menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Gens du vin / Fin de parcours des vignes perdant rentabilité et postérité
Fin de parcours des vignes perdant rentabilité et postérité
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Transmission impossible
Fin de parcours des vignes perdant rentabilité et postérité

La dégradation rapide de la profitabilité des vignobles à faible valeur ajoutée rend inenvisageable l’installation de nouveaux vignerons ne pouvant aller au casse-pipe. Ce qui plombe les maigres retraites des anciens louant ces fermages. En témoigne un arrêt d’activité dans la vallée du Rhône face à l’impasse économique des vins en vrac rouges à vocation volumique.
Par Alexandre Abellan Le 07 août 2024
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Fin de parcours des vignes perdant rentabilité et postérité
C’est l’effet domino. Une vigne sans rentabilité ne peut installer un jeune, rester en activité, payer la retraite des propriétaires… 'Ce qui fait mal c'est la pelle qui arrache le travail de toute une famille sur plusieurs générations' témoigne Bernard Monon. - crédit photo : DR
C

e 31 décembre 2023, le vigneron Bernard Monon a fait dissoudre son domaine du Petit Bouigard (35 hectares de vignes à Orange, en AOC Côtes du Rhône et à 100 % en vin en vrac). Pourtant, tout semblait écrit : « j’ai 65 ans, mon fils de 23 ans a suivi le BTS viti-œno du lycée d’Orange et tout allait vers la transmission. Mais quand on se pose avec la comptable, on s’aperçoit que la survie sera difficile » témoigne le vigneron désormais retraité. La baisse de 20 % des rendements autorisés de l’AOC qui a été validée en 2023 (et reconduite en 2024) a notamment fait exploser le prix de revient : « que l’on produise 40 ou 50 hl/ha, nous avons les mêmes coûts de production, qui se sont envolés depuis des années (main d'œuvre, phytos, GNR…). Quand on enlève 20 % de la récolte, on perd 20 % de chiffre d’affaires » constate Bernard Monon, voyant en parallèle les cours du vin en vrac dévisser, « personne ne peut travailler à ce niveau-là. Depuis des années on travaillait au seul de rentabilité sans prendre de bénéfices, maintenant on travaille à perte. »

Ne produisant que du vin rouge commercialisé à 100 % par des négociants, le vigneron a rapidement vu les commandes réduire en volume et en prix, devenant indécents. « Nous sommes les premiers touchés. Depuis quelques années, le négoce nous saigne » constate-t-il froidement, se demandant : « reprendre le domaine, est-ce un cadeau ou une galère pour un jeune de 20 ans ? Quand on voit l’évolution des volumes, quelles sont les opportunités de se redévelopper ? » La seule option était de basculer dans la vente conditionnée de vins, mais se désengager du négoce impose des investissements : « il fallait acheter de la cuverie, du matériel, replanter… Vu le contexte, la banque ne suit pas. Ceux qui vendent en bouteilles ont déjà du mal, alors quand on part de zéro pour se faire une image, une clientèle… »

Fermer boutique

Sentant le mur se rapprocher, le vigneron a pris la décision d’arrêter les frais. « Les grands parents se souviennent des crises déjà vécues, mais aujourd’hui on ne voit pas d’avenir dans les Côtes-du-Rhône rouge génériques qui sont devenues l’entrée de gamme. Comment relancer la consommation de nos vins ? » rapporte Bernard Monon, qui ne veut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : « il y a des domaines qui vont continuer grâce à leur notoriété et à leur qualité de production. Il y a toujours un marché qui existe. Mais sur le gros volume, les débouchés disparaissent. » Entre le marteau des prix indécents du négoce et l’enclume des investissements impossibles à réaliser pour ne produire qu’en conditionné, la décision ne fut pas facile à prendre, mais elle n’est pas remise en question.

