lors que les chiffres concernant l’évolution de la consommation de boissons alcoolisées démontrent une baisse historique et durable en France, des voix s’élèvent toujours pour demander au gouvernement de soutenir le Dry January ou Défi de Janvier, c’est-à-dire que l’État soutienne une politique visant à promouvoir à l’abstinence.
Le constat est connu : en soixante ans, la consommation de vin des Français a diminué de 70 %. Les Français boivent moins de dix verres par semaine pour 90 % d’entre eux. Les indicateurs du binge drinking chez les jeunes de 17 ans sont en repli depuis 10 ans (-40 % pour les Alcoolisations Ponctuelles Importantes répétées, -31 % pour les API récentes). On ne peut que se réjouir du fait que la modération se soit imposée comme le modèle de consommation désormais ultra-dominant en France.


La filière vin a mené des efforts considérables pour s’adapter à cette nouvelle donne. Elle vient d’annoncer le lancement d’un vaste plan stratégique de transformation, pour poursuivre d’une part les efforts d’adaptation de son potentiel de production à la réalité du marché, pour enclencher d’autre part une nouvelle dynamique collective s’appuyant sur un plan de reconquête tous azimuts. Reconquête des consommateurs, en particulier parmi les nouvelles générations amatrices de bière, reconquête des marchés étrangers en musclant sa stratégie et ses outils à l’export, reconquête de l’image en développant l’œnotourisme et en apportant une réponse concrète aux grands enjeux écologiques et sociétaux d’aujourd’hui.
La filière se mobilise pour préserver l’avenir du vin et l’inscrire dans son époque. Elle évolue pour accompagner les évolutions de la société française, en particulier l’essor bienvenu de la consommation responsable. Les Français attachés à leur patrimoine culturel et gastronomique sont en droit d’être fiers du travail engagé par ces 500 000 professionnels passionnés pour que le vin entre de plain-pied dans le 21ème siècle.
Mais si la filière vin adopte à la modération, chacun comprendra qu’il lui est difficile de s’adapter à l’abstinence…
Entendons-nous bien : le choix de ne pas boire d’alcool est parfaitement respectable, et personne ne devrait avoir à se justifier face à d’éventuelles incitations sociales. Les consommateurs modérés pourraient même avoir intérêt à « tester » leur relation à l’alcool en s’abstenant régulièrement.


Mais, sous les louables intentions affichées d’inciter chacun à interroger sa relation à l’alcool, les promoteurs du Dry January poursuivent un autre but : convertir les consommateurs d’alcool à l’abstinence. Ils s’en défendent vigoureusement, et leurs hauts cris convainquent sans peine les médias qui relaient consciencieusement leurs éléments de langage.
On notera au passage que les consommateurs les plus faciles à convaincre d’adopter le Dry January sont les consommateurs modérés, occasionnels, pour lesquels les boissons alcoolisées ont une place minime dans la vie sociale et qui ont le moins à anticiper d’éventuelles conséquences négatives de leur consommation sur leur santé.
Une fois de plus les consommateurs excessifs, à fortiori dépendants, sont les laissés pour compte de la stratégie de « dénormalisation » de l’alcool poursuivie par les collectifs d’addictologues à la barre du Dry January.


Adoptant leur posture de prédilection, ces mêmes collectifs crient au scandale : soumis au « puissant lobby du vin », les pouvoirs publics refusent de s’associer à leur campagne du Défi de janvier, en clair de la financer, alors même que ces mêmes collectifs vivent déjà largement de subventions publiques, tandis que l’Etat consacre 12 millions d'euros chaque année au Mois sans tabac ! Outre le fait qu’aucun Etat au monde ne fasse la promotion officielle des opérations Dry January ou équivalentes, le gouvernement français fait le choix de la cohérence. A rebours du « en même temps » il se refuse à, d’un côté, contribuer à la restructuration de la filière vin et la préservation de l’activité économique de régions entières, et de l’autre, à promouvoir l’abstinence.
Quant au tabac, l’objectif des pouvoirs publics, légitime, est celui de l’éradication. Encourager l’abstinence en la matière relève du bon sens. Le bon sens amène aussi à comprendre que le parallèle établi en permanence entre Mois sans tabac et Dry January par les associations n’est pas fortuit, confirmant s’il en était besoin la véritable finalité de l’opération…
Les activistes et les associations d’addictologues honnissent le mot modération, qui serait incitatif à leurs yeux (incitatif à quoi, on se le demande… sans doute à la modération).


Les professionnels de la vigne et du vin sont quant à eux engagés sur la voie de la modération, dont ils assument le nom et la mise en œuvre. La modération qu’ils encouragent, accompagnent et promeuvent tout au long de l’année, janvier compris. La modération qui constitue aujourd’hui le modèle de consommation dominant des Français. La modération qui permet de concilier plaisir, convivialité et risques minimisés pour la santé. La modération qui seule permettra à notre pays de préserver ses paysages, ses terroirs, sa culture, son patrimoine ainsi que son rayonnement gastronomique et culturel.
Alors, qui veut la peau de la modération ? Qui veut la peau de la filière vin ?