’il prend la poussière, le constat reste d’actualité : un vin venu du nouveau monde se définira souvent par rapport à une région viticole française renommée, qu’il s’agisse de sélectionner son encépagement ou construire sa réputation internationale par rapport à une référence établie (Bordeaux et Bourgogne pour les rouges, Chablis et Sancerre pour les blancs, Provence pour les rosés, Champagne pour les effervescents…). Mais si ce rôle de maître-étalon permet à la France de conserver de belles valorisations (toujours plus records à l’export), elle ne lui assure pas des gains de parts de marché en volumes (qui tend à chuter inexorablement). Pour corréler les performances export des vins français à leur réputation, il faut un soutien fort de l’État plaide Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui milite pour que la commercialisation des vins devienne une grande cause nationale économique. Ayant récemment rencontré Olivier Becht, le ministre délégué en charge du Commerce Extérieur, Jean-Marie Fabre lui a proposé trois actions pour soutenir la conquête de parts de marché en ciblant des pays où la consommation augmente sur tous les continents (Afrique, Amérique, Asie, Europe et Océanie)
D’abord une nouvelle forme de soutien de la diplomatie française : ne pas seulement être dans l’accompagnement et la facilitation de l’accès au marché pour les opérateurs (avec les outils de Business France : dégustations, VIE…), mais affirmer une volonté de défricher et de préempter des parts de marché. S’appuyant sur l’exemple de la campagne "Choose France" (pour attirer les investisseurs sur le territoire national), Jean-Marie Fabre propose une approche type "Choose France for wine" afin de « convaincre les distributeurs que le développement des vins français dans leurs portefeuilles sera l’axe principal de leur croissance » explique le vigneron de Fitou.


Deuxième action, incarner la réputation française sur les vins avec un ambassadeur se déplaçant dans le monde entier pour représenter tous les opérateurs et produits hexagonaux. Un poste qui existe pour la gastronomie, avec l’ancien chef de l’Élysée, Guillaume Gomez. « Il faut un Guillaume Gomez pour les vins. Dotons-nous d’un véritable ambassadeur pour être dans chaque déplacement international du président, de la première ministre… » esquisse Jean-Marie Fabre. Troisième levier, appuyer l’ambition de conquête sur un dispositif de communication internationale. Demandant des moyens financiers, le président des Vignerons Indépendants souhaite une campagne internationale pour susciter l’intérêt des néoconsommateurs sur des cibles prioritaires (Inde, Chine, Afrique...). « Gagner des parts de marché, c’est une ambition et une dynamique » pointe Jean-Marie Fabre, qui appelle à chasser en meute, tout en notant que ces développements vont demander du temps.
Ce qui implique pour lui d’investir dans le développement des marchés sans opposer cette stratégie de moyen-terme à une nécessité de court-terme d’apurer les déséquilibres actuels de la production. Contrairement à ce que l’on peut entendre dans le négoce, les investissements dans la distillation et la distribution sont tous deux nécessaires pour Jean-Marie Fabre : « il faut considérer que des volumes ne trouvent pas preneurs. Les vins qui vont être distillés ne trouvent pas de marchés. Opposer distillation et aides à l’export, c’est prendre le sujet par le mauvais bout. Il faut les deux pour la relance. Ce n’est pas l’un après l’autre, c’est l’un en même temps que l’autre. Avec une distillation rapide et une conquête de parts de maché qui n’est pas simple, qui demande du temps. C’est là qu’intervient l’État* en permettant de gagner du temps avec la diplomatie économique, en ouvrant de nouveaux canaux. »
* : Les Vignerons Indépendants demandent également aux pouvoirs publics d’investir dans la résilience de la filière vin, pour la protection du vignoble contre les aléas climatiques (gel, grêle, sécheresse…) et pour la révision de la moyenne olympique de l’assurance climatique (moyenne olympique ou moyenne triennale, un rôle de réformateur que le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, indique endosser, et que Jean-Marie Fabre appelle de ses vœux, alors qu'il y a des ouvertures à l'international).