« Comme beaucoup des voisins, on se disait que les difficultés seraient temporaires. On fermait les yeux pour tenir l’année suivante. J’entends beaucoup dire dans le vignoble que l’on ne veut pas être celui qui va couler le domaine familial » regrette Bernard Monon. Comme le reste du monde agricole, les vignerons sont des taiseux ou personne ne veut être celui par qui la faillite arrive. « Beaucoup de domaines sont pris à la gorge, mais personne ne le dit » constate le vigneron rhodanien, qui voit les drames humains et les tensions familiales se nouer dans ces engrenages financiers et administratifs d’une spirale d’endettement : « c’est la maison qui est saisie par la banque quand il n’y a plus d’argent sur l’exploitation » alerte-t-il.

Les propriétaires de terres agricoles perdent leurs fermages et leurs retraites

Les fermages servant souvent de compléments à la retraite des précédentes générations de vignerons, l’absence de reprise les fragilise brutalement. « On ne trouve pas de repreneur ou d’acheteur. Même pas en commodat (location gratuite où le propriétaire paie la taxe foncière, tandis que l’exploitant taille, traite et récolte sans rien devoir). Ce sont pourtant des vignes sur un bon terroir, palissées et irriguées. Dans le silence le plus total, les propriétaires de terres agricoles perdent leurs fermages et une grande partie de leurs retraites. Quand on voit des terres abandonnées, ce sont des fermages arrêtés du jour au lendemain sans revenus pour ceux qui n’ont quasiment pas de retraite » soupire Bernard Monon, soulignant « beaucoup de soucis, beaucoup de problèmes ».

Et au-delà, « que fait-on des terres aujourd’hui ? » se demande le jeune retraité, pour qui « revenir à la polyculture comme dans le passé, c'est de l'agriculture de subsistance. Nous sommes des entrepreneurs. Et puis quelle culture sur une terre à vigne ? Nous laisser croire que l'amande ou la pistache vont nous faire vivre de notre travail est une utopie. » Un autre sujet explosif s’ajoute à ce tableau déjà chargé : « le problème des friches, sources de foyers de flavescence dorée, de mildiou et d’oïdium. L'exploitant n'existe plus, le propriétaire n'a pas les moyens financiers et matériels d'arracher. A ce jour aucune prime à l'arrachage sanitaire n'est en vue à ma connaissance. Le paysage régional se transforme dramatiquement et c'est très mauvais pour l'agrotourisme qui lui a un avenir ici » conclut-il amèrement.

 

