n prend les mêmes et on recommence... Mais en plus usés, endettés et impatientés. Ce mercredi 23 octobre, plusieurs groupes des Jeunes Agriculteurs de Gironde relançaient des actions d’alerte sur leurs difficultés : dans l’Entre-deux-Mers, à Sainte-Foy et dans le Médoc. Sur ce dernier secteur, une vingtaine de membres se sont réunis en début de soirée devant la sous-préfecture de Lesparre-en-Médoc pour afficher leurs messages sur la balustrade du kiosque à musique et de nombreux ronds-points des environs : "bienvenue en Médoc, ici les agris et vitis crèvent", "pas de pays sans paysan", "jeune on en rêve, adulte on en crève"… Des cris du cœur déjà vus lors des manifestations de l’hiver dernier, mais restés sans écho concret alors que les exploitations sont de plus en plus fragiles économiquement.
« Quand l’Assemblée Nationale a été dissoute, tout ce qui avait été acquis a été perdu (à part la taxe sur le GNR) » résume avec amertume l’éleveuse de bovins Élodie Augeau, membre du conseil d’administration des JA33. Au contraire, avec le report du projet de loi d’orientation d’avenir et même la question de la fiscalité de l’emploi saisonnier, la filière agricole peut avoir l’impression que le surplace des derniers mois tourne désormais à la reculade. « Cela fait des mois que tout est sous cloche » politiquement alors qu’économiquement « la capacité de résilience des exploitations atteint son maximum. L’élastique est tiré, il peut casser » prévient Vincent Bougès, vice-président des JA33, qui parle en connaissance de cause, son propre vignoble étant rentré en redressement judiciaire.


« Une procédure collective permet de gagner du temps, mais ça ne résout pas le cœur du problème » pointe le vigneron de Saint-Sauveur, qui porte une demande principale : « la question du revenu des agriculteurs. Il n’y a pas eu de nettes avancées. Nous attendons une adaptation de la loi Egalim à la filière vin. » Sortir un salaire décent après un millésime éprouvant climatiquement et financièrement est la première préoccupation des JA présents sur cette action, qu’ils parlent de leurs répartitions en cave coopérative ou des commandes de primeur de négociants devenant des paiements en livrable pour certains châteaux (mais au prix du primeur).
« Un domaine sur deux ne passera pas la crise » lance un vigneron d’une appellation communale, qui garde malgré tout confiance dans l’avenir des vins de Bordeaux, s’ils sont en capacité de se réinventer commercialement, et de digérer un écrémage conséquent de leur production permettant de regagner en valorisation. « Nous produisons les vins les moins chers au monde aujourd’hui » soupire ce vigneron médocain.
Bâche misère
« Nous avons tous notre carrière devant nous. On a beau chercher des innovations, des pistes de différenciation… On a besoin de visibilité économique, mais on ne l’a pas avec les menaces géopolitiques (comme les taxes chinoises à Cognac) et les incertitudes de la politique française » relève Vincent Bougès, qui rappelle que le cœur de l’action syndicale des JA n’est pas de bâcher des ronds-points, mais de promouvoir l’installation des nouvelles générations. Alors que l’installation de jeunes agriculteurs en Gironde dévisse (se réduisant des reprises dans un contexte familial), le couperet d’une transmission ratée entre générations semble s’aiguiser : « sans installation, c’est la déprise agricole » prévient Vincent Bougès. Au-delà des friches ou de l’arrachage, l’arrêt d’activité de vignobles aurait des conséquences sur l’emploi et l’activité de toute la région.
Panneau future
Soutenus à coups de klaxon par les automobilistes passant pendant cette action bon enfant, les vignerons se remobilisent dans la continuité des manifestations du début 2024, actuellement dans le symbolique, sans que l’avenir de la mobilisation soit écrit. Si les syndicats nationaux, JA et FNSEA, appellent à une reprise des manifestations dès le 15 novembre, les vignerons n’ont pas attendu localement, avec des retraits/bâchages de panneaux dans le Roussillon, l’Hérault, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône…
« C’est un ras-le-bol. Que le contexte politique ne masque par l’urgence dans le domaine agricole et viticole » porte Vincent Bougès, pour qui ces actions sont « pour l’instant sous le signe de la bienveillance. C’est symbolique, mais attention à l’état de nerf du milieu agricole et viticole. La situation est explosive. » Comme le résume Élodie Augeau : « si ça ne bouge pas, on bougera plus fort ».
En attendant de de retrouver l’espoir, les Jeunes Agriculteurs ont commencé par prendre Lesparre.
Témoignant du désespoire qui monte, un mannequin a été laissé devant la sous-préfecture de Lesparre.