isant depuis des mois la mi-octobre, la filière vin a tenu son objectif : la téléprocédure pour demander « l’aide à la réduction définitive du potentiel viticole » ouvre ce mardi 15 octobre à midi sur le site de FranceAgriMer (voir encadré pour le détail des conditions d'accès). Après un an de négociations et tergiversations, cette annonce est un soulagement doux-amer pour la filière. « L’arrachage définitif est un crève-cœur, qui me fait la boule au ventre » confie Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, dans un entretien à paraître sur Vitisphere.
L’enjeu pour la filière est désormais de savoir si l’enveloppe de 120 millions d’euros suffira à répondre aux demandes. Le sondage réalisé cette année n'ayant pas permis de lever l'incertitude, surtout après une vendange 2024 où les coûts de production ont explosé face à la pression climatique (notamment le mildiou), les rendements ont chuté (au niveau historiquement bas du gel de 2021) et que les marchés du vin restent incertains (en demande et en valorisation). Pouvant être augmentés de 20 % si la France en fait la demande à l’Union Européenne, ses fonds permettent d’assurer l’arrachage de 30 000 hectares en France. Sachant que l’aide à 4 000 €/ha n’est ouverte qu’à partir d’une demande de 1 000 € (soit un plancher à 25 ares) et ne peut dépasser 280 000 € (70 ha).
Si le total des surfaces à arracher dépasse l’enveloppe allouée, un coefficient stabilisateur serait mis en place pour les domaines n’arrachant qu’une partie de leurs surfaces en production et présentes sur le CVI (les friches et plantations illégales sont exclues), le dispositif donnant la priorité aux viticulteurs arrachant la totalité de leurs vignes (qui ne seront pas soumis à un coefficient stabilisateur, si les demandes d’arrachage total ne dépassent pas l’enveloppe de 120 millions € : dans le cas contraire, un coefficient stabilisateur sera calculé pour les seuls vignerons souhaitant sortir du métier, en excluant les viticulteurs voulant arracher seulement une part de leurs vignobles). Dans la filière, on entend déjà la demande que toutes vignes demandant l’arrachage puissent l’être, pour donner toute son efficacité au dispositif de réduction du potentiel de production viticole français (792 000 ha en 2023). Autre élément crucial pour la filière vin, obtenir le dispositif de restructuration temporaire demandé depuis des années.


« Je ne lâcherai pas l’arrachage temporaire » martèle Jérôme Despey, qui indique que « l’arrachage temporaire pourra être accompagné par notre Organisation Commune de Marché (OCM) dès que le Groupe à Haut Niveau l’aura acté » à Bruxelles, avec des conclusions attendues en décembre. « Pour le négoce, l’arrachage temporaire est une segmentation du marché, pour que les produits collent aux attentes et à la demande » confirme le nouveau co-président du conseil spécialisé vin, Camille Masson, dans un interview à paraître sur Vitisphere. Pour le président de l’Union des Maisons du Val de Loire (UMVL), « c’est recapitaliser le vignoble, ne pas diminuer la superficie du vignoble, maintenir les autorisations de plantation et surtout, s’adapter au marché. L’Union des Maison du Vin (UMVIN) par la voix de son président Michel Chapoutier est raccord avec toutes les mesures économiques de nature à redynamiser la filière, pour peu qu'on ait un tableau de bord de traçabilité des mesures à l'image de l'obligatoire traçabilité dans les chais... »
Soutien ministériel
Ce dimanche 13 octobre à Dijon, en marge de la conférence ministérielle pour les 100 ans de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, déclarait que « la filière souhaite répondre conjoncturellement et structurellement en imaginant différentes temporalités et réponses ». Estimant que 100 000 hectares sont excédentaires depuis plusieurs années (comme le répète la filière), la ministre notait que les 30 000 ha concernés par le volet définitif représentent « moins de 4 % du vignoble français » alors qu’il reste désormais à « convaincre la direction générale de la Concurrence de l’Union Européenne de permettre un arrachage temporaire ».
Assurant la « prise en charge partielle et forfaitaire de la perte économique induite par la réduction du potentiel viticole de l’exploitation » de 4 000 €/ha, la décision n°2024-92 publiée ce 9 octobre par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer détaille les conditions à remplir pour réaliser en ligne sa future demande d’aide sur la plateforme dédiée. Pourra être éligible tout « exploitant viticole, groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), ou autre personne morale exerçant une activité viticole, inscrits au casier viticole informatisé (CVI) » avec « un numéro SIRET actif à la date du dépôt de la demande d’aide et au jour du paiement ». Seront inéligibles « les personnes, entités ou organismes spécifiquement » visés par des sanctions européennes suite à l’invasion russe de l’Ukraine, ainsi que les entreprises « en liquidation judiciaire ou amiable au moment du dépôt de la demande d’aide ». Ne seront pas pris en charge les arrachages de vignes en friche ou plantées illégalement, comme « le demandeur déclare la surface viticole en production » et que sont excluent « les surfaces en vigne dont l’arrachage ne génère pas d’autorisations de replantation ».
Contrôles et sanctions
Devant être notifiées par FranceAgriMer avant le 31 décembre 2024, les aides ouvrent l’obligation pour les demandeurs de tenir leurs engagements d’arrachage, réalisés avant le 2 juin 2025 qui est la date butoir de déclaration sur le téléservice Parcel. Contrôlées par l’administrations, les opérations d’arrachage feront l’objet de vérifications documentaires et sur place. « Si une anomalie est relevée avant paiement, l’aide sollicitée est réduite à concurrence du montant indu. En cas d’anomalie détectée après paiement, il est demandé au bénéficiaire le reversement de l’aide attribuée à concurrence du montant indu » annonce FranceAgriMer.
En cas de sous-réalisation à 80 % de l’arrachage par rapport aux engagements, le vigneron demandeur « est exclu de l’accès à l’aide à la restructuration du vignoble pour les six prochaines campagnes viticoles à compter de 2025/2026, perd le bénéfice de la totalité de l’aide qui lui avait été octroyée et ne reçoit par conséquent aucun paiement au titre du présent dispositif » annonce l’administration, « sauf cas de force majeure dument justifié ». Et « en cas de fourniture intentionnelle de données fausses ou de documents falsifiés avant ou après paiement, une sanction administrative de 20 % est appliquée au montant demandé », avec la possibilité d’amendes douanières (plafonnées à 1 000 €/ha).
Abandon des autorisations de plantations
Conséquence de ces aides à l’arrachage, « l’impossibilité d’obtenir des autorisations de replantation correspondantes aux surfaces en vignes arrachées, par l’abandon des autorisations de plantations nouvelles non utilisées détenues en portefeuille et arrivant à échéance en 2024 ou 2025, et par la renonciation à la possibilité d’obtenir des autorisations de plantations nouvelles pour les six prochaines campagnes viticoles à compter de 2024/25 » pose également FranceAgriMer.