oup de chaud. Météo France annonçait une "apocalypse de chaleur" pour le lundi 18 juillet. Une prédiction qui s’est réalisée : le vignoble en a sué, ses opérateurs oscillant entre impression de fin du monde et confirmation d’une révélation (le sens premier du terme grec ἀποκάλυψις). Avec cet éprouvant millésime 2022, le changement climatique est à l’œuvre sur tous les fronts et sur toutes les régions, avec des phénomènes tous plus inhabituels les uns que les autres. En témoignent les brasiers qui consument les forêts de Gironde depuis le mardi 12 juillet et dont les fumées ont été ressenties à des centaines de kilomètres de là. Alors que les risques d’incendies persistent dans le vignoble (la saison des feux ayant commencé précocement dans le Roussillon, le Gard…), le risque de nouvelles canicules reste présent pour les prochaines semaines, avec la certitude d’une sécheresse qui va durer. Passant du stress thermique à celui hydrique, de nombreuses parcelles sont marquées à divers degrés par des symptômes allant du jaunissement des feuilles au desséchement des baies, en passant par les blocages de maturité. De quoi peser sur les rendements, et la rentabilité d'un vignoble déjà mal en point (inflation liée à la guerre en Ukraine, déconsommation en grande distribution...).
Coût de chaud. La dernière vague de chaleur a déjà causé des pertes de rendements conséquents, notamment en Muscadet et en Alsace (avec de la grêle en supplément). Mais globalement, c'est l'incertitude qui règne : si les sorties étaient prometteuses, ce sont les pluies de la fin de saison qui pourraient faire le rendement, hautement incertain actuellement. Touchant toutes les régions viticoles, le changement climatique impose aux vignerons de modifier rapidement l’accompagnement de leurs vignes durant la saison pour les aider à résister à des conditions toujours plus stressantes, qu’il s’agisse de vigueur, de surfaces foliaires... Si les futures plantations vont devoir s’adapter à la nouvelle donne climatique, l’adaptation des parcelles en place va demander des investissements conséquents. Ne serait-ce que pour pouvoir détruire rapidement un couvert végétal selon l’évolution du millésime. Un plan Marshall de l'adaptation climatique est nécessaire, ce qui passe par un plan d'action n'ouvrant pas tous les robinets, mais levant des tabous comme l'analyse Bernard Angelras, le président de l'Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV). Sujet sensible pour une culture qui n’est pas nourricière, l'irrigation de la vigne devient cruciale pour prévoir l'avenir. Un dossier qui pourrait avancer si le gouvernement réussit, comme il semble s'en croire capable, à dépassionner le débat sur les réserves d’eau (permettant de répondre à l’approvisionnement du vignoble sans pomper dans les nappes phréatiques, comme le propose Cognac).
Goût de chaud. Dans le monde d’avant le changement climatique, vignerons et œnologues œuvraient souvent à atteindre la maturité et obtenir de la matière dans les vins : degrés alcooliques et charges tanniques témoignaient d’une bonne maîtrise dans la vigne et au chai. Changement de paradigme désormais : avec la hausse généralisée des températures, l’objectif n’est plus tant d’atteindre la maturité, que d’éviter la surmaturité et de préserver la buvabilité. Un nouvel art de l’équilibre qui va de pair avec de nouvelles demandes des marchés : avoir des degrés plus faciles. Qu’ils soient alcooliques, mais aussi thermiques, avec le développement des vins rouges servis frais. Pour certains vignerons, imaginer un vin rouge servi avec des glaçons tient sans doute de la vision apocalyptique.