’assaut hygiéniste de dénormalisation du vin porte ses premiers fruits avec de nouvelles taxations votées au Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2025 (PLFSS). De quoi faire tousser dans un vignoble déjà en crise où les coûts de production flambent (inflation des intrants, aléas climatiques réduisant les rendements...) et où les prix d'achat restent indignes (avec des luttes sur quelques centimes de valorisation pour survivre). Dans la nuit du mercredi 23 octobre, des taxes additionnelles ciblant les boissons alcoolisées en général et le vin en particulier ont été adoptées par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale.
À commencer par l’amendement 1530 généralisant la cotisation sécurité sociale à tous les alcools (et plus seulement à ceux titrant plus de 18°.alc) porté par le député Hendrick Davi (Bouches-du-Rhône, Écologistes) sur un texte de l'association Addictions France (repris également par des députés du Parti Socialiste, du Parti Communiste et d’Ensemble Pour la République). Portant un amendement identique, la députée Annie Vidal (Seine-Maritime, Ensemble Pour la République) assume en commission qu’« il s’agit d’une taxe comportementale. Cet amendement propose d’étendre la taxation à l’ensemble des alcools et non pas seulement à ceux seulement qui titrent plus de 18°.alc [afin] d’abonder les fonds de la sécurité sociale et modifier les comportements. »


« La fiscalité française se base sur le type d’alcools plutôt que sur le volume d’alcool alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande d’agir sur le prix de tous les alcools » ajoute en commission le député Hendrick Davi, déclarant que « l’alcool représente la deuxième cause de cancer évitable. Et je rappelle que l’alcool est cancérigène au premier verre contrairement à ce que l’on peut raconter » (une idée du danger sanitaire dès le premier verre d’alcool battue en brèche par le Lancet en 2022, mais il semble que les hygiénistes préfèrent rester sur les certitudes de 2018). Pour le député écologiste, il s’agit de « revenir sur cette spécificité française » car « il n’y a pas que le whisky qui est nocif, le vin rouge et la bière aussi. Il n’y a pas de raison qu’il n’y ait que le whisky qui contribue. » Hendrick Davi en est persuadé, « cela impactera les prix des alcools les moins chers, les plus consommés par les jeunes et les consommateurs excessifs ».
Un impact sur la santé publique que ne partage apparemment pas le député Yannick Neude (Isère, Droite Républicaine), le rapporteur général donnant un avis défavorable alors qu’il expliquait préalablement être réfractaire à « toute augmentation potentielle des taxes sur l’alcool [comme] on n’obtiendrait pas ces champs d’efficacité en termes de santé publique [par rapport au tabac] ». Le député de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs ajoutant qu’imposer « un prix minimum par unité alcool pur (comme conseillé par l’OMS, la Cour des Comptes… et appliqué en Ecosse, aux Pays de Galles, en Australie, en Irlande…), reviendrait à majorer drastiquement les coûts sur l’alcool » et que « ce n’est pas stricto sensu dans le champ du PLFSS, puisque c’est une mesure de droit commercial ».


Ce qui explique peut-être le jugement pour irrecevabilité de l’amendement 127 du député Jérôme Guedj (Essonne, Parti Socialiste), qui proposait que le « prix minimum de vente des [vins, bières, cidres, rhums, eaux-de-vie-de vin… ne puisse] être inférieur à 0,50 euros par décilitre d’alcool pur » selon une proposition de « la Ligue contre le Cancer ». Mais comme l’indique clairement le député Hendrick Davi, « l’effet prix doit être complété par d’autres mesures, comme une politique de réduction des risques ou une politique de démarketing ». Soit une logique de diabolisation du discours sur les vins, bières et spiritueux (comme l’assume Addictions France, voir encadré) afin d’arriver à la débanalisation et la dénormalisation de leurs consommations (un projet de longue haleine pour en finir avec l’idée de consommation raisonnable et modérée prônée par la filière vin).
Adopté, l’amendement 126 porté par le député Jérôme Guedj avec Addictions France (et repris par des députés communistes, écologistes, du Modem, de La France Insoumise et d’Ensemble Pour la République) institue la « taxation des publicités en faveur de boissons alcooliques » de « 3 % du montant hors taxes sur la valeur ajoutée des dépenses » pour « les entreprises produisant, important ou distribuant en France des boissons alcooliques ou leurs représentants » et « dont le chiffre d’affaires du dernier exercice est supérieur ou égal à 10 millions d’euros ». En commission, Jérôme Guedj pointe que « c’est un amendement que nous portons régulièrement et que nous travaillons avec Addictions France au regard de l’ampleur du fléau et de la mortalité liés à l’alcool dans ce pays. Ça permettra d’abonder le fonds de lutte contre les addictions et de faire de la prévention une priorité de la politique de santé publique. »
Se poursuivant en commission, l’examen du PLFSS devra ensuite passer en séance où l’avenir de ces amendements est incertain. D’autant plus avec l’usage probable de l’article 49.3 de la Constitution par le gouvernement.
Communiquant sur ses propositions pour le PLFSS, l’association Addictions France, veut en priorité « augmenter le prix de l’alcool » comme ce serait « l’une des mesures les plus efficaces pour réduire sa consommation. En harmonisant et en augmentant ces taxes, l’alcool serait moins attractif. » Dans son plaidoyer, l’association reconnaît qu’il y a déjà « une baisse régulière de la consommation d’alcool depuis 60 ans », mais ce n’est pas suffisant alors que « la France reste le huitième pays de l’OCDE le plus consommateur d’alcool avec 10,5 litres par an en moyenne par personne chez les 15 ans et plus » et que « selon Santé publique France, 22 % des Français dépassent les repères de consommation à moindre risque ».
Globalement, Addictions France demande à « déplafonner les taxes sur l’alcool pour financer la sécurité sociale, harmoniser la fiscalité sur les alcools, prévenir l’alcoolisation des jeunes en taxant les bières industrielles sucrées, prévenir l’alcoolisation des jeunes en taxant les bières titrées à plus de 8 %, proposer un prix de 60 centimes par unité d’alcool, indexé à l’inflation, faire contribuer les industries aux coûts induits par leur activité, etc. »
Et « par souci de justice et de prévention, Addictions France propose l’instauration d’une taxe sur la publicité pour l’alcool et les jeux d’argent et de hasard. Fondée sur un mécanisme de pollueur-payeur, cette mesure permettrait de faire en sorte que les industries concernées participent aux coûts sociaux induits par leurs activités. »