uand la filière des vins de Bordeaux se regarde elle peut se désoler, mais quand elle se compare à d’autres vignobles français en surproduction, elle semble se consoler sur sa prise de conscience précoce des besoins d’arrachage. « Depuis deux ans maintenant, dans une anticipation de la crise aigüe que nous traversons, nous avons travaillé à réduire notre volume de production pour l'adapter au marché » indique dans son discours Allan Sichel, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), lors de l’assemblée générale du lundi 8 juillet.
Présentant les réflexions du plan national de filière en cours de finalisation, Bernard Farges, le vice-président du CIVB, indique également aux membres de l’assemblée générale qu’au début du travail collectif en octobre 2022 le « constat [de crise commerciale] dont on discutait déjà ici, n’était pas forcément assumé ailleurs ». Le président du Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV) relève qu’au final « un certain nombre de constats, de diagnostics, de pistes envisagées [à Bordeaux] sont aussi partagés par d’autres régions qui vivent, plus ou moins en décalé, plus ou moins intensément, les mêmes évolutions que l'on peut vivre chez nous ». De quoi alimenter un décalage entre les diagnostics partagés et les remèdes proposés selon Bernard Farges, qui avait crevé l’abcès du besoin d’arrachage bordelais en juin 2022, sans créer alors de consensus dans le reste de la filière.


Notant le « besoin de calibrer le potentiel de production qu’il a fallu porter pendant de longs mois pour qu’il soit partagé » par d’autres bassins viticoles, Bernard Farges pointe que « le mot d’arrachage n’est plus un gros mot depuis bien longtemps à Bordeaux », citant « au moins 2019 quand l’assemblée générale de [l’AOC] Bordeaux avait identifié le sujet » (mais l’avait rejeté, comme une prime au déclassement de vins d’appellation).
Doté d’un plan d’arrachage sanitaire à 6 000 €/ha en cours de déploiement sur le seul département de Gironde, la filière bordelaise note « en revanche, [que] d’autres régions viticoles qui ont les mêmes difficultés, peu ou prou, de commercialisation, n’avaient pas admis de porter ce mot d’arrachage jusqu’à il y a quelques mois pour recalibrer la production » pointe Bernard Farges, qui martèle qu’il n’y a pas d’autres alternatives face à la déconsommation structurelle en cours. « Il y a parfois des collègues, ici à Bordeaux ou dans d’autres régions, qui pensent qu’il faudrait distiller. Ce n’est pas possible, nous ne distillerons pas. Il n’y a plus d’argent pour cela » pointe le viticulteur de l’Entre-deux-Mers, ajoutant qu’« avoir systématiquement des volumes en trop, avoir un potentiel de production supérieur à la capacité de commercialisation, avoir des financements publics et européens destinés à la destruction de production au lieu de la soutenir : ça ne fait pas une politique pérenne. Nous l’avons dit lors de la première distillation. Nous l’avons redit lors de la deuxième. »
Sur les 20 000 ha potentiellement candidats à l’arrachage définitif (à 4 000 €/ha et perte de l’autorisation de replantation) ou temporaire (à 2 500 €/ha sans possibilité de replanter pendant 4 ans) d’après l’enquête nationale de FranceAgriMer, 4 300 ha seraient candidats à Bordeaux. Qui entre les arrachages sanitaires et ceux en dehors du plan d’aide pourrait diminuer de 20 000 ha son potentiel de production dès 2024. Une forme d’avance sur les autres bassins viticoles qui sont actuellement dans l’attente d’avancées sur la mise en œuvre de l’arrachage temporaire/définitif alors que les législatives 2024 rebattent les cartes.