ans le rouge, en termes de production et de commercialisation, le Médoc va ajouter une corde à son arc AOC : la production de vin blanc pour se projeter vers de nouveaux marchés tout en renouant avec l’histoire. Réuni ce 6 février, le comité national des appellations d’origine relatives aux vins de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) valide le cahier des charges du Médoc blanc. Une extension validée sans difficulté pointe Carole Ly, la directrice de l’INAO. Qui note le traitement rapide de cette requête de nouvelle couleur : « il a fallu un an entre le dépôt de la demande et la validation du comité national. Ça montre que l’INAO sait être réactif. Quand le dossier est bien monté, ça aide. »
Ayant suivi les orientations de la commission d’enquête de l’INAO, l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) portant le cahier des charges est resté sur une sélection de cépages consensuels* et a arrondi les angles sur le conditionnement obligatoire à la propriété qui mobilisait l’opposition du négoce. « Les négociants peuvent des acheter raisins destinés à produire du Médoc blanc, peuvent le vinifier et le conditionner dans leurs installations et réaliser toutes les opérations au même endroit. Ils peuvent acheter des jus à la fin de la période d’élevage et le conditionner chez eux, mais ils ne peuvent pas transfert de jus pendant la durée d’élevage » explique Claude Gaudin, président de l’ODG Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc. Placé en marqueur de la typicité du Médoc, l’élevage en barrique voit sa durée minimale fixée jusqu’au 31 mars de l’année suivant la récolte, avec une proportion de vins passée sous bois d’au moins 30 % de l’assemblage (et une commercialisation dès le 15 avril de l’année suivante, en contenant de verre).
Arrachage volontaire
S’il y a désormais l’ouverture de deux mois de Procédure Nationale d’Opposition (PNO), cette validation par le comité national permet d’imaginer une première production de vin blanc sous AOC Médoc dès le millésime 2025. Ce qui « donne un vent d’optimisme pour les opérateurs qui rentrent dedans » rapporte Claude Gaudin, faisant état de « produits valorisés à 12-25 € la bouteille vendue au consommateur. Il n’y a pas de scénario où le prix du blanc tombe au niveau du rouge. » Ce dernier étant indubitablement en crise dans le Médoc. Si les campagnes subventionnées d’arrachage concernent peu le vignoble médocain faute de primes attractives, « on a des hectares arrachés volontairement sans rentrer dans les plans d’arrachage » confirme Claude Gaudin, estimant que la surface des AOC Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc pourrait passer de 11 000 hectares début 2024 à 9 000 ou 9 500 ha fin 2025 selon l’ampleur.
La création de l’AOC Médoc blanc permet d’envisager une autre dynamique. Qui ne compensera pas la perte de production en rouge. Avec actuellement 90 producteurs de vins blancs dans le Médoc sur 200 hectares, il pourrait y avoir 100 ha répondant actuellement au cahier des charges. « Je ne crois pas qu’il y aura 20 000 ha de blanc demain dans le Médoc » écarte Claude Gaudin, rappelant qu’en blanc l’AOC Pessac-Léognan compte 260 ha. Sans remplacer le rouge, l’AOC Médoc blanc pourra participer à la restructuration d’une partie du vignoble. L’allongement prévu par l’Union Européenne des durées entre l’arrachage et la replantation permettant de « laisser un temps suffisamment long aux opérateurs pour voir plus clair sur le potentiel des marchés mondiaux » estime Claude Gaudin, qui espère que les « consommateurs vont découvrir le Médoc blanc et que cela va pouvoir mettre en avant nos rouges qu’ils ne connaissent pas forcément en dehors des grands crus. Nous avons une vraie carte à jouer pour nous faire connaître. »


Ou reconnaître, l’histoire des vins blancs n’étant pas récente dans le Médoc, comme le rappellent les recherches d’Yves Raymond (château Saransot-Dupré, Listrac). Le vigneron écrivait en 2021 que « la production de vin blanc en Médoc, grâce aux vignerons de Blanquefort commence au début du XVIIIème siècle. Elle est presque aussi ancienne que celle des grands rouges du Médoc dont l’histoire remonte, elle, à la fin du XVIIIème siècle. » Historique, la production de vins blancs du Médoc a connu un coup d’arrêt vers 1960 : « Blanquefort qui déclarait ses vins blancs en appellation simple Graves de Blanquefort et les autres blancs du Médoc qui utilisaient des appellations simples médocaines [lois instituant les appellations simples du premier août 1905 et du 8 août 1908] doivent y renoncer et déclarer en AOC Bordeaux [conformément au décret de 1942 qui n’était pas impliqué avant, mais imposait leur abandon au profit des AOC du décret de 1935] » explique Yves Raymond, précisant qu’« à l'époque, le vin rouge était tellement dominant dans le paysage que les syndicats AOC du Médoc n'ont pas voulu faire l'effort de créer une AOC blanche. »
À noter que l’INAO a porté une autre modification au cahier des charges des appellation Médoc, Haut-Médoc et Listrac-Médoc : l'obligation de certification environnementale (HVE, AREA, Terra Vitis…). Un dispositif mis en place pour la première fois par les appellations Saint-Émilion et Puisseguin en 2023, mais que le Médoc avait voté dès 2021. « On a fait en sorte que le peu d’opérateurs qui n’étaient pas encore dans une certification aient le temps de le faire » indique Claude Gaudin.
* : La proposition demande comme cépages principaux sauvignon blanc, sauvignon gris, sémillon et muscadelle, avec comme cépage accessoire le chardonnay à 15 % maximum (il représente actuellement 5 % du vignoble blanc médocain), ainsi que six Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation (VIFA) avec les cépages alvarinho, liliorila et viognier, les résistants floréal, sauvignac et souvignier gris. Oubliés le chenin blanc et le gros manseng un temps envisagés comme cépages accessoires, mais revendiqués comme emblématiques d’autres vignobles AOC (Val de Loire et Sud-Ouest). Par rapport au premier projet, le viognier a été rétrogradé en VIFA, comme il est ancré dans la vallée du Rhône septentrionale.