odélisant précisément les coûts de production d’une bouteille de vin AOC Bordeaux, le Référentiel économique du vigneron bordelais de la Chambre d’Agriculture de Gironde (CA33) permet de chiffrer l’écart entre le prix de revient d’un tonneau de vin rouge (1 447 € en vrac pour un domaine conventionnel de 40 ha à 3 300 pieds/hectare pour 50 hl/ha*, 2 189 € en bio à 35 hl/ha) et le prix de marché (respectivement 917 et 1 472 €/tonneau d’août à novembre 2024 d’après les relevés interprofessionnels). Un écart qui se retrouve en bouteille dans les rayons : alors qu’une bouteille de Bordeaux rouge pour la Chambre d’Agriculture affiche un coût complet (vin + mise + commercialisation) de 3,33 € en conventionnel et 3,94 € en bio, alors que l’on voit cette année des offres promotionnelles à 1,64 € en conventionnel et 2,99 € en bio (prix de vente au consommateur intégrant également les frais logistiques, les marges des intermédiaires et distributeurs… ce qui réduit encore le prix payé pour le vin lui-même).
Face à la chute des commercialisations et à l’explosion des coûts de production, les caves particulières et coopératives sacrifient leurs prix de vente pour générer de la trésorerie, l’effet ciseau étant d’autant plus violent que les rendements chutent avec des millésimes 2023 et 2024 particulièrement peu généreux (pression mildiou oblige). Ce qui impacte le prix de revient : « entre le rendement moyen et le potentiel de production, ce n’est pas le même coût pour l’unité de production » relève Arthur Gaubey, conseiller d’entreprise pour la CA 33, présentant ce jeudi 28 novembre le référentiel 2024 sur le salon Vinitech (parc des expositions de Bordeaux).


Semblant évident, l’impact de la baisse de rendement sur l’augmentation des coûts se chiffre : « quand on perd 1hl/ha, le coût de production augmente de 2 % » résume Ann-Cécile Delavallade, la directrice du service économique du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB), qui point que la productivité à l’hectare est l’enjeu le plus significatif de la rentabilité d’une exploitation viticole. Les derniers rendements généreux à Bordeaux remontant souvent à 2016 (avec une moyenne départementale de 52 hl/ha), alors que la moyenne quinquennale est particulièrement faible (38,4 hl/ha, et 32,1 hl/ha en bio).
Plus facile à dire qu’à faire, « il est extrêmement important d’arriver au rendement » souligne Arthur Gaubey, qui appelle également le vignoble à investir dans sa commercialisation : « ça a un coût, mais ça permet d’ouvrir des marchés ». Ce que confirme Karl-Frédéric Reuter, consultant pour AOC Conseils, pour qui les frais de commercialisation doivent être vus « comme un investissement pour développer et pérenniser vos ventes. Les frais sont potentiellement très variables, de 0,2 à 1,5 €/bouteille, selon la main d’œuvre (ce n’est pas la même chose entre un gérant qui commercialise seul sans compter ses heures et le recours à un agent commercial salarié). »
* : Ces coûts intégrant les investissements techniques de la vigne et du chai, les frais généraux (eau, électricité, honoraires…), un fermage, l’amortissement du vignoble, une assurance climat, des frais de conditionnement et de commercialisation indique la CA 33, qui chiffre d'autres cas de figure (AOC, densité, rendements, etc.).