Alain Rousset : Je crois qu’il y a un faisceau d’actions à mener. Il faut d’abord tenir compte d’une baisse tendancielle de la consommation de vin, liée à la société [française] telle qu’elle est et la baisse du marché chinois à l’export (sauf pour les grands vins et les cognacs qui s’achètent plus qu’ils ne se vendent, et dont la part export est considérable). Quand on ajuste la consommation, quelques soient les efforts de communication, il se pose de multiples problèmes sociaux pour les petits vignobles et propriétaires qui se demandent que faire après.
Ce qui est terrible, c’est le vignoble qui a fait de nombreux progrès sur le plan de la qualité et qui souffre énormément, parce que le prix de vente est inférieur au coût de production. L’idée est de pouvoir procéder à l’arrachage. Aujourd’hui sur le système mis en place, la Direction Régionale de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF) recense 595 candidatures pour 5 600 hectares pour le guichet de demande d’aides (ouvert jusqu’au 20 décembre). Donc on n’est pas aux 10 000 ha évoqués.
L’autre problème, c’est que sont de petites parcelles, ce qui pose des soucis pour la reconversion sur laquelle la région est engagée pour 10 millions d’euros sur les années qui viennent. Avec les coopératives et la chambre d’agriculture on cherche des solutions, soit de reprise, soit de transformation des production agricoles : de la forêt, mais les parcelles sont petites, de l’olivier, mais on me dit qu’une année sur quatre il y a des soucis de récolte… Ce peut-être la noisette, des cultures traditionnelles…
Troisième problème, un certain nombre d’agriculteurs sont des propriétaires non-récoltants. Quand les fermiers arrêtent, il y a un travail à faire avec la réglementation et la MSA pour que le propriétaire qui récupère sa propriété sans pouvoir l’exploiter, parce qu’il est trop âgé, ne se voit pas supprimer sa retraite.
Pour l’instant je n’ai pas d’information sur la surconsommation de l’intervention du CIVB et de la région. Il y a un groupe de travail qui doit faire le point. La région porte cette idée de reconversion depuis longtemps, pouvant s’appliquer à toute entreprise fermant. Portée par la région et le CIVB, la reconversion est une aventure nouvelle, qui n’est pas très évidente, mais qui correspond peut-être aux besoins de la période où il faut bifurquer sur d’autres productions et façons de produire. Avec le CIVB et le département de Gironde, nous essayons d’avoir des idées, comme un fonds de foncier créé par un système de mutualisation. Supposons qu’il puisse y avoir un développement de l’agrivoltaïsme, sur les bâtiments ou des terres qui n’étaient pas historiquement destinés à la viticulture, cela peut être un fonds de développement pour mutualiser les ressources à l’échelle du département.
Concernant ce projet de création d'une foncière avec le département de Gironde, est-ce que cela serait un outil pour les vignes qui vont être arrachées cet hiver ou celles qui le seront plus tard ?
Les deux. Les foncières sont des mécanismes qui portent le foncier, l’achètent, et qui le remettent, peut-être après l’avoir réorganisé, sur d’autres types de production. Tout cela fait partie du retournement ou de la reconversion en termes d’activité forestière.
Historiquement, comment voyez-vous l’ampleur de la crise viticole actuelle ?
Historiquement, on a toujours eu ce type de cycle dans tout type d’activité économique. Il y a plus de 50 ans il y a eu des arrachages liés à la baisse du prix des vins après la seconde guerre mondiale (il y avait des vignobles dans un certain nombre de zones, comme là où se trouve l’université de Bordeaux), il y a 30 ans la consommation augmentait et les banques incitaient les domaines dans ce cycle haut à refaire leurs cuviers, leurs installations… Et le cycle a baissé, ce qui fait les emprunts pèsent lourd sur les comptes d’exploitations viticoles. Aujourd’hui, on se trouve avec une baisse structurelle de la consommation, une concurrence notamment avec l’Italie et l’Espagne. Ce double phénomène pèse plus particulièrement sur des vignobles qui n’ont pas la réputation des grands crus de Graves, du Médoc, de Saint-Émilion…
En termes d’avenir, est-ce que la Gironde restera le premier département viticole de France où est-elle amené à se restreindre à des vignobles réputés ?
Non, je pense que le problème est celui de la mise en marché et de leur valorisation.
En la matière, le collectif des viticulteurs de Gironde, Viti 33, évoque l’idée d’une organisation de producteurs garantissant un cours minimum des vins, mais nécessitant un cautionnement bancaire pour revaloriser les stocks. La région pourrait-elle assurer ce soutien ?
C’est un sujet qui est discuté. Je pense que l’arrachage d’une partie du vignoble, on parle de 10 %, est un peu inéluctable. En plus peuvent se poser des problèmes sanitaires quand les vignes ne sont pas travaillées. Ce qui a justifié l’autorisation de l’Europe [sur l’arrachage sanitaire].
Une autre région viticole, l’Occitanie, annonce le lancement d’un contrat de filière pour développer notamment l’export des vins avec une responsabilisation des opérateurs, comme l’obligation de contractualisation. Est-ce que c’est un sujet pour vous ?
Nous travaillons ces sujets depuis longtemps. La prégnance du vignoble (que ce soit Bordeaux, Cognac, Buzet, Marmande, de Gascogne…) fait que l’on travaille dessus avec les professionnels (en accompagnant à l’export sur des salons). L’opération la plus audacieuse aura été VitiREV [NDLA : projet Innovons pour des Territoires viticoles respectueux de l’environnement], menée avec la filière, de telle sorte que l’on puisse accompagner ceux qui souffrent le plus pour se moderniser et investir dans l’outil de production, tout en assurant l’accompagnement dans le cadre du réchauffement climatique et de la transition agroécologique, vitiécologique. Mon premier chantier quand j’ai été élu président de la région était de créer l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV). Le paradoxe étant il y a 25 ans que Bordeaux était un grand centre de recherche œnologique, mais que l’investissement sur les sujets viticoles partait à Montpellier. Nous allons redéployer l’ISVV, dont le bâtiment est plein, pour continuer à chercher sur les cépages résistants, sur la décarbonation, sur la réduction des intrants, y compris le cuivre...