À situation de crise, il faut des solutions de crise » pose Gérard Bancillon, le président de la Confédération des vins à Indication Géographique Protégée de France, en appelant au soutien financier du gouvernement français et de la Commission Européenne. Alors que les vendanges/vinifications s’achèvent, le viticulteur gardois appelle les pouvoirs publics à rapidement saisir les enjeux de la filière vin pour débloquer les tensions qui menacent toujours plus ses opérateurs. N’ayant pas eu écho d’avancées depuis la réunion estivale des représentants du vignoble et du négoce avec le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, Gérard Bancillon milite pour une nouvelle réunion dans les prochaines semaines : « il faut aller très très vite et que les préfets de région se mobilisent pour étudier les situations selon chaque bassin » pointe Gérard Bancillon, soulignant la diversité de fortune d’un vignoble à l’autre.
« On a des régions en France où il y a de vraies dynamiques de demande et où il manque de la réserve (Bourgogne, Champagne…) qu’il faut soutenir (avec des rendements au-delà du butoir), il y a des régions où les marchés sont moins dynamiques et il y a des régions où les marchés sont plantés. Il va falloir sortir le carnet de chèques » prévient le président des vins IGP, qui veut rapidement la mise en place d’outils de distillation de crise et d’arrachage primé. Appelant à des actions différenciées selon les régions, il prône la distillation de crise pour apurer les stocks pâtissant de problèmes conjoncturels. « Comme certains vins IGP vendant beaucoup en Grande Distribution et faisant face, avec la guerre en Ukraine, à une inflation poussant les consommateurs à choisir produits de première nécessité pour leurs caddies. C’est un souci passager pour certaines IGP, avec des volumes à résorber par distillation » détaille Gérard Bancillon, précisant qu’il n’y aurait pas l’IGP du Vaucluse à être intéressée.
« D’autres auront des besoins. Que l’on soit clair, il y a des caves qui, malgré la petite récole de 2021 et son gel du siècle, sont encore à moitié pleines : il faut se dépêcher » alerte-t-il, rapportant que la France « vient de rentrer une récolte plutôt correcte, il faut réagir rapidement pour éviter la baisse des prix : que faire de tout ce vin ? 2023, c’est l’année de tous les dangers au niveau du vrac. Il faut donner une lueur d’espoir aux viticulteurs avec la distillation et l’arrachage, pour estomper la déconsommation, éviter que les marchés s’effondrent et donner espoir à ceux qui continuent. » Reste à convaincre la Commission Européenne de la nécessité de débloquer une nouvelle distillation de crise, après celle de la pandémie de covid-19. Les derniers retours de Bruxelles indiquent plutôt un refus, « Avec la guerre en Ukraine, on se trouve face à une inflation exceptionnelle et dans le cas d’une crise spécifique, grave, qui ressemble à celle du covid » réagit le président des vins IGP.


En complément d’une distillation de crise conjoncturelle, Gérard Bancillon défend un arrachage structurel : « il y a des régions parmi les plus célèbres qui ont des problèmes structurels et devront arracher : il y a Bordeaux, mais pas que » note Gérard Bancillon, évoquant des cours ponctuellement trop faibles en AOP du Languedoc. Si la filière viticole française est unie devant le besoin et le principe d’un arrachage à Bordeaux (en témoigne le Syndicat des Vignerons de l’Aude, voir encadré), tout le défi est désormais de trouver un moyen de le financer pour passer au concret (la demande est vive en Gironde). « Il faut tout mettre à plat et expertiser les possibilités de financement de l’arrachage : entre piocher dans le Plan Stratégique National (PSN) et recourir aux fonds Feader (via les régions) » estime Gérard Bancillon.
Dans tous les cas, peut importe le moyen tant que la filière arrive à ses fins pour le président des vins IGP, qui martèle l’urgence d’agir sur les autres dossiers vitivinicoles en souffrance : la révision de la moyenne olympique pour renforcer l’assurance climatique, modifier les critères de fertilisation de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE), allongement automatique du remboursement des Prêts Garantis par l'Etat (PGE), modification fiscalité Dotation pour Épargne de Précaution (DEP)… De quoi peser sur le moral vigneron, déjà bien entamé par les hausses de tous les coûts de production (produits phytosanitaires, salaires, engrais… et GNR). En IGP Pays d’Oc, les frais fixes moyens de 3 500 €/ha augmentent de 750 €/ha indique Gérard Bancillon, notant qu’avec un rendement de 70 hl/ha, il faudrait une augmentation de plus de 10 €/hl des cours du vrac. « Je ne suis pas sûr que l’on y arrive d’après les premiers retours d’acheteurs... Je comprends qu’il n’y ait pas d’euphorie, les retiraisons ne se font pas parce que la consommation baisse. On observe une nouvelle déconsommation qui arrive sur une érosion chronique de la consommation » analyse-t-il. Ce qui appelle à d’amples réflexions au sein de la filière vin pour lancer une stratégie d’évolution sur la production et la consommation de demain.