ans quel contexte succédez-vous à Christophe Charransol (président depuis 2019) ?
Vincent Dessalles : Dans un contexte de continuité. Christophe Charransol reste vice-président à mes côtés. Il avait un mandat depuis cinq ans au sein de l’union et n’a pas souhaité le renouveler pour des raisons qui lui sont propres, externes à l’entreprise. Lors de réflexions collégiales, mes collègues ont souhaité que je sois candidat. J’étais déjà actif au conseil d’administration. J’assure la continuité. Il n’y a pas de remise en cause du bureau (Régis Duc demeure trésorier, Michel Bellier et Serge Roux restent vice-présidents), ni de la direction (assurée par Sylvie Darves). Pas de grande révolution, ce n’est pas un putsch.
Quelle est votre feuille de route à la présidence de l’UVCDR ?
En interne, je souhaite des rapprochements plus forts et aboutis entre l’union et ses caves. Pour l’instant, on a une participation forte socialement et humainement. Il faut aller plus loin au niveau des produits et de l’économie pour faire une véritable union entre l’UVDCR et ses 10 caves adhérents.
S’agit-il de mettre en commun les outils de production pour gagner en économie d’échelle ?
Il s’agit d’économies d’échelle et de regroupement dans l’aboutissement des produits pour être dans la capacité de produire de manière plus raisonnée. Il ne s’agit pas d’anéantir les spécificités de chaque cave. La stratégie que je propose au Conseil d’Administration c’est que le Cellier est une grande maison où l’on commence par les premiers prix et où l’on finit par les plus grands crus de l’appellation. Nous avons une cave qui produit du Châteauneuf-du-Pape et d’autres caves qui produisent des Côtes-du-Rhône Villages nommés qui s’intègrent dans une stratégie de premiumisation et d’identité de chaque cave (Valréas, Visan, Suze-la-Rousse…), sans oublier Cornas, Cairanne, Rasteau, Vinsobres, etc.
Vous souhaitez que l’UVCDR soit concentrée sur l’économie/l’optimisation de ses moyens et ne disperse plus ses énergies en armée mexicaine ?
C’est le terme que j’ai employé devant le conseil d’administration pour présenter mon projet : plus d’armée mexicaine. Je veux mettre tout le monde en ordre de bataille et être efficient là où chacun se situe. Sur les rosés, sur le savoir-faire de cuvées valorisées… Il faut structurer les savoir-faire et les compétences.
Dans un marché particulièrement disputé et mis sous pression par la déconsommation, vous voulez donc optimiser le fonctionnement pour avoir une obligation de meilleure rémunération des adhérents ?
Plus qu’une obligation, c’est un devoir d’avoir une meilleure efficacité pour dégager plus de valeur pour nos vignerons. On se situe dans moment de l’histoire des Côtes-du-Rhône où beaucoup de collègues, et moi-même, sommes dans une situation financière quasiment désespérée. 2024 sera un millésime charnière pour les Côtes-du-Rhône. Le Cellier compte prendre toute sa part pour donner à voir à ses adhérents une lumière au bout du tunnel. Il faut trouver de la valorisation. Une AOC comme les Côtes-du-Rhône est à un point de rupture. On peut avoir des arrachages massifs si le plan national venait à être validé. Ça impacterait nos caves qui sont déjà suffisamment contraintes par les conditions actuelles. Si le pire advenait avec un arrachage massif, il faudrait fusionner des caves voisines. Mais avant d’envisager des rapprochements, il faut envisager des spécialisations.
Quand vous dites « si le pire advenait » en évoquant l’arrachage, est-ce par opposition à ce dispositif ?
Non, je suis bien pour l’arrachage. On a besoin d’un rééquilibrage de l’offre et de la demande. Mais il y a deux formes d’arrachage, entre un arrachage mesuré, qui rééquilibrerait le potentiel avec une adaptation de la production et des cépages moins alcoogènes, et un arrachage définitif, dévastateur, qui serait un abandon tellement important par les vignerons. Il y aurait besoin d’arracher 5 à 8 000 ha en AOC Côtes-du-Rhône. Mais s’il y a arrachage de plus de 10 000 ha sur un total 30 000 ha… Je crois en l’AOC Côtes-du-Rhône qui a des cépages plaisant aux goûts du consommateur (la rondeur du grenache assemblée avec la syrah).
Les Côtes-du-Rhône envisageant de tester la diminution des degrés alcooliques par désalcoolisation partielle, l’UVCDR est-elle intéressée ?
Mon prédécesseur avait initié au sein de l’union des projets de diversification, sur les produits effervescents et sur des essais de désalcoolisation partielle pour obtenir un moindre degré. On va continuer dans cette logique. La maison Cellier a un mix produit qui est large. Dans cette logique, on ne peut pas s’interdire ce type de produit. En AOC, on a l’autorisation de désalcooliser partiellement (dans la limite de 20 % du degré alcoolique total). Pour Côtes-du-Rhône, on peut compter -2,5 °.alc. On va faire de premiers essais et on verra quels seront les résultats.
