e jeudi 14 novembre à partir de 7 heures, le collectif Viti 33 invite tous les vignerons bordelais à bloquer le site de Planète Bordeaux (à Beychac-et-Caillau), le siège de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) des appellations Bordeaux et Bordeaux Supérieur (rouges et blancs, mais aussi crémant, clairet et fine). « On va bloquer et fermer les portes sur la journée. Comme ils ne foutent rien, qu’ils ne bossent pas ne va rien changer » lance sans ambages Didier Cousiney, le porte-parole du collectif Viti 33.
« Le but est de demander des comptes à nos pairs, ceux qui ont des mandats. Ils ne font rien, on va les aiguillonner » poursuit le maire de Pian-sur-Garonne, qui demande à Stéphane Gabard, le président de l’ODG Bordeaux, d’être « notre chef de guerre. Nous sommes en guerre et il laisse faire la base. Il y a un ras-le-bol général. On ne va pas retoquer chez le négoce et les plateformes de la grande distribution*, ce n’est pas la peine comme notre filière ne fait rien. »


« On me parle de guerre, mais il faut identifier un ennemi. Qui est-il ? On peut trouver des boucs émissaires sur la déconsommation ou des responsables pour la mévente des vins de Bordeaux, mais les représentants de Bordeaux ne sont pas les seuls responsables d’une crise mondiale » réagit Stéphane Gabard. « Même si l’on est le plus gros ODG en surfaces de France, on n’a pas tous les leviers » poursuit le vigneron de Galgon, qui le martèle : « je ne suis que président d’ODG, je ne peux pas créer des récoltes, je ne peux pas fixer les prix, je ne peux pas demander des millions toutes les semaines à l’Etat ».
Ne relativisant par « la colère et le désarroi » qui enflamment un vignoble bordelais en détresse, Stéphane Gabard estime que le collectif Viti 33 « se trompe de cible » et a « le sentiment qu’il est plus facile de critiquer que de faire. Nous avons la même volonté, travaillons ensemble et allons dans le même sens. Ce n’est pas en bloquant que ça ira plus vite. Au contraire, le temps passé ne permettra pas d’avancer. » D’autant plus que certains membres du collectif Viti 33 font partie de l’ODG et d’autres institutions bordelaises. « Quand on est à l’extérieur des institutions, on peut toujours les critiquer selon ses intérêts personnels. Mais quand on est dedans, on voit qu’il faut allier tous les modèles. C’est la pluralité qui fait les bonnes idées » souligne le président des Bordeaux.
« J’ai siégé au bureau. Aujourd’hui, des jeunes m’ont remplacé et ils défendent notre beefsteak [NDLA : après une fronde avortée en 2023] » répond Didier Cousiney, qui demande concrètement « pour remonter la pente que les viticulteurs soient exempts de toutes cotisations, avec une année blanche pour tout, et des reports de la MSA (Mutualité Sociale Agricole), de la TFNB (Taxe sur le Foncier Non Bâti), des emprunts bancaires. Sinon, on ne remontera jamais la pente. » Autre demande cruciale pour le collectif Viti 33, la valorisation des prix du vin en vrac, avec la mise en place d’une organisation de producteurs permettant de rémunérer correctement les opérateurs.
« Aujourd’hui, le vin ne se vend pas, sinon à 700 €. On ne paiera jamais nos produits de traitement et nos matériels avec ça. Cette année, les gens ont été obligés de piocher dans leurs réserves et demander de l’argent à des proches. Aucun fournisseur ne livre plus rien si l’on n’a pas l’argent au bout des doigts. Avant la fin de l’année il va y avoir des catastrophes si rien n’est fait » prévient le porte-parole. Autre crainte pour le collectif Viti 33, que la réduction des volumes revendiqués en appellation (entre arrachage, petits rendements et déclassement hors AOC, en vin de France ou IGP) ne conduise à la défaillance de l’ODG : que « la trésorerie du syndicat se barre en sucette. Chaque année il y a un déficit, le syndicat a un petit bas de laine, mais à force piocher… On ne peut pas réaugmenter les cotisations, il n’y a plus d’argent dans le vignoble » alerte Didier Cousiney.
XX
L’équilibre des finances de l’ODG fait partie du prochain projet stratégique du syndicat indique Stéphane Gabard. « La pérennité de l’ODG à périmètre constant va être compliquée : il va falloir bouger des curseurs » avance-t-il, ajoutant que cela nécessite « toute une réflexion pour repenser le syndicat et l’ODG au vu des réductions de volumes et de la rentabilité sur les exploitations… On peut tout imaginer. Et ce ne sont pas quelques élus qui peuvent le décider. Il y aura des réflexions en conseil d’administration pour porter un selon projet en assemblée générale. » Déployant le reste de sa feuille de route (avec l’appellation claret pour les vins rouges frais et édulcorés, un travail de segmentation de la gamme ou de simplification des cahiers des charges…) l’ODG se prépare à des temps difficiles. « Je pensais que l’on avait des signes positifs sur les équilibres entre l’offre et la demande, que notre marché allait se dynamiser. Au vu de la crise qui devient mondiale, qui se durcit, il n’y a pas que la viticulture qui soit dans le marasme. Ce qui n’est pas rassurant » esquisse Stéphane Gabard.
* : Dans le cadre des manifestations de l’hiver dernier, le collectif Viti 33 avait organisé le blocage de Langon fin janvier, ainsi que des visites de plateformes de distribution et de négociants. Dont le site de Blanquefort du groupe Castel, qui lui vaut une procédure judiciaire toujours en cours, le négoce réclamant 100 528 euros de réparation aux trois organisations ayant manifesté devant son siège de Blanquefort ce 28 février (l’évènement étant organisé par la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs de Gironde).