a Commission européenne met le paquet vin à disposition des colégislateurs ce 28 mars : Conseil et Parlement ont désormais à disposition un ensemble de mesures réglementaires pour soutenir la filière vin trois mois après les conclusions du Groupe à Haut-Niveau sur les politiques vitivinicoles européennes (GHN). 80 à 90 % des recommandations du GHN sont reprises dans le paquet vin indique-t-on à la Commission européenne, où l’on met en avant l’obtention d’un consensus rapide entre parties prenantes (États Membres, représentants de la filière et eurodéputés impliqués) pour « répondre aux besoins les plus urgents d’un secteur vitivinicole européen qui se trouve à la croisée des chemins*, après des décennies de succès (d’augmentation des ventes et d’exportations, d’amélioration constante de la qualité et de la réputation) le secteur est confronté à une situation difficile, voire très difficile dans certaines régions (particulièrement le vin rouge dans certaines régions du Sud de l’Europe) » indique un fonctionnaire européen.
Si le bouclage à trois mois d’un processus réglementaire est particulièrement rapide à Bruxelles, la procédure d’adoption s’annonce longue, devant modifier les plans stratégiques nationaux et l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin) : dans le meilleur des cas, il n’y aurait pas d’adoption possible avant la fin année 2025, ce qui sera trop juste pour le millésime 2025 prévient-on à Bruxelles. Le temps risque de sembler long aux vignobles en crise souhaitant des mesures immédiates… Concernant la gestion du potentiel de production, la Commission propose la mise à disposition des États Membres d’outils plus flexibles et rapides financés par eux-mêmes pour ouvrir des distillations de crise volontaires ou obligatoires du vin, autoriser les vendanges en vert volontaires et mettre en place un arrachage volontaire. De quoi éviter les longues négociations connues par la France pour obtenir des primes à l’arrachage ces dernières années (à Bordeaux sur le volet sanitaire de la flavescence dorée et nationalement sur les fonds Ukraine face à l'inflation et la déconsommation). Et de quoi sanctuariser les fonds européens de l'OCM vin pour la préparation de la filière à l'avenir (promotion, restructuration, investissements...) et non à la réduction de la production (arrachage, distillation et vendange en vert). Un sujet longuement débattu reconnaît la Commission.
Arrachage définitif et autorisations de replantation
Comme le précise la Commission à Vitisphere, la proposition d'aide à l'arrachage piloté nationalement concerne l’arrachage définitif et non temporaire. Si la France porte une demande de restructuration différée depuis 2020, Bruxelles estime avoir répondu aux besoins avec la possibilité de financer l’arrachage définitif par les États Membres et l’augmentation de la validité des autorisations de replantation. Ces dernières passeraient de 3 à 8 ans dans la proposition de la Commission : un délai permettant d’aller jusqu’à 13 ans entre la décision d’arrachage et la possibilité de replanter, le vigneron gardant la possibilité de ne rien planter sans pénalités précise la Direction Générale à l’Agriculture.
Autre outil « pour remédier à l’offre structurellement excédentaire de vins », la suppression des sanctions administrations pour la non-utilisation d’autorisations de replantation et les autorisations de plantations nouvelles octroyées avant le premier janvier 2025 : les vignerons pourraient y renoncer sans amendes jusqu’au 31 décembre 2026 si la proposition de la Commission est validée. Le paquet réglementaire propose aussi la possibilité d’ajouter des contraintes aux replantations, comme le maintien de vignobles en pente afin d’éviter des transferts dans les plaines. Pour assurer la cohérence entre réduction du potentiel de production et délivrance de nouvelles autorisations de plantations, Bruxelles propose que la croissance des vignobles « présentant un risque d’offre excédentaire ou ayant mis en œuvre des mesures de distillation, d’arrachage, de récolte en vert… » puisse être limitée au niveau régional ou national.
