lors que la distillation de crise va prochainement être lancée, « il y a des questions à se poser » prévient Michel Chapoutier, le président de l’Union des Maisons et Marques du Vin (Umvin). Pour le négociant rhodanien, la connaissance fine des opérateurs apportant leurs excédents à distiller est primordiale pour que la filière vin tire les leçons de ces excédents. Préférant parler de sous-commercialisation plutôt que de surproduction, Michel Chapoutier appelle donc à une transparence exemplaire dans le suivi des bénéficiaires.
D’autant plus que la précédente distillation de crise en 2020 (211 millions € pour 2,6 millions hl retirés du marché lors du covid) n’a pas fourni de données permettant une analyse poussée de la campagne (voir encadré). « Il y a un non-dit derrière la distillation. En 2020, on a distillé à l’aveugle. On ne peut pas savoir qui a distillé et ce qu'on a distillé » résume Michel Chapoutier, regrettant les angles morts d’une procédure simplifiée en 2020 ne permettant pas d'avoir d'informations fines pour tirer les conséquences et corriger le tir.


« C’est une anomalie et nous devons veiller à ne pas la renouveler » estime Michel Chapoutier. Pour la distillation millésimée 2023, « ces informations sont nécessaires : non pas pour pointer du doigt telle région ou tel opérateur » précise le président de l’Umvin, « mais pour pouvoir en tirer des conséquences en termes de gestion, collective ou individuelle ». Pour l'Umvin, cette connaissance pourrait permettre de réfléchir à des rendements différenciés, limités par exemple pour les opérateurs distillant au-delà d’une certaine quantité et maintenus pour les autres.
« Il serait normal que ceux qui distillent réduisent leurs rendements, mais que cela n’affecte pas ceux qui n’ont pas besoin de distiller. Sinon c’est la double sanction pour ceux qui ont des marchés : ils voient les prix baisser et ils doivent réduire leurs rendements, ce qui risque de les déséquilibrer, en les amputant d’une partie de leur activité commerciale et donc, de leur revenu » argumente Michel Chapoutier. Pour le résumer et l'imager plus frontalement, ce n’est pas parce qu’il y a des nains qu'il faut abaisser toutes les portes.
Michel Chapoutier ajoute que ces données permettraient de guider les opérateurs en difficulté commerciale, afin de réorienter et adapter leurs lignes de produits. Par exemple, le négociant de Tain l'Hermitage croit dans le potentiel des profils de vins rouges frais, légers à servir froid ou à mettre dans un seau à glace à la place de vins rosés. Pour le président des négociants français, l’essentiel est de lever les non-dits pour que cette distillation soit la dernière en la matière. « Tout le monde d’accord pour dire que c’est la dernière distillation de crise. Il faut le dire haut et fort, ça ne peut pas être récurrent. Nous devons nous adapter d’une manière structurelle et tourner le dos à la répétition de ces ajustements périodiques et coûteux pour les deniers publics » conclut Michel Chapoutier.
En 2020, l’aide à la distillation de crise a bénéficié à 4 800 opérateurs (dont 66 négociants, en AOP et IGP exclusivement) pour 2,6 millions hectolitres livrés (dont 100 000 hl pour le négoce).
D'après les données compilées par FranceAgriMer, sur ces 4 800 bénéficiaires de la dernière distillation, une trentaine d’entreprises a distillé 25 % des volumes, en représentant moins d’un pourcent des demandeurs. Avec un millier de bénéficiaires, un cinquième des bénéficiaires a distillé les trois quarts des volumes aidés.
Par rapport à la production moyenne 2013-2019 des bassins, les vins distillés en 2020 représentent 9 % des volumes du Languedoc-Roussillon, 10 % en Aquitaine, 3 % en vallée du Rhône-Provence, 8 % en Val de Loire Centre, 14 % en Sud-Ouest, 6 % en Alsace-Est... On comptait 1 200 bénéficiaires en Gironde, 450 dans l’Hérault, 350 dans l’Aude, 300 en Loire-Atlantique…