uelles sont les principales décisions actées ce vendredi 5 avril par l’assemblée générale des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur ?
Stéphane Gabard : Nous avions un gros point, l’allégement du cahier des charges. Douze points de simplification ont été travaillés, un a été abandonné. Notre but est pragmatique : enlever des choses difficilement contrôlables et complexifiant le travail des opérateurs. Avec un cahier des charges allégé, on évite des choses difficilement entendables qui peuvent créer de la subjectivité selon le contrôleur.
Quelles sont les 11 modifications adoptées ?
Sur les règles de taille, nous proposons de se limiter au seul nombre de bourgeon à contrôler, en abandonnant la rédaction sur le contrôle du nombre de rameaux fructifères par pied. Nous étions l’un des seuls cahiers des charges de Gironde à avoir cette possibilité.
Nous demandons la suppression de la charge maximale à la parcelle (en kg par hectare et en fonction de la densité de plantation). S’ajoutant à la limitation de rendement, ce dispositif n’a aucune utilité. Les opérateurs s’en servent peu et seules les autorités de contrôle peuvent s’en servir en cas de réaffectation sur d’autres segments (IGP ou VSIG). Ce n’est pas cohérent, nous sommes prêts à en discuter avec une commission technique.
Sur la hauteur de feuillage, nous proposons que le coefficient entre la hauteur de palissage et l’écartement entre les rangs ne varie plus selon l’écartement des vignes (0,55 pour certains cas, au moins 1,5 mètre pour d’autres…), mais soit réduit à 0,5 quel que soit l’écartement, qui ne serait plus à mesurer. Cette réduction répond aux enjeux de maturité et de production alcoolique qui ont évolué depuis la dernière rédaction de 2008. Moins de feuillage est une voie pour la réduction de la concentration des vins.
Pour le rendement butoir, elles dépendaient des densités en AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur selon des seuils (notamment 4 000 pieds/hectares), nous proposons un seul rendement butoir quelle que soit la densité. Pour Bordeaux ce serait 68 hl/ha et pour Bordeaux Supérieur 66 hl/ha.
Sur l’assemblage des cépages des vins rosés, nous voulons clarifier le texte pour qu’il soit bien lisible et donne clairement droit à l’assemblage de raisins, de moûts et de vins entre les principaux cépages rouges et ceux accessoires blancs (limités à 20 % de l’assemblage, sauf le sauvignon blanc réduit à 10 %).
Pour l’acidité volatile avant le conditionnement, il avait été décidé d’être plus restrictif sur l’acidité volatile avant qu’après conditionnement. Mais la différence devient trop importante (0,65 g/l H2SO4 avant et 0,88 g/l H2SO4,après), le réchauffement climatique compliquant le maintien à des acidités volatiles basses, ce qui complique la circulation en vrac de certains lots pourtant dans la limite une fois conditionnée. Pour éviter les distorsions de concurrence sur la circulation des vins, nous voulons remonter la limite de 0,65 à 0,80 g/l H2SO4.
Concernant les dispositifs relatifs au conditionnent, nous voulons supprimer l’obligation de fournir des analyses chimiques lors de la déclaration préalable de conditionnement à Qualibordeaux pour éviter de multiplier les analyses. Il s’agira de pouvoir tenir ces analyses à disposition pour l’organisme de contrôle lors de l’échantillonnage dès le jour de la mise.
Sur l’écartement entre les pieds, aujourd’hui Bordeaux demande un écartement minimum de 0,85 m. Sur d’autres AOC de la zone, l’écartement minimum est fixé à 0,80 m. Cette différence de 5 cm pouvait poser des problèmes pour ceux souhaitant passer une parcelle en AOC Bordeaux. Pour uniformiser l’ensemble des cahiers des charges nous proposons d’abaisser l’écartement.
Pour les mesures transitoires qui existent depuis 2008 sur les vignes à moins de 3 500 pieds par hectare selon les dates de plantation, nous décidons de supprimer les 5 échéanciers différents pour proposer, quel que soit le vignoble, qu’il puisse produire jusqu’à 2050, la date mieux-disante.
Sur les mesures transitoires de hauteur de feuillage, elles n’ont plus de raison d’être comme nous souhaitons un coefficient de 0,5 entre la hauteur de palissage et l’écartement entre les rangs. Nous souhaitons supprimer l’article comme la disposition est plus facile à respecter avec la baisse du coefficient.
Pour la déclaration préalable des retiraisons de conditionnement, nous voulons enlever du cahier des charges l’obligation de déclaration de 5 jours ouvrés avant le conditionnement pour la mettre dans le plan de contrôle, plus facilement ajustable selon les produits et destination. Ça ne change rien pour le vin vrac, mais il y aura plus de latitude pour le conditionnement comme les vins restent sur place.
Ce sont des choses très pragmatiques, une somme de petits détails, travaillée en épluchant le cahier des charges.
Quelle est la douzième proposition qui a été finalement retoqué ?
Il s’agissait du SO2 total des vins moelleux en Bordeaux supérieur blanc. Nous constations que notre norme analytique était plus exigeante que d’autres vins du secteur, on voulait la réduire. Mais les cahiers des charges des autres vins moelleux de Gironde s’avèrent plus restrictifs, il n’y a pas les mêmes modalités pratiques (comme les tries successives alors que l’on peut utiliser une machine à vendanger). Il n’y avait donc plus d’intérêt à demander une modification, qu’il a été décidé d’annuler.
Quand souhaitez-vous que ces modifications soient en vigueur : dès le millésime 2024 ?
Nous sommes déjà en avril, je ne pense pas qu’une commission d’enquête puisse valider le cahier des charges avant les prochaines vendanges 2024. En allant le plus rapidement possible, on peut attendre ces évolutions pour les vendanges 2025.
Où en sont les autres travaux pour moderniser le cahier des charges de l’AOC Bordeaux et relancer ses vins sur les marchés ?
Nous souhaitons cranter des évolutions de profils produits et de segmentation pour la prochaine assemblée générale, cet été. Des travaux sont en cours sur la sucrosité et la baisse du degré alcoolique minimum, ainsi que sur de nouveaux profils de vins rouge légers type frigo. Ce sont peut-être des pistes ouvertes, mais qui doivent rester en accord avec l’identité de nos produits. Sur la segmentation entre Bordeaux, Bordeaux supérieur et d’autres segments, certains sont favorables à une nouvelle hiérarchisation (avec une AOC de Bordeaux valorisée, pas grand cru mais dans l’idée d’une Dénomination Géographique Complémentaire communale), d’autres préfèrent des profils produits plus transversaux (communiquant selon la concentration, l’élevage…). Il y a plusieurs écoles dans nos professionnels. Chaque solution a ses côtés favorables et ses aspects perfectibles. Les discussions sont ouvertes et je ne suis sûr qu’elles soient finalisées pour juillet sur le volet de la segmentation. Cela méritera sans doute une assemblée générale à part.