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (10)
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous
Renaud Le 16 août 2024 à 09:44:56
Lors de la signature du traité fondateur des États Unis. Une dame interpela Benjamin Francklin en lui demandant ce que cette nouvelle République allait faire pour les américains. Il lui répondit: que comme c'était une République, il appartenait à chacun d'en faire quelque chose de bien. Et donc la question était qu'est ce qu'elle allait faire pour cette nouvelle république. Je pense que notre situation est comparable à cette anegdote. Cela fait des décennies que la viticulture n'est pas gérée pas les viti mais une caste qui joue aux chaises musicales. Idem pour les caves et leurs dirigeants jouants aux billes avec les fond et la solidarité des coopérateurs se partageant les postes d'administrateurs, de comités de surveillance, etc?. Montant des machines commerciales opaques pour sa base. Quand on se laisse mener comme des moutons il est courant de se laisser tondre pour finir souvent à l'abattoir . Maintenant chacun se réveille, trop tard pour certains. Qui n'ont comme tord que d'avoir fait confiance aveuglément dans un système qui n'a eu de cesse de leur dire « ne vous inquiétez pas. On s'occupe de tout »Et qui les a ruinés. Je ne dirais jamais qu'ils l'ont mérité mais il est sûrement l'heure de s'indigner et de reprendre les rênes de sa vie.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Médocon Le 09 août 2024 à 09:06:02
Du désert de vigne au désert de friches?.. le cycle de la viticulture se perpétue. Nous assistons à la grande correction des démesures. Le passage de la viticulture heureuse, avec autour d'une dizaine d'hectares À la viticulture industrielle et inhumaine avec 40 ha voire 100 et plus. Avec 50% de vigne en moins, nous pourrions, sans changer de mode de traitement, diminuer de 50% notre empreinte carbone. Mais c'est déjà trop tard. Il m'arrive d'avoir des larmes aux yeux en regardant ma vigne . Comme si j'étais en train de la trahir?..
Signaler ce contenu comme inapproprié
Byron Le 08 août 2024 à 19:26:40
Et les malins continuent à s'en prendre à la loi Evin, quand on voit bien que la viticulture qui fonctionne n'a certainement pas besoin de publicité. Réfléchissez, vous ne vendez pas un produit industriel, ni de la bière ni du whisky, alors arrêtez de jalouser leurs circuits commerciaux et méthodes marketing, et constatez bien lesquels ont encore du succès pour le vin. Oui vous avez été enjoints par toutes les autorités, politiques et dans la filière, à choisir un modèle fondé sur le volume voué à l'échec depuis le début. Mais c'est pas en poursuivant dans cette voie et en rétablissant la publicité pour l'alcool que vous relèverez la tête. C'est pas la pub qui fera boire du vin aux générations qui n'en boivent plus. Vos luttes pour continuer à utiliser des pesticides, par contre, c'est le meilleur vaccin contre la consommation de vin. De même que votre volonté d'irriguer une culture qui n'est pas vivrière. De même que votre impact sur la biodiversité. De même que les ravages que vous avez commis sur nos paysages (allo Plan de Dieu? quelle hérésie). De même que votre destruction minutieuse du système AOC (les rendements trop élevés pour faire de la qualité en AOC, les AOC qu'on autorise à produire sur des terres pisseuses, les crus donnés à des terroirs qui ne les méritent pas...). Le vin c'est du plaisir, et la plupart des vins français aujourd'hui ne vendent plus aucun plaisir. Alors quand les alcooliques ne seront plus là... Réfléchissez y... Vous êtes en total décrochage avec les nouvelles générations, et c'est pas la pub qui permettra de raccrocher votre wagon à notre époque.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Daniel Le 08 août 2024 à 17:08:06
Je ne suis pas vigneron mais agriculteur en retraite . J'ai vu arriver le désastre depuis plus de 5 ans . Car au grès de mes voyages en France je voyais ces milliers d'ha de plantiers , je savais ce qui allait arriver quand tout cela serait en pleine production . Mes collègues vignerons ont pratiqués la politique de l'autruche quand je leur faisais part de mon inquiétude . Quant aux pouvoirs publics , ils savaient mais ont favorisé les puissants domaines qui eux s'en sortiront au détriment des plus fragiles qui vont disparaître . Comme d'habitude ! Daniel Roche ex président Modef Paca .
Signaler ce contenu comme inapproprié
VignerondeRions Le 07 août 2024 à 21:47:30
