i les demandes bordelaises sont bien remontées et étudiées au ministère de l’Agriculture, le collectif de viticulteurs girondins suivant ce sujet s’impatiente et invite le ministre, Marc Fesneau, à descendre dans le vignoble se rendre compte de la souffrance qui frappe actuellement nombre de vignerons de Bordeaux. « Notre objectif, c’est d’obtenir une prime à l’arrachage. Cela permet à ceux en bout de course, comme moi, de se retirer. Aux vieux qui ont des fermages non-payés ou abandonnés d’arracher leurs parcelles. Et à ceux qui restent de rééquilibrer les marchés. Ça va avantager tout le monde » explique Didier Cousiney, le porte-parole d’un collectif de viticulteurs, qui a refusé de se rendre à la rencontre de la filière bordelaise organisée début août par le ministre (« je n’aurais parlé qu’une minute, cela aurait été dilué dans des discours qui ne reflètent pas la réalité de la base »).
Reprenant un rôle qu’il assurait il y a vingt ans, lors d’une précédente crise des vins de Bordeaux, le vigneron de l’Entre-deux-Mers est d’autant plus impliqué qu’il souhaite prendre sa retraite et vendre ses 24 hectares de vignes en propre, faute de repreneur. « On ne vend pas assez de vins pour couvrir nos charges, nos emprunts, nos produits de vinifications, nos factures des derniers mois... J’ai 1 000 hectolitres qui restent en cuve. Je vais en rentrer 2 500 hl… Je n’ai pas honte de le dire : mon banquier m’a demandé de ne pas faire trop de chèques » confie Didier Cousiney, pour qui « il y aura des friches si j’arrête sans arrachage ».


Toujours plus visibles dans la mer de vigne de l’Entre-deux-Mers, les parcelles abandonnées témoignent des difficultés économiques encaissées depuis des années par le premier département viticole de France (110 000 hectares en 2021, dont 52 000 ha en AOC Bordeaux). « On demande à l’État un plan social, comme il en a fait pour l’industrie automobile ou les fonderies » explique Didier Cousiney, qui estime qu’« il y a un million d’hectolitres de trop à Bordeaux, toutes appellations confondues » Pour lui, « il faut arracher entre 10 et 15 000 hectares à 10 000 €/ha. »
« Monsieur le ministre, il faut 100 à 150 millions € d’urgence pour arracher les vignes en trop à Bordeaux » résume Serge Rizzetto, qui s’inquiète des délais qui s’annoncent : « on ne peut pas attendre 2024. Il faut que l’on ait des solutions en urgence, qui soient effectives en 2023. Quitte à ce que l’État finance ou avance de futurs fonds européens ». Ayant entendu d’autres vignerons estimer qu’il fallait laisser les entreprises affaiblies disparaître d’eux-mêmes (« lorsqu’un boulanger ferme boutique, ses concurrents vendent plus de pains »), il alerte sur le profond malaise social qui frappe le vignoble bordelais : « ça me désolé, cela fait des années que l’on sait qu’il y a une sortie honorable qui existe. Il y a urgence, les gens sont en colère. »
« Nous sommes partis, nous n’allons plus nous arrêter » prévient Didier Cousiney, qui a lancé une pétition en ligne sur le sujet (réunissant 750 signatures en fin de journée ce 14 septembre).