Marc Fesneau : Il faut des mesures de soutien pour relever les défis conjoncturels (liés au gel, à la guerre en Ukraine…). Il faut que l’on essaie de passer ce cap, ce sont des mesures que l’on a annoncées la semaine dernière. On a besoin de mesures conjoncturelles. La distillation est une première série de mesures : 2x40 millions € puis 2x40 millions, puis on continuera à travailler sur des mesures relevant de mécanismes européens. Il y aura une partie d’arrachage pour la lutte contre un certain nombre de maladies des vignes [NDLR : arrachage sanitaire via le FMSE, Fonds national agricole de Mutualisation Sanitaire et Environnemental] et une partie avec les régions [NDLR : arrachage pour reconversion agricole via le FEADER, Fonds Européen Agricole de Développement Rural], l’objectif étant aussi de savoir ce que vont devenir les terres. On en est train d’affiner un certain nombre de dispositifs. Y compris dans l’arrachage*. Le problème, c’est que le dispositif n’existe pas. Si l’on revenait à ce qui avait été fait il y a 10 ou 15 ans en Occitanie, il y en aurait pour 18 à 24 mois : l’urgence fait qu’il faut que l’on trouve des mesures plus efficaces et efficientes tout de suite.
Deuxièmement, il faut que l’on se projette dans l’avenir, avec toutes les mesures de soutien à l’export existante. Troisièmement l’adaptation, pour passer des caps mieux qu’on n’a pu les passer face au dérèglement climatique. Distillation, arrachage, accompagnement de la filière, se tourner l’export… Ce sont toutes les pistes.
Quel est le calendrier pour ces mesures d’aides à la filière vin ?
On va dérouler les mesures au fur et à mesure. 40+40 millions € pour la distillation. On fera la deuxième série dès que l’on pourra rouvrir la mesure au mois d’octobre, comme c’est un régime de la Politique Agricole Commune (PAC). On travaille aussi sur la réserve de crise. Et puis on a besoin d’affiner sur l’arrachage qui doit être fait.
Il n’y a jamais de chèque en blanc. Je n’ai pas entendu autre chose dans la filière que la volonté de gérer immédiatement la crise et de se projeter dans l’avenir. L’idée, c’est de ne pas se retrouver tous les ans avec cette mesure. Qui a déjà été opérée lors la crise Covid. Mais l’idée, c’est évidemment que ce ne soit pas récurrent. Par nature, ça ne peut pas être autre chose qu’un moment conjoncturel.
Concernant la demande d’étalement des remboursements des Prêts Garantis par l’État (PGE), où en est-on ?
La prolongation, on ne peut pas le faire. Il faut le dire à un moment. Simplement, on a convenu avec les viticulteurs de travailler à nu dispositif intermédiaire avec le médiateur et les banques pour que l’on essaie au cas par cas de prolonger les PGE. Mais ça ne peut pas être une mesure générale. C’est l’engagement que l’on a pris auprès de l’Union Européenne. Et on aurait des demandes reconventionnelles d’autres secteurs. Pour éviter qu’il y ait une mesure d’inscription au fichier Banque de France, une équipe dédiée au ministère de l’Agriculture va accompagner auprès de la banque les viticulteurs et éviter qu’il y ait des problèmes sur d’autres crédits.
Reprenez-vous la demande de plan social pour la viticulture ?
Je n’aime pas le terme de plan social. Il y a des sujets sociaux pour un certain nombre de viticulteurs en fin de carrière, ceux qui sont très endettés, mais on va essayer de regarder au cas par cas. C’est plutôt en Nouvelle-Aquitaine, dans le Bordelais, que l’on a un sujet. Je ne peux pas envoyer le message d’un plan social massif, on a aussi des capacités à trouver de nouveaux marchés à l’export.
Souhaitez-vous faire du vin une grande cause nationale pour défendre son développement économique ?
C’est une grande cause nationale. Une fois que je l’ai dit, la question de la grande cause nationale c’est d’y mettre les moyens, d’y mettre de l’énergie et de déployer des dispositifs à l’export. Évidemment c’est une grande cause. C’est un intérêt pour nous en termes d’export et territoriaux. C’est de tout temps une grande cause nationale. Quand vous avez mis plus d’un milliard € sur le gel, quand vous vous apprêtez à mettre ce que l’on met sur les mesures conjoncturelles, etc. Si ce n’est pas une grande cause nationale… Les viticulteurs n’ont pas besoin de mots, ils ont besoin d’actes. Je pense que l’on a été au rendez-vous des actes.
Concernant la refonte de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE), certains vignerons se sentent trahis par le calendrier et la méthode…
D’abord il y a deux ans sans rien toucher. Tout ça était sur la table au moment de la PAC. Deuxième élément, je me suis engagé à regarder avec la filière dans les six mois qui viennent, d’ici l’été, ce que l’on peut faire évoluer dans le cahier des charges. Il faut voir. La difficulté, c’est qu’ils sont dans HVE, mais ne bénéficient pas de l’écorégime. HVE a été réhaussée plutôt pour les grandes cultures. J’imagine que l’on va trouver un chemin.
* : Suite à ses échanges avec le ministre à l’occasion du salon Wine Paris & Vinexpo Paris, la sénatrice Nathalie Delattre (Gironde, Rassemblement Démocratique et Social Européen) se dit rassurée pour les demandes bordelaises : « je pense que l’on va rapidement pouvoir finaliser l’arrachage. Il faut aller vite, avec des mécanismes opérationnels. » L’élue salue des réponses rassurantes, confirmant des avancées de la région Nouvelle-Aquitaine sur l’usage du FEADER et du FMSE (un groupe pilote travaillant sur le sujet de l’arrachage sanitaire à Blaye face à la multiplication des friches). Face à l’urgence économique, Nathalie Delattre souligne le coût humain d’une telle mesure : « c’est toujours un crève-cœur d’arracher des vignes après une vie de labeur ».