’acronyme HVE voie A va-t-il signifier Halte Vignerons, En voie Arrière ? Plébiscitée dans le vignoble depuis sa création en 2012 par le ministère de l’Agriculture, la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) va changer de plan de contrôle au premier janvier 2023, ce qui pourrait causer un coup d’arrêt à son développement ininterrompu (+24 % en 6 mois, au premier janvier 2022), largement porté par la filière vin (74 % des 18 300 domaines agricoles certifiés d’après le dernier pointage) sur des performances agroenvironnementales (89 % des certifiés par la voie A agroécologique et 11 % par la voie B comptable).
Réunie ce 21 septembre, la Commission nationale de certification environnementale (CNCE) a étudié le détail du nouveau plan de contrôle (supprimant la voie B, interdisant les phytos CMR 1…), avec une nouveauté notable : la mise en application de cette HVE rénovée est ajournée. Elle n’aura pas lieu le premier octobre 2022, mais le premier janvier 2023. Un délai en particulier demandé par la filière vin pour boucler les certifications prévue sur l’ancien référentiel cette fin d’année*. « Nous saluons ce report et continuons à travailler pour que ne soit pas mise en l’air la certification » réagit Jérôme Despey, le secrétaire général de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA). Pour le viticulteur héraultais, « le gouvernement a la lourde responsabilité de ne pas décourager la viticulture de la certification HVE. On verra le signal que veut donner le gouvernement… »


« Le point déterminant et caricatural est la division par trois du seuil concernant le bilan de l'azote ! » pose Jean-Jacques Jarjanette, le président de l'association pour le développement de la HVE, pour qui « le report de trois mois ne change rien sur le fond, juste un délai qui va faire coïncider la nouvelle HVE avec le Plan Stratégique National » (PSN, marquant le début de la nouvelle Politique Agricole Commune : PAC 2023-2027). « Que la HVE doivent évoluer bien sûr que les ift évoluent ds le temps pourquoi pas mais pourquoi faire monter les contraintes à un niveau tel que l'on change de paradigme ? » ajoute-t-il, épinglant une « volonté ecolo qui se trompe de combat et une volonté gouvernementale de Bouclage rapide du PSN ».
Si rien n’est fait, l’ancien directeur des Vignerons Indépendants de France prévoit la « mort lente de la HVE et donc d'un signe de qualité mettant en avant les vertus des productions française ». Lors de la CNCE, la FNSEA a demandé un moratoire sur les nouveaux Indices de Fréquence de Traitement (IFT) pour la viticulture (afin de retirer des calculs les bio, les traitements obligatoires contre la flavescence dorée…). S’il n’y a pas eu de réponse, Jérôme Despey note que sur la question de la fertilisation, un groupe de travail doit être rapidement opérationnel pour boucler des propositions.
Des négociations qui ne sont pas du goût de toutes les parties prenantes de la CNCE. Y représentant la Confédération Paysanne, Jean-Bernard Lozier explique ne pas apprécier ces manœuvres : « on a voté fin juin la structure de la HVE (c’est passé de grande justesse). La CNCE s’est réunie [ce 21 septembre] pour analyser le plan de contrôle. Il n’y a quasiment pas eu de modifications entre juin et septembre : seulement une nouvelle attribution de point sur la Balance Globale Azotée (l’azote résiduel calculé par la différence entre l’azote amené par la fertilisation et la consommation de la plante). Les seuils sont maintenus, c’est à la marge » explique l’exploitant en grandes cultures de l’Eure.


« Nous sommes relativement agacés par cette nouvelle. Nous considérons déjà que la révision du référentiel a été menée à la marge, sans prendre en compte les impacts sur la biodiversité » critique Pauline Rattez, responsable des politiques agricoles pour la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), regrettant un item plus facilement atteignable. Dans l’ensemble, « nous sommes très mécontents de cette certification. Pour nous elle est mensongère et ne peut prétendre à être un label de Haute Valeur Environnementale. Le rapport de l’Office Français de la Biodiversité confirme de nombreuses défaillances, mais il n’est toujours pas rendu public alors qu’il aurait dû servir de base à cette révision » indique Pauline Rattez.
Évoquant un « bras de fer », Jérôme Despey indique que la FNSEA « voudrait que la HVE soit une démarche de progrès s’appuyant sur l’agronomie, plutôt que de faire sortir des domaines faisant des efforts. Le durcissement tel que proposé va exclure un nombre important d’agriculteur et de viticulteurs. » Attendant les derniers arbitrages des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, Jérôme Despey conteste les critiques de la HVE : « je peux témoigner qu’il faut des efforts pour aller chercher la certification. Dire que ça n’amène pas une démarche de progrès est pour moi incompréhensible. Ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de viticulteurs certifiés que c’est facile. »
« Si on dit HVE veut dire Haute Valeur Environnementale, on n’y est pas du tout » maintient Jean-Bernard Lozier, faisant écho de la déception de la Confédération Paysanne : « cette réforme est complétement décevante, on le sait depuis le début. La seule satisfaction est la suppression de la voie B. Mais la voie A manque d’ambitions. » Des propos qui ne sont pas du goût de Jean-Jacques Jarjanette, le président de l’association de la certification HVE estimant que l’« on tue la HVE pour tenter de satisfaire des gens qui de toute façon seront contre tout ce qui n'est pas bio. On nous dit La HVE ne fait pas consensus, mais le bio fait il consensus ? »
Si le plan de contrôle est maintenu en l’état, les chiffres de certification HVE devraient se tasser rapidement pour Jean-Jacques Jarjanette, qui note que « c'est la dynamique des nouveaux certifiés qui va être vite impactée ». Les chiffres HVE restant d’abord sur un plateau avant de s’éroder : « il y aura un effet retard, parce que les exploitations déjà certifiées le resteront pendant trois ans à compter de leur audit. Les certifiées disparaîtront très progressivement. C'est l’un des drames de l'agriculture : les erreurs stratégiques ont un impact lent et silencieux. »


« Aujourd’hui il ne faut pas décourager les efforts. Nous demandons au gouvernement de ne pas prendre une décision irréversible pour la viticulture » ajoute Jérôme Despey, notant que la précipitation actuelle est liée à la réforme de la PAC qui ne concerne que très peu la filière vin, ayant peu accès aux écorégimes.
* : L’accès aux écorégimes est d’ailleurs interdit aux exploitations certifiées entre le premier octobre et le 31 décembre 2022 indique le projet de décret proposé par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, à la première ministre, Élisabeth Borne.