Quelle est votre stratégie pour les marques de l’UVCDR : Cellier des Dauphins, Vignerons de l’Enclave, Boissy & Delaygues, domaine de Galuval, Résistance… ?
On va essayer d’être plus efficients au niveau de la production. Cellier des Dauphins est une grande machine, c’est de nouveau la première marque de vins AOP de France d’après Rayon Boissons avec 11,8 millions d’équivalents de cols commercialisés. Nous allons continuer de la consolider avec les gammes signature, réserve... Domaine de Galuval commercialise nos gammes premium, dans une logique de crus (comme Vinsobres).
Depuis le départ en 2020 de la cave de Sainte-Cécile-les-Vignes, l’UVCDR réunit 10 caves* : des projets d’adhésion ou de départ sont-ils connus ?
Pour le moment, mes collègues ne m’ont déclaré aucune velléité à quitter l’union, mais veulent consolider ce que l’on est ensemble pour aller plus loin. J’ai reçu la pleine et entière adhésion du conseil d’administration. La plupart des caves vont atteindre 100 ans : c’est l’âge de la maturité. Des vignerons se sont fédérés pour capter de la valeur ajoutée. Il ne faut rien s’interdire pour récupérer de la valeur ajoutée pour nos adhérents. On l’a peut-être oublié avec les guerres de clochers, mais la première vocation de la cave coopérative c’est d’apporter de la valeur ajoutée et de l’argent aux adhérents. Le revenu, c’est la base de tout. On peut obtenir de la rentabilité en obtenant de la valorisation de manière pérenne, petit à petit, pour éviter les grands coups de manivelle d’un côté ou de l’autre.
Dans d’autres vignobles en crise, comme à Bordeaux, il semble qu’il y ait beaucoup de nouvelles demandes de vignerons pour adhérer dans les caves coopératives vues comme des "filles de misère" ? Est-ce le cas pour l’UVCDR ?
Il n’y a pas la même détresse ici qu’à Bordeaux, où, malheureusement pour nos collègues ils vivent un décalage très fort entre les produits qu’ils proposent et les demandes du marché. Nous n’avons pas cette détresse, mais nos caves adhérentes reçoivent des demandes d’adhésion. La cave coopérative de Puyméras à laquelle j’appartiens a accepté 5 nouvelles adhésions sur les 3 dernières années (du vin de garage de 100 hl aux 1 500 hl sans marché structuré).
Face au défi du renouvellement des génération, quelle est la stratégie de l’UVCDR pour installer des jeunes ou acquérir du foncier sans repreneur ?
Pour l’instant il n’y a rien de prévu et de structuré. Ce sont des réflexions que l’on peut avoir. Le sondage fait par FranceAgriMer concernant l’arrachage a reçu très peu d’adhésion. Comme il y a des incertitudes sur le périmètre territorial et financier de l’arrachage, il est difficile de s’engager dans quelque chose d’aussi flou. Le jour où les dispositions seront bien structurées et connues pour tout le monde, peut-être que plus de personnes se positionneront dessus
Face à la crise viticole actuelle, la stratégie des Côtes-du-Rhône est de retrouver de la valorisation. En tant que co-président de la commission Côtes du Rhône Villages avec nom géographique, quelles sont les pistes à concrétiser pour vous sur Egalim, les indicateurs, le blanchiment de l’offre… ?
Le Cellier va accompagner les Côtes-du-Rhône autant qu’il le pourra, puisqu’il a toujours été du côté des vignerons. Je souhaite que l’on retrouve très vite de la valorisation. Nous sommes à la base de la pyramide des prix, le Cellier représentant un tiers de ces volumes. C’est ensemble que producteurs et négociants pourront retrouver des niveaux de prix rémunérateurs.
La colère qui s’est exprimée en début d’année, notamment vis-à-vis de l’interprofession et de négociants, gronde-t-elle toujours ?
Dans un contexte économique aussi tendu que le nôtre, où le désespoir habite beaucoup d’entre nous, la colère est légitime. Malheureusement, on ne peut que la comprendre. C’est dramatique ce que l’on vit. Nous sommes dans des drames humains que l’on n’a jamais connus. Depuis des décennies on gère la décroissance de la consommation. Mais en Côtes-du-Rhône on n’a jamais été soumis à de telles fluctuations de prix comme on les connait actuellement.
La colère gronde toujours. Le syndicat prend ses responsabilités. C’est la seule AOC de France à réduire de manière aussi sensible sa production. Ce n’est pas une fin en soi de diminuer les rendements. D’autres augures doivent jalonner le chemin des Côtes-du-Rhône. Le Celliers va prendre sa part, mais pas plus qu’il ne le peut.
* : Les coopératives de Nyons, Puyméras, Richerenches, Saint-Maurice-sur-Eygues, Saint-Pantaléon-les-Vignes, Sérignan-du-Comtat, Suze-la-Rousse, Tulette, Valréas et Vinsobres.