Vin sans alcool
Notant que le marché des vins présente également des opportunités, la Commission suit les propositions du GHN pour accompagner le développement des vins désalcoolisés, partiellement ou totalement (no/low). Afin d’harmoniser les termes, de sécuriser la communication de la filière vin et aider les consommateurs à se repérer dans l’offre en développement, Bruxelles propose de réglementer de nouveaux termes : "vin sans alcool" (comme un produit vitivinicole ayant un titre alcoométrique inférieur à 0,5°.alc), pouvant être "vin sans alcool 0,0" (si le TAV n’est pas supérieur à 0,05°) et "vin léger en alcool" (TAV acquis supérieur à 0,5°.alc, mais inférieur à moins de 30 % de TAV minimal pour la catégorie de produit considéré).
Actuellement interdite par la réglementation, la terminologie de "vin sans alcool" divise la filière vin, entre les tenants de la tradition jugeant que sans alcool on ne peut parler de vin, et les tenants de l’innovation, pour qui on applique la terminologie des bières sans alcool, la Commission a choisi son camp. « Clairement » réagit un fonctionnaire européen, pour qui « on veut le défendre le vin traditionnel emblématique et préserver son image, mais sans s’interdire de répondre à l’évolution de la demande des consommateurs (notamment des jeunes consommant peu et cherchant une teneur alcoolique réduite). » Pour la Commission, il s’agit d’offres complémentaires afin de dégager du revenu et non d’approches opposées, pour ne pas dire irréconciliables. Cette approche du sans alcool serait applicable aux produits tranquilles et gazéifiés, tandis que les produits vitivinicoles aromatisés verront leurs règles alignées avec les autres en matière de règles de désalcoolisation.
Simplification des QR Codes
Pour soutenir le commerce de vin au sein de l’Union Européenne, le paquet réglementaire propose une simplification du QR Code informant les consommateurs sur la liste d’ingrédients et la déclaration nutritionnelles des vins. Indiquant souhaiter réduire les coûts de mise en œuvre et harmoniser les pratiques, la Commission reconnait que le dispositif arrêté en 2021 et appliqué depuis le millésime 2024 n’était pas assez précis, laissant trop de place aux interprétations nationales. Demandée par la filière, la simplification de l’identification du QR Code sur les étiquettes physiques grâce à un système sans barrière de langue semble devoir être précisée par la Commission, qui évoque la définition plus précise du QR Code, de son pictogramme et des informations fournies ensuite. Interrogée sur la cohérence d’un souhait de simplification sur le QR Code mais l’absence d’intervention sur l’initiative irlandaise d’un avertissement sanitaire sur les bouteilles, la DG Agri indique que ce deuxième sujet dépend de la DG Santé.
S’inscrivant dans un contexte géopolitique tendu pour la filière des vins et spiritueux (entre menaces de taxes à 200 % du président américain Donald Trump et enquête chinoise antidumping ciblant Cognac et Armagnac), le paquet vin permet de soutenir l’export et la conquête de parts de marché avec l’allongement de 3 à 5 ans campagnes de promotion financées par l'Union Européenne dans les pays tiers. Autres aides renforcées : l’augmentation de 50 à 80 % des aides à l’investissement pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la création d’une aide destinés aux groupements de producteurs de vins sous indications pour développer l’œnotourisme et l’accès taux maximal des aides européennes à l’investissements et à l’innovation pour les Organisations de Producteurs (OP). Ce dernier point étant actuellement limité aux PME : pas sûr que cette évolution réglementaire permette d’apaiser le débat entre pro et anti-OP dans la filière des vins français. Concernant les leviers d’action pour l’œnotourisme, le dispositif simplifié de promotion à destination des petits producteurs de vin recommandé par le GHN n’est par repris dans la proposition de la Commission, qui précise que d’autres recommandations pourront s’inscrire dans les cadres législatifs du paquet de simplification (que Bruxelles doit présenter en avril-mai) ou de la prochaine Politique Agricole Commune (PAC 2027-2031, négociée à partir du deuxième semestre 2025).
* : « La demande se réduit, tant sur le marché intérieur, on le voit depuis 50 à 60 ans, que sur les marchés traditionnels d’exportation, ce qui est plus inquiétant au Royaume-Uni, aux États-Unis… Au cours des dernières années, la demande a été marquée par la pandémie du covid 19, le recul de la confiance des consommateurs, un contexte international particulièrement volatile et difficile » précise-t-on à la Direction Générale à l’Agriculture.