La filière vin, cette belle entreprise du CAC 40 franco-français, peut-elle espérer du gouvernement un coup de pouce à la hauteur des enjeux ? » pose Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Rappelant que les vins de France emploient 500 000 salariés et génèrent 10,2 milliards d’euros d’excédent commercial, le vigneron de Fitou pointe que le poids économique du vignoble français s’approche de celui de l’aéronautique (19,7 milliards d’euros d’excédent commercial), mais avec une balance d’emplois bien plus forte : « si Airbus toussait, Bercy lancerait immédiatement une commission pour savoir ce qu’il faut faire. L’atomisation du secteur viticole le rend moins visible », mais pas moins important. Plus qu’une toux, le vignoble français montre actuellement des signes d’épuisement physique et nerveux. Le secteur ayant enchaîné le mal de l’air des taxes Trump en 2019, le covid en 2020, le coup de froid historique des gelées du printemps 2021 ou la déshydratation de ce solaire millésime 2022…
Fragilisé, le secteur vitivinicole doit bénéficier d’un plan d’actions ambitieux prône depuis des mois Jean-Marie Fabre. Le président des Vignerons Indépendants demande aux ministres de l’Agriculture, Marc Fesneau, et de l’Économie, Bruno Le Maire, de débloquer des fonds pour doter la filière « d’une boîte à outils » complète. « C’est maintenant qu’il faut mettre en place les outils. Il n’y aura pas un outil providentiel, mais plusieurs outils nécessaires selon chaque situation » indique-t-il. Le représentant du vignoble demande ainsi un soutien aux demandes européennes de reconduction des outils Covid (avec l’aide au stockage privé et à la distillation de crise, une demande portée par les vignobles d’Espagne, de France et d’Italie). Il demande également des avancées sur les dispositifs d’arrachage : « il y a certes la demande bordelaise actuelle, mais d’autres départements peuvent être intéressés pour d’autres raisons », comme l’enjeu de fins de carrière sans perspective de reprises.
Jean-Marie Fabre milite également pour des dispositifs fiscaux, comme la modulation du curseur de la Dotation pour Épargne de Précaution, DEP, « qui ne peut pas être identique pour toutes les tailles de volumes et de chiffre d’affaires ». Saluant le maintien annoncé du dispositif d’allégement des cotisations sociales patronales pour l’emploi de Travailleur Occasionnel / Demandeur d’Emploi (TO/DE) sur le budget 2023, le vigneron languedocien appelle à la pérennisation du dispositif, comme annoncé par le président de la République, Emmanuel Macron (le maintien est actuellement acté seulement sur 2023, ce que confirme le ministère de l’Agriculture à Vitisphere).
Combat de longue haleine, Jean-Marie Fabre demande la mise en place d’un dispositif bancaire : l’allongement systématique des délais de remboursement des Prêts Garantis par l’État (PGE) pour les domaines viticoles les ayant consommés dans leur intégralité et ayant subi des pertes de récolte liés aux aléas climatiques (gel 2021). Autre demande, réglementaire cette fois : valider rapidement les réserves climatiques interprofessionnels (quatre sont actuellement déposées : AOP Alsace et Bordeaux, IGP Méditerranée et Pays d’Oc).
Valeur refuge
Si la filière vitivinicole appelle à la solidarité de la nation face aux crises successives, le vin peut aussi aider les citoyens à mieux passer cette période inquiétante conclut Jean-Maire Fabre : « souvent on indique que le vin est un produit qui n’est pas de première nécessité. Au contraire ! c’est un vrai marqueur culturel. Si les gens vont moins dépenser (moins de grands voyages, etc.), le vin reste une valeur refuge pour se retrouver. Je suis convaincu que le vin est un produit de lien dans les moments difficiles. »