arquée ces derniers mois par une augmentation significative des défaillances et une banalisation des procédures collectives, la fragilisation de l’économie viticole française se chiffre désormais avec une précision glaçante. Réunie ce 12 décembre, la Commission des Comptes de l’Agriculture de la Nation évalue en 2023 l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) moyen d’un domaine viticole à 84 139 € par Équivalent Temps Plein non salarié (ETP non salarié), soit une baisse de 25 % en un an (pour toute l’agriculture, l’EBE/ETP est de 66 450 €, -26 %).
Validant le constat vigneron de travailler toujours plus à perte (et de n'avoir pas d'autre solution que l'arrachage, partiel ou total), ce rapport édifiant indique également que 13 % des exploitations viticoles ont un EBE négatif (contre 7 % pour toute l’agriculture, une proportion qui a doublé en un an). Concernant le solde disponible par entreprise, le Résultat Courant Avant Impôt (RCAI) par ETP non salarié, le rapport annonce un recul de 36 % en moyenne pour les exploitations viticoles qui chutent à 57 141 € (contre 29 340 € toutes filières agricoles confondues, -45 %).
Le rapport indique que cette forte dégradation économique est liée à la baisse de la vendange sur le millésime 2023, année aux très faibles rendements (ce qui n'augure rien de bon pour 2024, nouveau millésime historiquement peu productif). Si le rendement a un impact majeur sur la rentabilité (-1hl/ha de rendement = +2 % de coût de production estimait récemment l'interprofession bordelaise), cette détérioration économique majeure de la filière vin s'explique aussi par le repli des sorties commerciales. Ce qui augmente les stocks (entre déconsommation et faiblesse du pouvoir d'achat) et qui dégrade les cours (largement en deçà des coûts de production).
Comme le souligne la Commission des Comptes de l’Agriculture, « les situations sont pour autant contrastées d'un bassin viticole à l'autre avec des baisses de résultats bien plus marquées en 2023 dans les zones de production méridionales ». Comme le détaillent les graphiques ci-dessous, la baisse EBE/ETP jusqu’à -41 % pour Bordeaux, -48 % dans les Charentes où le cognac est à la peine, -43 % dans le Sud-Est (Vallée du Rhône et Provence qui sont en difficultés commerciales)… La baisse RCAI/ETP se gamelle jusqu’à -210 % à Bordeaux, -67 % dans le Sud-Est, -62 % en Languedoc-Roussillon, -60 % à Cognac… Les distinctions se font aussi entre entreprises, toutes n’étant évidemment pas logées à la même enseigne : si 38 % des domaines enregistrent une baisse de leur EBE supérieure à 30 % en 2024, il y a 22 % d’exploitations viticoles qui augmentent de plus de 30 % leur EBE.
Pour le volet viticole, cette étude se base sur un échantillon de 1 071 exploitations sur 44 240 recensées en 2023. On apprend dans ce rapport que 71 % des viticulteurs reçoivent des subventions (la moyenne agricole étant à 92 %) pour 14 500 € en en moyenne, soit une hausse de 21 % (contre 39 000 € en moyenne agricole, -8 %).