artie remise. Encore 11 jours à attendre avant de connaître les arbitrages gouvernementaux pour aider la filière vin à se projeter sur 2023. Prévue ce 26 janvier après-midi à Paris, la rencontre entre la filière vin et le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, est reportée le lundi 6 février en matinée. Un décalage annoncé ce 25 janvier « en raison de contraintes d’agenda et de sujets et propositions qui nécessitent un temps d’expertise supplémentaire » indique-t-on au ministère de l’Agriculture. Alors que la nature des annonces était très attendue dans le vignoble, certains verront le verre à moitié vide, comme il n’y a toujours pas de réponses aux crises viticoles, d’autres verront le verre à moitié plein, cette prise de temps supplémentaire pouvant éviter une déconvenue ce jour pour finaliser les mesures attendues d’ici 11 jours.
C’est l’approche de Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui rapporte que « le ministre souhaite que la réunion soit utile et permette d’apporter des réponses au secteur viticole. C’est ce que nous en attendons, avec la demande d’outils pour traiter des éléments conjoncturels et structurels. » Pour le viticulteur de Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault), « le constat est connu et partagé. Les demandes sont portées depuis de nombreuses semaines, il faut apporter des réponses concrètes. Nous avons besoin de mesures à la hauteur des attentes espérées par l’ensemble de la filière viticole. » Pour Jérôme Despey, le seul juge de paix permettant de valider ce décalage sera la nature des réponses du ministre lors de cette rencontre.


C’est après le rendez-vous que la filière saura si les propositions sont à la hauteur confirme Jean-Marie Fabre, président des Vignerons Indépendants de France. Faisant état d’un « rendez-vous capital pour la filière viticole », le vigneron de Fitou (Aude) appelle toujours à la mise en place rapide de solutions donnant de la visibilité aux marchés actuellement incertains. « L’impatience est palpable, grandissante. Je préfère personnellement qu’il y ait aujourd’hui un report des annonces afin que soient fortes, calibrées et opérationnelles. Il y a besoin urgemment de réponses claires, précises, budgétées et bordées réglementairement » ajoute Jean-Marie Fabre.
Dans la boîte à outils demandée par la filière, on trouve notamment de quoi préserver les trésoreries avec la demande de prolongation de 6 à 10 ans du remboursement des Prêts Garantis par l’État (PGE). « La viticulture a souscrit 1,4 milliard d’euros de PGE, les ¾ des PGE en agriculture. La viticulture a utilisé ces PGE et beaucoup ne sont pas remboursés » alerte Jérôme Despey. D’autres outils visent à soutenir les marchés en réduisant les charges (bouclier tarifaire pour l’énergie, réduction des charges sur les bouteilles, les cartons, l’aluminium…) et en réduisant les stocks (essentiellement pour les vins rouges).
Pour ce dernier point, des aides à la distillation de crise et un soutien au stockage privé sont demandées par les vins français, ce qui nécessitent des accords européens explique Jérôme Despey. En l’état, la capacité financière de financement de la distillation de crise par la France est bloquée à 15 % de son enveloppe OCM vin (Organisation Commune du Marché vitivinicole). Soit 40 millions d’euros : « ce n’est pas suffisant et ce n’est acceptable » pour le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui demande la mobilisation de crédits de crise de l’Union Européenne et de crédits nationaux pour financer cette aide exceptionnelle. La réunion ce 30 janvier des ministres européens de l’Agriculture pourrait notamment statuer sur le sujet. D’autant plus que des demandes de distillation (et de vendange en vert) sont désormais formulées dans le vignoble espagnol. Reconnaissant qu’« il y a beaucoup de crises dans de nombreux secteurs, le secteur viticole subit depuis 2019 une succession d’aléas cumulatifs (taxes Trump, covid, gel, sécheresse, déconsommation, inflation…) » pointe Jérôme Despey.
Si les mesures de préservation de la trésorerie et de soutien des marchés sont conjoncturelles, la filière demande également des aides structurelles : l’arrachage temporaire (ou restructuration différée, notamment demandée en Côtes-du-Rhône et Languedoc) et l’arrachage primé (n’existant plus dans la réglementation européenne, ce qui demande de nouvelles voies, actuellement expertisées à Bordeaux). Si l’urgence prime, le soutien à la filière vin doit aussi passer par des actes politiques forts pour le développement export (de la diplomatie à des aides pour l’exportation) pointe Jean-Marie Fabre, plaidant pour que le renforcement du vignoble français soit la grande cause nationale de 2023. Si la liste des revendications vigneronnes est longue, leur impatience d’entendre les décisions ministérielles la dépasse. Tout comme leur exigence, accrue avec ce temps de réflexion et de finalisation de mesures attendues.