Nous avions vu la chose arriver et nous avons tiré la sonnette d'alarme. Pour autant la quasi totalité des représentants de la filière vin en France a nié la réalité. La déconsommation ne date pas de 2023, c'est une petite musique lancinante très ancienne... Les friches qui ne cessent d'augmenter, les fermages ou succession qui ne trouvent plus preneur, bref tout les signaux étaient bien allumés, sauf que les grands "Manitou" ne voulaient rien voir et rien entendre. En 2024 le sud a encore reçu des autorisations de plantations nouvelles à leur demande, c'est de la gestion d' irresponsables cautionné par la République. En baissant les rendements, on plombe les prix de revient, et on grave dans le marbre le déficit financier structurel de la culture de la vigne. C'est incompréhensible de voir tout les responsables de l'État, préfets, ddtm, ministère laisser faire sans rien dire. Détruire la viticulture de cette manière est un non sens absolu, je cherche encore pourquoi les gens ayant des capacités d'intervenir ne font RIEN. Il doit y avoir une raison qui m'échappe, ou alors le confort de leur postes les rendent inopérants et peut être inutile. Dans tout les cas j'ai une profonde estime mais aussi une grande tristesse pour tout ces gens qui ont consacré leur vie à la vigne pour finir de cette manière.
Signaler ce contenu comme inapproprié
PhilippeIV Le 07 août 2024 à 16:03:07
Trop de vin tue le vin. Quand j'étais agriculteur, la cave me poussait à investir, à planter, améliorer la qualité du vignoble. En revanche elle me payait un an après et les augmentations n'étaient pas là. Les groupements de cave ,eux , se ventaient de faire des millions à l'export et pareil: sur leur publicités c'etait le paysan et le terroir qui etaient mis en avant. Mais sur le prix de vente de la bouteille, il ne percevait meme pas le tiers... Quand j'ai voulu quitter la cave, tout le monde s'est mis en travers, le groupe s'est fait meute pour m'empêcher de sortir 10 hectare d'AOP. Dire que j'ai été délégué SAFER, MSA pour ces égoïstes envieux des autres. J'ai mis en liquidation et planté de la forêt sur les parcelles. Voilà! L'agriculture française n'a que ce qu'elle mérite.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Aurelien Le 07 août 2024 à 10:13:31
Merci la Loi Evin ! Pendant que nous arrêtons , les brasseries qui elle font de la pub se gave . Comment avons nous pu voter pour ces députés qui ont validé cette loi stupide.
Signaler ce contenu comme inapproprié
pg Le 07 août 2024 à 08:33:38
Peut-être eut-il fallu envisager de diminuer les ha et augmenter les rendements à l' ha pour maintenir une certaine rentabilité. Peut-être eut-il fallu que le monde viticole unisse ses efforts financiers afin de communiquer sur le vin au niveau national et international , plutôt que chaque appellation communique dans son prés carré avec ses faibles moyens .... Aujourd'hui, tout passe par la com. Sans com , un produit n' existe pas. Le vin n' a pas plus de handicap que la bière ou le whisky. Sauf qu'eux, ils communiquent à outrance . Et , visiblement , la loi Evin , ils s' en accommodent. Quand je lis qu' un ex président d'une interprofession d'une grande appellation , aujourd'hui à genoux , prend la tète de Vinexpo , je me demande si je suis le seul à m' en offusquer ou si je suis complètement à coté de la plaque....
Signaler ce contenu comme inapproprié
Gallus Vindex Le 07 août 2024 à 05:23:46
C'est triste. Mais est-ce que c'etait imprevisible ? Il me semble que non. Cette issue deplorable est la fin d'une evolution visible deja il y a dix ans au moins. Les institutions professionnelles ont prefere fermer les yeux. Malheureusement, cet attitude est trop repandue en France. Exemple eloquent: la dette de l'etat francais acuelle.
Signaler ce contenu comme inapproprié
bill et boule Le 07 août 2024 à 05:21:00
même punition même motif pour la bouteille en medoc ... nous maudissons le jour où nous avons repris la propriété de nos parents et grands parents ... nos enfants et grands enfants nous regardent avec pitié et reproche mélanges car c est à nous qu il est revenu de ruiner la famille et laisser partir le domaine familial en vrille ... pas facile , d autant que les couples résistent mal à une telle descente .Et que dire des gérants eux mêmes, confrontés à une forme récurrente de culpabilité .Les attendus de jugement de conversion rj lj ont beau généralement exonérér les associés de toute responsabilite pénale ( encore une fois cessons de parler de faillite qui est un terme impropre ) ,le mal est fait. Les ex bailleurs s estiment lésés, les anciens preneurs ont fait ce qu ils pouvaient , et tout cela se termine avec tristesse et amertume . Prestataires et fournisseurs inscrivent leurs créances sans trop y croire. Ambiance dans les campagnes ...Mieux vaut decamper tant rester sur place devient irrespirable .
Signaler ce contenu comme inapproprié
vitijob.com, emploi vigne et vin
Gironde - CDD Château de La Rivière
Vaucluse - CDI PUISSANCE CAP
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Gens du vin
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé