es vendanges sont terminées depuis 10 jours. Si vous deviez les résumer en un mot ?
Guillaume Valli : Déroutantes, surtout pour les rouges. Les pluies du mois de septembre ont bouleversé les chantiers de récolte. Des éclatements de baies et des débuts de pourritures ont accéléré les vendanges sur les sols argileux et les parcelles non irriguées qui surréagissaient. Ailleurs, il a fallu attendre que les effets de la dilution s’estompent. En tant que conseillers, nous avons passé notre temps à dire « c’est urgent il faut vendanger », ou au contraire, « il est urgent d’attendre ».
A l’échelle de l’ICV, nous avons d’habitude la chance de pouvoir nous inspirer de ce qui arrive sur tous les secteurs méditerranéens. Pas cette année. En fonction de l’intensité des pluies il y avait autant d’écart entre deux secteurs éloignés de 200 km qu’entre deux domaines éloignés de 5 km ! Avant chaque épisode, il fallait prendre le temps de se poser pour réinventer le scénario de la semaine quitte à ce que le nouveau scénario tombe lui aussi à l’eau !
Certains vignerons ont opté pour de la cofermentation.
Oui, et ils ont bien fait pour gérer l’hétérogénéité des maturités et des volumes. Beaucoup de carignans ou des caladocs ont été encuvés avec des grenaches peu colorés. Même si souvent les vignerons aiment vinifier telle parcelle seule ou assembler telle et telle parcelle, il fallait qu’ils s'adaptent à toutes les opportunités du millésime et changent leurs allotements pour remplir les cuves et réussir à gérer les températures de fermentation et l’extraction.
En parlant des volumes, commencez-vous à vous en faire une idée ?
Ils sont très hétérogènes en fonction des vignobles et des cépages mais, à l’échelle de la région, nous devrions être sur du -20 %.
La coulure sur certains secteurs et le mildiou ont précocement clairsemé les grappes de grenache. A l’image des vendanges, le moindre petit raté s’est payé cher toute la saison. Sur le mildiou, il suffisait d’avoir mal interprété un calendrier de traitement ou négligé certaines parcelles plus tardives pour avoir de gros soucis. Et quand les vignerons ont pris un peu de repos en août, Cryptoblabes gnidiella a encore emporté un peu de vendange, notamment de syrah dans des secteurs jusque-là épargnés, comme dans l'AOC Côtes du Rhône Villages Plan de Dieu ou sur les contreforts du Ventoux. Heureusement à l’époque il n’avait pas encore plu et le ravageur n’a pas dégradé l’état sanitaire.
Comment se déroulent les vinifications ?
Comme certains raisins sont rentrés autour de 10°C, l'annnée était idéale pour les macérations préfermentaires à froid, mais les vignerons ont dû faire preuve d’ingéniosité pour réchauffer leurs cuves et bien attendre que les fermentations démarrent pour apporter de l’oxygène. Ceux qui ont procédé par automatisme ont pu connaître quelques montées d’acétate mais, globalement, les fermentations se sont bien déroulées. Les teneurs en azote étaient juste dans la moyenne mais comme le vignoble n’a pas souffert de grosses vagues caniculaires et que les degrés alcooliques sont raisonnables, les levures ont réussi à terminer les sucres.
En revanche je suis un peu préoccupé par la fréquence des cas de Brettanomyces. Quand les vignerons n'ont pas ensemencé de levures de bioprotection, elles ont surement profité des remplissages des cuves sur plusieurs jours et des débuts de fermentation poussifs. Il faudra bien surveiller chaque lot après les fermentations malolactiques qui risquent de se faire attendre car beaucoup de vins, y compris les rouges, en renferment 2,5 voire 3 g/L. C’est assez inédit et cela pourrait conduire à des brusques déséquilibrages des profils et de la matière colorante. Beaucoup de vignerons disent que quand un millésime est compliqué au démarrage, il l’est jusqu’au bout, cela se vérifie cette année.
Les vins sont-ils prometteurs ?
Heureusement, oui ! Les blancs et les rosés sont sur la fraîcheur tout en étant aromatiques. Ils demandent un petit travail de bâtonnage sur lies fines pour gagner en rondeur mais ils sont très plaisants. En rouge, les vignerons décuvent les syrahs depuis une semaine et sont contents de leur profil fruité qui ne tombe pas dans le compoté. Dans les caves où les volumes sont en baisse, même s’il faut aller vite après les écoulages, il faut, comme pendant les vendanges, prendre le temps de se poser pour faire les bons choix d’assemblages. Cela va aussi être très intéressant de gérer les élevages, en se demandant s’il vaut mieux laisser des barriques de côté ou augmenter la proportion de boisé.
Il y aura des cuvées faiblement alcoolisées ?
Quelques-unes. Suite aux pluies, selon les types de sol et les rendements, les degrés ne sont jamais remontés sur certaines parcelles. Des vignerons ont décidé de se lancer et de sortir des cuvées à 11 %. Je suis impatient de voir comment le marché qui réclame à cor et à cri des petits degrés va réagir dans quelques mois. Je ne m’inquiète pas trop pour les vignerons qui font de la bouteille mais je ne suis pas sûr que les acheteurs de vrac qui sont habitués à des styles bien précis de produits apprécient.