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La vigne "en ligne" pour distiller, arracher et se relancer
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Plan d’aides
La vigne "en ligne" pour distiller, arracher et se relancer

Les représentants du vignoble ne veulent pas dissocier les aides conjoncturelles de distillation des mesures structurelles d’arrachage afin de faire table rase des déséquilibres pesant actuellement sur la filière vin.
Par Alexandre Abellan Le 15 février 2023
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La vigne
« Toute la filière est unie sur les mêmes objectifs » rapporte Stéphane Héraud. - crédit photo : Alexandre Abellan
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istillation de crise politique ? Si le négoce et ses exportateurs demandent un nouvel arbitrage amont/aval des aides annoncées par le gouvernement à la filière viticole afin que l’arrachage prime sur une deuxième campagne de distillation en trois ans*, le vignoble affirme sans ambigüité son objectif commun : obtenir un maximum d’aides pour faire place nette via la distillation de crise et l’arrachage primé. « Je n’ai jamais senti la filière autant en ligne » pointe, sur le salon Wine Paris & Vinexpo Paris, Stéphane Héraud, le président de l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV). « Nous poussons deux mesures : arrachage et distillation. Les besoins ont été discutés et actés par toute la filière » ajoute Gérard Bancillon, le président de la Confédération des vins IGP de France (Vin IGP). « La position de la filière est d’obtenir un maximum de moyens financiers pour avoir le maximum d’impact sur la situation conjoncturelle » résume Jérôme Despey, le président conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, ajoutant que « la filière a plus besoin d’unité que de division. Pour pouvoir traiter le structurel, il faut pouvoir travailler sur le conjoncturel. Ne les opposons pas. La filière a cumulé comme aucune autre : les négociants connaissent bien nos difficultés. Ils n’achètent pas. »

« Notre position est constante depuis des mois : notre priorité, c’est l’arrachage. Il faut évacuer le surstock par la distillation. Mais si l’on revient gratter à la porte l’an prochain, ce sera un échec » précise Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin d’Appellation (CNAOC). « La distillation sans arrachage, ça n’a pas de sens. On est dans l’urgence où il faut évacuer les volumes de distillation. L’urgence est tout aussi prégnante pour l’arrachage » ajoute le vigneron alsacien. « Ce serait une folie de n’agir que sur la distillation : ce serait une gabegie » renchérit Bernard Farges, le président du Comité National des Interprofessions des Vins AOP et IGP (CNIV), qui rapporte la position du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, sur le sujet : « ce coup-ci, en 2023, le conjoncturel ne doit être qu’au service du structurel » alors que la filière a bénéficié d’aides à la distillation en 2020*.

Modalités de distillation

Alors que Michel Chapoutier, le président de l’Union des Maisons du Vin (UMVIN), propose des conditions restrictives pour la distillation de crise, la production se montre ouverte à l’étude de ces options pour la mise en œuvre du dispositif. Concernant un engagement de réduction des rendements après distillation, Gérard Bancillon indique privilégier des systèmes de régulations comme les réserves interprofessionnelles. L’idée de réduire l’aide pour les opérateurs ayant bénéficié de la distillation covid ne semblerait pas réaliste… Et réglementaire.

Avancée par Michel Chapoutier, la différenciation des prix mis en œuvre dans la distillation entre vins d’Appellation d’Origine Protégée (AOP), à Indication Géographique Protégée (IGP) et sans indication géographique (Vin de France) semble faire consensus. Conséquence de prix de production supérieurs en appellation, « je souhaite une différenciation de prix entre les segments AOP et IGP » indique Jérôme Bauer, qui regrette que « lors de la dernière distillation, ce sont les IGP qui ont sorti les marrons du feu. Je n’aimerai pas retrouver cette situation. La distillation est une aubaine pour certains, qui continuent de produire des vins qui n’ont pas de marchés. »

À ces prix-là, personne n’est gagnant

Face aux critiques du négoce sur une forme d’assistanat des vignobles distillant, Jérôme Despey met les points sur les i : « la distillation, ce n’est pas un plaisir. Les producteurs sont là pour produire, valoriser et conquérir des marchés. Une distillation n’est jamais une bonne solution : on le sait. Mais que fait-on pour les vignerons qui sont au bout, sans commandes ni trésorerie ? Je ne peux pas les laisser au bord de la route. » Le viticulteur languedocien ajoutant que le vignoble « n’est pas là pour distiller chaque année ». Même mise au point pour Gérard Bancillon : « certains voudraient faire croire à un effet d’aubaine et à des fraudes dans la distillation. En réalité, beaucoup de gens sont à la peine. Et à ces prix-là, personne n’est gagnant. »

2,5 et 3 millions hl à distiller

Mesure la plus avancée à date, la distillation de crise s’articulerait en deux vagues : une première au plus vite de 40 millions € de fonds européens et 40 millions € de fonds nationaux, une deuxième d’autant en octobre (pour respecter des plafonds communautaires). « On a 160 millions € confirmés pour la distillation. On demande au moins 40 millions en plus » indique Stéphane Héraud. Alors que les besoins de distillation sont estimés nationalement entre 2,5 et 3 millions d’hectolitres, « aujourd’hui, 160 millions € ce n’est pas suffisant. Il faut minima 200 millions en allant mobiliser les crédits de crise européenne » ajoute Jérôme Despey. Il faudrait 240 millions € pour Gérard Bancillon, qui souhaite une valorisation à 80 €/hl pour les vins IGP, en se basant sur un prix moyen de 93 €/hl pour les vins rouges IGP échangés en vrac en janvier dernier.

