eaufinée ce mois de septembre, la réforme du dispositif d’assurance MultiRisque Climatique (MRC) en vigueur dès le premier janvier 2023 était attendue « avec impatience. Elle permet à tout surface agricole de France de bénéficier de la solidarité nationale » résume Jean-Michel Geeraert, le directeur du marché de l’agriculture et de la prévention de Pacifica (filiale du Crédit Agricole). Attendant encore deux précisions essentielles pour finaliser les nouveaux contrats, il souligne que « depuis 2016 on note une accélération du nombre de sinistres dans les exploitations. 2022 confirme cette tendance dans le vignoble, avec les derniers épisodes de gel, grêle, et sécheresse… »
S’il était espéré, ce dispositif ne suffit pas à doter le vignoble d’un « élément dans la boîté à outil de résilience et d’adaptation au changement climatique » prévient Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Si le vignoble est satisfait par la franchise d’assurance climatique à 20 % de dégâts (et une subvention à 70 %) et l’intervention financière de l’État pour tous à partir de 50 % de dégâts (à hauteur de 45 % pour les non-assurés et 90 % pour les assurés), il n’est pas comblé tant que la moyenne olympique pèsera sur son référentiel de production (avec la moyenne des rendements sur les cinq dernières années dont sont retirées la plus haute et la plus basse des valeurs).


« Le nerf de la guerre, c’est de faire bouger la référence historique » résume Jean-Marie Fabre, qui rappelle que tout l’enjeu est de modifier les textes internationaux l’encadrant. Soit l’accord de Marrackech validé en 1994 par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). La filière vin demande actuellement de ne prendre en compte que les années à la production exempte d’aléas climatiques (gel, grêle, sécheresse, inondation…). « Ce que l’on veut assurer, ce n’est pas la production d’une année avec aléas, mais sans » pointe le président des Vignerons Indépendants, estimant que « sans révision de la référence historique, l’assurance multirisque est déjà enterrée »
« Cette question doit être traitée au sein de la CODAR (Commission chargée de l’Orientation et du Développement des Assurances garantissant les dommages causés aux Récoltes), mais qu'en aucun cas l'assurance ne peut indemniser la baisse structurelle du potentiel de production. Il convient alors d'envisager des démarches complémentaires portant sur la prévention ou l'adaptation » explique à Vitisphere Pascal Viné, le directeur des relations institutionnelles de l’assureur Groupama. Chez Pacifica, Jean-Michel Geeraert rapporte que « les pouvoirs publics se sont engagés à travailler le sujet avec l’Union Européenne. En attendant, il n’y pas d’autre choix que de proposer la moyenne olympique sur 5 ans ou la moyenne triennale. Si cela ne suffit pas, l’exploitant peut acheter du rendement ou abaisser la franchise, ce que nous avons toujours proposé à nos clients chez Pacifica, même si ce rachat n’est pas subventionné. » Estimant que la moyenne olympique ne sera pas un frein au développement du nouveau dispositif MRC : « compte tenu de l’augmentation des fréquences d’évènements climatiques et des nouveaux paramètres assurances accordés par les pouvoirs publics, je pense qu’une grande majorité des viticulteurs saisiront l’opportunité de s’assurer. »


Avec 54 % d’assurés actuellement, « les vignerons indépendants ne prendront pas une assurance couvrant une production réduite par les aléas, avec un contrat plus cher et moins d’options de rachat (le rachat de rendement doit revenir, mais pas ceux de franchise et de prime) » pointe Jean-Marie Fabre, pour qui « il ne faut pas le reporter aux calendes grecques : il y a urgence ! » Le vigneron de Fitou (Aude) demande au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, de travailler à très court-terme avec ses homologues européens pour porter le sujet au niveau de l’OMC. Une demande qui ne semble pas insensée pour le vignoble, alors que les ravages du changement climatique pèsent sur l’agriculture mondiale. « S’il n’y a pas d’échos favorables, il faut faire comme les autres états de l’OMC qui se sont affranchis des règles (Espagne et États-Unis). Il semble souvent que le fait précède le droit… » glisse le vigneron.
Confirmant qu’avec le changement climatique « l’année exceptionnelle sera celle sans aléas », Jean-Marie Fabre note l’intérêt de renforcer la boîte à outils par l’adaptation des pratiques viticoles et la mise en place de protection : « plus on accompagnera la protection, mois il y aura besoin de solidarité nationale et de fonds d’urgence » conclut-il.
* : « Ce qui nous manque encore, c’est le niveau de de franchise à souscrire pour bénéficier du doublement du taux d’indemnité. Je pense d’abord aux non-assurés, à qui s’adresse la réforme, il est fondamental de pouvoir leur proposer une franchise à 25 ou 30 % tout en laissant l’indemnisation à 90 % pour les encourager à souscrire. Si pour bénéficier du doublement d’indemnité la franchise se situe à 20 %, cela risque de décourager ceux qui n’ont jamais investi dans l’assurance » explique Jean-Michel Geeraert, ajoutant que « le second élément en attente, est le barème des prix. Nous ne connaissons que celui de 2022, il est nécessaire de le réviser pour certaines cultures (avec des revalorisations en grandes cultures mais aussi en vignes, comme certaines AOC de blanc) ».