ond-point de Langon, un des quatre bloqués, ce lundi 29 janvier, 5h du matin : ils sont venus sur ici, tout proche de la voie ferrée, cerné par une quarantaine de tracteurs. 200 viticulteurs discutent autour des feux allumés. Sur un tréteau : café, bib de vins, terrines, conserves de pâtés, flutes de pains à gogo. Ils sont là, à l’appel du Collectif Viti 33 et de la Confédération Paysanne de Gironde pour se faire entendre. Pas de banderoles syndicales, simplement sur une remorque, écrit en lettres fluos : « Trop de tracas, trop de blablas ».
« On n’en peut plus des discours des politiques. On veut vivre de notre métier » scande Serge Rizzetto, membre du collectif Viti 33, 18 ha, AOC Bordeaux, écoulés 70% au négoce, lequel lui propose 650€ /T. « Intenable » lâche-t-il. René Bouty, 58 ans, renchérit : « J’avais un superbe métier. Aujourd’hui on prend tout dans la gueule et je n’ai pas de visibilité. Ce matin on se rassemble, mais c’est le signe du malheur ». Frédéric, 35 ans, 27 ha est net : « Dès que la situation s’améliorera, je vendrai mes vignes pour rembourser mes emprunts. Je ne garderai que de quoi faire 25 000 cols. Je tiens parce que je suis aussi éleveur de bovins » indique-t-il.


Aurore Castagnet, blondinette, visage juvénile, 39 ans, cinquième génération, 20 ha, écoulés à 50 % à la coop de Saint Pierre d’Aurillac, le restant aux particuliers, AOC Bordeaux, l’avoue : « Je suis en procédure de sauvegarde. Le 28 juin je présenterai un plan de redressement. Hier l’huissier m’a apporté une lettre de la banque laquelle veut une hypothèque sur mes bâtiments. Je suis prise dans un engrenage. Le seul espoir, c’est d’avoir un prix minimum garanti » confie-t-elle. Une revendication portée par la Confédération Paysanne de Gironde qui demande un prix minimum du Bordeaux « compatible avec les obligations du cahier des charges ». « Depuis 2021, nous diminuons les acomptes. Et nous avons des difficultés pour offrir une rémunération correcte à nos coopérateurs » souligne Nicolas Thoreau, le président de la cave de Saint Pierre d’Aurillac, (40 coopérateurs, 400 ha).
Le jour s’est levé. Les viticulteurs discutent gentiment. L’ambiance est bon enfant. Trop, aux yeux de Cyril 40 ans, prêt à en découdre. « Je ne suis pas venu pour glander sur ce rond-point. Il faut se remuer et aller au contact des automobilistes ». Avec le blocage des accès au rond-point, pas une voiture ne s’y risque. Seul le passage d’un train sur la voie ferrée, donne un peu d’animation. Cyril écoule 95% de ses 10 ha à la coop. Depuis 2019, il n’a pas de salaire. Alors il travaille pour d’autres viticulteurs. Véronique, 50 ans, se veut plus modérée : « En étant sur ce rond-point, on partage, on se sent moins seul. Je suis là pour que nos revenus soient revalorisés ». Eleveuse de canard et viticultrice, avec 7 ha, elle non plus ne se verse pas de salaire depuis six ans. L’espoir est encore là. En mars elle sortira une cuvée en blanc et en rouge (3 000 cols) vendue aux particuliers qui viennent dans sa ferme. « Sur l’étiquette, on ne mettra pas en avant Bordeaux. L’AOC n’a plus la cote » confie-t-elle.
L’éleveuse a apporté 2kg de foie gras, autant de rillettes et du magret séché, pour le casse-croute de midi des viticulteurs : « il faut partager » sourit-elle. Un train passe et klaxonne en signe de solidarité. Elle apprécie.
Dans la semaine, le ministre de l’Agriculture est attendu en Gironde, à la mairie du Pian sur Garonne dont le maire est Didier Cousiney, à la tête du collectif Viti33.
Ce matin à 5 heures à Langon. Photo : Colette Goinère.