Également demandée pour des vins rosés, la distillation concernerait essentiellement des vins rouges, également demandeurs d’arrachage à Bordeaux et en Côtes du Rhône. Circonscrite, cette crise concerne toute la filière prévient Jérôme Bauer : « si l’on n’apure pas ces surstocks rapidement, il pourra y avoir des tensions de marché qui se feront au détriment des prix et qui pourront toucher d’autres régions comme la mienne, l’Alsace. Nous sommes tous solidaires des demandes : Cognac et Champagne qui marchent du feu de dieu, comme la Bourgogne, l’Alsace ou le Val de Loire qui ne sont pas demandeurs. » Mais pour le vigneron alsacien, « il ne faut pas amputer les aides à l’export : ce serait se tirer une balle dans le pied. Je suis partisan de ne pas toucher aux aides à la commercialisation, on en a besoin. » En l’état, les 40 millions € d’aides européennes pour financer la distillation seront issus de l’Organisation Commune de Marché vitivinicole (OCM vin). « La filière ne voulait pas aller chercher dans ces crédits. Il s’agira d’un reliquat de l’OCM vin non utilisé : les appels à projet seront maintenus, je le certifie » précise Jérôme Despey

Rétropédalage de l’UMVIN

Si le positionnement du négoce sur la distillation amène des débats, il peut aussi créer du consensus pour l’arrachage. « Je suis très heureux du rétropédalage de l’UMVIN, qui militait toujours contre l’arrachage et a pris une position pour » glisse Jérôme Bauer, qui « attend une position clairement affichée du ministre pour une enveloppe conséquente sur l’arrachage. Avec les 160 millions d’euros posés sur la table pour la distillation, on pourrait arracher au moins 20 à 25 000 hectares. » En l’état, les pistes évoquées par le ministère de l’Agriculture restent à concrétiser, entre reconversion agricole via les Fonds Européens d’Aide au Développement Rural (FEADER) et arrachage pour éviter les maladies viticoles par le Fonds national agricole de Mutualisation Sanitaire et Environnemental (FMSE).

Rappelant que le vignoble demande des outils de restructuration différée et d’aides à la trésorerie (déplafonnement des Prêts Garantis par l’État, PGE, et prêts bonifiés relais), Bernard Farges souligne que soulager le marché des vins se fera « à la seule condition d’avancer sur deux jambes : l’arrachage et la distillation ». Avec l’objectif répétée qu’il n’y ait pas de distillations tous les ans pointe Gérard Bancillon, pour qui « la filière devra montrer sa rigueur en proposant une feuille de route collant aux demandes des consommateurs »

Négoce/production

« Le plan est plus global » confirme Stéphane Héraud, qui note qu’« une fois que l’on a tout nettoyé, les stocks par la distillation et les éventuels surplus de production avec l’arrachage » il serait pertinent de lancer une communication d’ampleur sur les vins français auprès de leurs principaux marchés, sur le modèle de ce que font l’Espagne et l’Italie. Une demande partagée par la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux. Les exportateurs conseillant également aux vignobles de prendre exemple sur les modèles de pilotage de Cognac et Champagne par la production et le négoce. Notant que l’on trouve dans ces deux vignobles « une vraie cogestion plus aboutie et profonde qu’ailleurs », Bernard Farges souligne qu’« il faut noter dans ces deux filières que les stocks sont portés par l’aval. Ce n’est pas une excuse, mais une bonne explication pour d’autres zones où le négoce est de moins en moins éleveur. » En termes de partenariat entre négoce et production, Jérôme Despey prône le développement de la contractualisation : « il faut garantir un revenu aux vignerons sur les segments de marché identifiés ».

 

« N’opposons pas le conjoncturel au structurel » plaide Jérôme Despey.

 

 

* : Des aides de 211 millions € pour la distillation et de 50 millions € pour l’aide au stockage privé rappelle Jérôme Despey, alors que le négoce cite le chiffre global, erroné, de 260 millions €.

 

 

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Hype Le 21 février 2023 à 08:40:42
D'un coté, les gros groupes industriels (parfois plus fragiles qu'il n'y parait), une (petites) poignées d' appellations prestigieuses et quelques domaines indépendants qui fonctionnent bien, voire très bien; De l'autre, une multitude de domaines, de coopératives et de vignerons qui sont condamnés à plus ou moins court terme. Problème: la deuxième catégorie représente l'écrasante majorité des surfaces et des volumes. Il va falloir une révolution de palais pour en sauver un maximum. Malheureusement, l'Etat n'est pas prêt à lâcher la bride et les Syndicats viticoles pas disposés à changer. Chronique annoncée d'une chute vertigineuse pour le secteur.....
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