es tableaux de bilan comptable étant d’une froideur proverbiale, les banquiers ne sont pas des poètes. « La finance est le nerf de la guerre. Sans efficacité économique, quel que soit l’opérateur, on ne fait rien » pose Éric Garreau, le directeur de la filière vin du Crédit Agricole d’Aquitane ce jeudi 28 juin lors de l’assemblée générale de l’Alliance des Récoltants (Larraqué Vins International) au Vieux Château Gaubert (AOC Graves). Si la filière vin constitue un secteur économique atypique « que l’on ne retrouve nulle part ailleurs » avec un « métier très capitalistique » aux « opérations économiques hors normes » demandant d’« investir pour 50 ans quand les modes de consommation change quasiment tous les ans » ce qui alimente « une décorrélation entre le modèle économique et les attentes sociétales » poursuit le banquier.
Face aux tensions commerciales et économiques, « indéniablement, il y une nécessité de rééquilibrer l’offre et la demande. C’est indispendable » car « la première chose des faire pour chaque exploitation, c’est rééquilibrer sa production par rapport à son potentiel de commercialisation » pose Éric Garreau, notant que si « certains clament le contraire, la réalité économique, c’est que sans équilibre entre l’offre et la demande, ce sont les prix qui sont atteints. Derrière ce sont des dispersions que l’on ne peut pas avoir. » Voyant « une chance sur notre territoire » de pouvoir bénéficier d’ores et déjà d’un outil d’aide à l’arrachage, le banquier note qu’« il y aura 8 000 hectares d’arrachage, oui il y a déjà 2 à 3 000 ha de friche, oui il y a d’autres arrachages, parce que sans efficacité économique on ne vit pas. Et quand on n’arrive plus à vendre sa production, ça coûte très cher. »


Appelant à un travail collectif pour repositionner la marque Bordeaux, Éric Garreau appelle également à « organiser la production et la piloter » afin de reprendre la main et ne plus subir la déconsommation. « N’attendez pas que le monde redevienne comme avant. N’attendez pas que l’on achète du vin sans faire d’effort, c’est fini… N’attendez pas que l’on s’en sorte sans s’adapter au marché d’aujourd’hui : c’est fini » pointe le directeur de la filière vin, pour qui « le cœur du sujet, c’est d’être présent sur les marchés. Écoutez les gens de la distribution qui ont besoin d’alimenter et de créer des besoins. Proposons-leur des produits différents pour que le vin soit une consommation qui continue à perdurer. »
En somme, le banquier milite pour la modernisation de la filière : une entrée dans le XXIème siècle et ses nouvelles donnes. « Sortons de nos carcans » plaide Éric Garreau, qui vise notamment la surcharge AOP : « le cahier des charges est ancré dans nos têtes. Il faut entrer dans une nouvelle ère » indique-t-il, estimant qu’il faut arrêter « de se rassurer sur le territoire avec un cahier des charges qui est très serré, très fort, plus difficile, plus contraignant et être un critère distinctif pour vendre. C’est fini ce monde-là. » Pour regagner en liberté et rentabilité en appellation, « c’est à vous viticulteurs de faire bouger ça. Ce n’est pas le consommateur qui l’a demandé. Je n’en ai jamais vu acheter une bouteille en disant que ce cahier des charges AOP est tellement restrictif que le vin est plus qualitatif » tranche Éric Garreau. Qui a un autre sujet stratégique en tête : « la nécessité de rationaliser les outils industriels : on a passé 15 ans sur notre territoire à réaliser des investissements poussés par des aides, et non par une raison économique, parce que l’on avait des subventions. On a une multitude d’outils industriels qui sont sous-utilisés. Il y a une rationalisation indispensable, une efficience à retrouver. »
Ce n’est qu’en s’adaptant aux nouvelles tendances de marché que les vins de Bordeaux retrouveront de leur superbe pour Éric Garreau, qui prévient qu’« il y aura des installations et on financera les transitions s’il y a une efficience économique. Sinon on détruira le capital et la valeur patrimoniale. Personne n’investira dans ce qui coûte annuellement plutôt qu’il ne rapporte. » La froideur comptable.