endues en décembre dernier, les conclusions du Groupe de Haut Niveau sur les politiques viticoles européennes s’appuient sur un constat alarmiste des défis de la filière vin : déconsommation des marchés et surproduction de certains vignobles faisant baisser les prix de vente alors que les coûts de production augmentent entre inflation et aléas climatiques... Partagez-vous cette alerte ?
Christophe Hansen : Il est vrai qu'en plus d'une conjoncture défavorable, d'importants facteurs structurels sont en jeu. La réduction de la consommation, qui se produit en France depuis les années 60 est la plus marquante. Une baisse de la consommation a également été enregistrée dans les principaux pays consommateurs et importateurs de vins européens et français. L’accumulation des stocks, les événements climatiques et météorologiques, et les questions géopolitiques, entre autres, ont justifié les nombreuses mesures d’urgence adoptées au cours de la dernière décennie pour soutenir le secteur. Le secteur accumule aussi des problèmes structurels qui ont été partiellement ignorés dans le passé en raison du pari sur les vins de qualité et du succès à l’export du vin dans l’Union Européenne.
Je ne suis cependant pas alarmé, car le secteur vitivinicole de l’Union Européenne a déjà été capable par le passé de faire face à de profonds changements, soutenu par un cadre politique adapté pour y faire face. Identifier les défis et leur importance était le but d’une évaluation réalisée par les experts de l'Observatoire du Marché du Vin qui a débuté en 2023, après la mise en œuvre de diverses mesures exceptionnelles de distillation de crise demandées par certains États membres producteurs. C'est à la lumière du rapport final de l'Observatoire du Marché, et à la demande de toutes les principales associations viticoles de l'Union Européenne, que le Groupe de Haut Niveau a été lancé. Les recommandations de ce groupe nous montrent la direction à suivre pour faire face à la situation actuelle.
Concernant la gestion du potentiel de production viticole, peut-on voir dans les propositions du Groupe de Haut Niveau la fin d’une approche de libéralisation pour revenir à une stratégie de gestion de l’offre par rapport à la demande ?
L'approche réglementaire actuelle sur le potentiel de production combine le contrôle de la croissance de la surface viticole avec l'orientation vers le marché. De cette façon, les exploitants viticoles et les régions productrices les plus performants ont pu étendre de manière ordonnée leurs surfaces de production dans un système qui contrôle la croissance excessive.
L'approche proposée dans les recommandations ne mettrait pas fin au système actuel, mais viserait à l'améliorer en permettant aux États membres d'avoir plus de flexibilité pour prendre des décisions sur la gestion de leurs surfaces viticoles en fonction de leurs situations régionales spécifiques et en cohérence avec d'autres mesures pertinentes de politique viticole. Cela nécessitera une plus grande responsabilité de la part du secteur et des administrations publiques dans la gestion du potentiel de production à moyen terme.
En outre, certaines des recommandations proposées visent à protéger de l’abandon certaines zones rurales et certains paysages culturels qui sont fortement liés à la production de vin.
Le Groupe de Haut-Niveau a rendu très rapidement des propositions d’urgence, quand la Commission Européenne souhaite-t-elle concrétiser ces propositions ? Est-ce que les dispositifs d’arrachage, temporaires et définitifs, pourront être activés dès 2025 ?
Lors de la dernière réunion du Groupe de Haut Niveau, je me suis explicitement engagé à répondre rapidement à la demande du secteur et des États membres sur un calendrier de mise en œuvre des recommandations et mes services y travaillent déjà. Cela nécessite d'évaluer les recommandations et la manière dont elles peuvent être transposées dans les outils juridiques de l'Union Européenne.
Plus concrètement, en ce qui concerne l'arrachage, les recommandations n'incluent pas explicitement l'arrachage temporaire, qui n'a pas été soutenu par le Groupe de Haut Niveau. Cependant, il a été recommandé un système alternatif plus efficace, qui consiste à allonger les délais entre l'arrachage et la plantation effective de vignobles dans le cadre du soutien à la restructuration et reconversion du vignoble, ainsi que d'autres mesures de flexibilité. La Commission a déjà discuté avec les États membres, en décembre 2024, d'un projet de règlement pour mettre en œuvre cette mesure et elle sera adoptée dans les prochaines semaines.
Pour l'arrachage permanent, il a été recommandé de s'appuyer sur les règles relatives aux aides d'État pour répondre aux besoins immédiats. Nous évaluons aussi d’autres possibilités. Je tiens à souligner qu’il n'y a pas eu de consensus au sein du groupe sur le financement d'une mesure d'arrachage avec des fonds européens. Au niveau de la Commission européenne, nous allons donc procéder à une évaluation des options en vue de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) que nous prévoyons de présenter d’ici la fin de l’année.
Le Groupe de Haut Niveau souligne l’importance économique et culturelle de la filière vin, votre mandat va-t-il protéger cette filière face aux pressions antiphytos sur sa production et les demandes hygiénistes contre sa consommation ?
Le vin est un élément essentiel du patrimoine européen, comme le reconnaissent les recommandations, et la Commission s’est engagée et continue de s’engager à le soutenir et à reconnaître sa singularité. La production viticole est et continuera d’être largement protégée dans l’Union Européenne par des réglementations et un budget spécifiques. Mais le secteur doit suivre les signaux du marché, et répondre plus étroitement aux attentes de la société, de plus en plus préoccupée par l’environnement et la santé publique. Le Groupe ne laisse pas de côté les considérations de santé publique et met d’ailleurs l’accent sur la modération. Les politiques et recommandations des Etats membres de l’UE sur ces questions sont diverses. Les recommandations en matière de consommation d’alcool relèvent du niveau national, et je n’ai pas vocation à aller au-delà de ce cadre
À cet égard, permettez-moi de souligner que le secteur vitivinicole est l’un des plus exposés aux conséquences de la crise environnementale et climatique actuelle. Il est donc primordial que le secteur s’efforce de trouver des solutions efficaces pour s’adapter de manière pérenne. Le Groupe de Haut Niveau recommande diverses actions pour accompagner davantage le secteur dans cette transition.
Précédemment eurodéputé du Luxembourg, Christophe Hansen connaît bien les enjeux du vignoble. Photo d'une visite du commissaire en Autriche : European Union, 2025.