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Crédits : Olivier Bazalge

Frédéric Rouanet
Emporte voix
 

Depuis plus de dix ans, le microcosme viticole languedocien a pris l’habitude de voir Frédéric Rouanet haranguer ses troupes à la tribune ou derrière son traditionnel mégaphone. Le 25 novembre dernier, 5 à 6 000 viticulteurs se sont massés dans les rues de Narbonne à l’appel du syndicat des Vignerons de l’Aude (SVA), que préside Frédéric Rouanet depuis 2013. Pourtant, celui dont la voix porte aujourd’hui autant à la tribune qu’elle chatouille l’oreille des ministres n’a pas toujours été aussi enclin à se mettre en avant, alors qu’il n’a jamais refusé l’action pour défendre la cause viticole. « Lorsque nous étions JA, avec mon groupe de collègues, on nous trouvait plutôt au dernier rang des réunions du syndicat, sans trop prendre la parole, car c’était avant tout la mobilisation pour se faire entendre qui nous intéressait », se souvient-il. 

Le virus de la mobilisation l’avait pris très tôt, dès 2005, où, sans que ses parents ne le sachent, il avait pris part à une mobilisation de vignerons à Carcassonne, tout près du lycée où il préparait son BTS. Déjà, tel un marronnier qui refleurit à chaque crise viticole, les ferments de la colère raisonnaient d’une étonnante similarité avec les revendications actuelles : mondialisation du marché, cours des vracs trop bas, arrachage primé pour réguler l’offre… 

Entre réunions de JA et SVA, Frédéric Rouanet traverse ses premières années de métier dans une crise viticole qui, jusqu’en 2010, emportera des dizaines de milliers d’hectares de vignes en Languedoc, avant que les cours n’entament un redressement à la faveur d’une offre amoindrie. Ces années lui permettent de mûrir dans les pas de l’éminent président du SVA de l’époque, aujourd’hui à la tête de la Chambre d’agriculture de l’Aude, Philippe Vergnes. D’abord réticent, Frédéric Rouanet finit par accepter de lui succéder et est élu à la présidence du SVA en 2013. « A 28 ans, j’étais encore jeune. Mais Philippe Vergnes et la gouvernance du syndicat y tenaient et m’ont accompagné », se souvient-il. Avec 4000 adhérents, le SVA est alors une place forte de la cause viticole en France. Seule condition du nouveau président, « constituer un bureau mixte entre expérimentés de l’équipe précédente et des jeunes qui m’accompagnaient aux JA »

La grêle de juillet 2014 est la première grande crise qu’il gère, avant que ne s’ensuivent de multiples actions contre les importations de vins étrangers ou la défense des cours du vin. La menace de bloquer le tour de France 2016, alors que du vin chilien est prévu pour rassasier les suiveurs de la caravane. « Ça a braqué de gros projecteurs sur notre cause, j’ai alors commencé à bien saisir le jeu médiatique pour faire passer les messages et l’utilité syndicale», se souvient encore Frédéric Rouanet.  

Aujourd’hui, il se dit chanceux d’évoluer au sein d’une exploitation (42 ha de vignes, totalement en IGP Pays d’Oc) où de bons choix techniques ont été faits par les 3 générations précédentes. « Cépages, matériels, techniques, ils ont tous trois apporté un côté novateur », souligne le vigneron de Pépieux, dont le grand-père a présidé la cave coopérative locale. Il travaille donc des terres lui permettant d’avoir des charges d’exploitation en phase avec ses revenus de production, « une chance que n’ont pas ceux qui évoluent dans des zones plus accidentées ». C’est donc avant tout ces autres, dont les exploitations sont moins adaptées à la conjoncture actuelle, que Frédéric Rouanet défend quand il appelle à la mobilisation. 

Il se dit également reconnaissant de l’unité affichée par la profession face à la crise, où responsables de la coopération et des caves particulières tirent dans le même sens que le syndicat des vignerons audois. « Une vraie réussite », apprécie Frédéric Rouanet. Cette unité lui donne encore plus de forces pour continuer à scander, comme il le fait depuis des mois, que le nerf du fonctionnement, « le prix d’achat des vins par les metteurs en marché », n’est pas au rendez-vous. « Nous voulons vivre des revenus de ce que nous produisons, pas d’aides », répétaient à l’envi la masse des milliers de vignerons entassés le 25 novembre dernier dans les rues de Narbonne. Le combat de Frédéric Rouanet est loin d’être terminé.  

 


Olivier Bazalge