es vendanges 2024 n’affichent pas de bons rendements dans le vignoble, mais elles permettent au moins de récolter une nouvelle ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, que la filière vin espère rapidement mûre pour répondre à ses multiples défis conjoncturels et structurels. « L'inquiétude domine. Les attentes sont immenses, je le sais. L'impatience est grande depuis des mois. Je veux et je dois avancer vite [...] le calendrier électoral a trop pesé sur le monde agricole » déclare la ministre lors de sa prise de fonction ce lundi 23 septembre. « Nous avons le besoin immédiat de compter sur une ministre en mode commando, sans temps mort » pose Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui pointe que « la situation déjà très compliquée c’est largement aggravée ces derniers mois. Les entreprises fragilisées seront dans une situation encore plus compliquée au lendemain des vendanges dans la quasi-totalité des vignobles. »
Saluant le travail du précédent ministre, Marc Fesneau, et de son cabinet, qui viennent d’aboutir à la notification auprès de la Commission Européenne d’une demande d’arrachage définitif de 30 000 hectares de vignes à 4 000 €/ha (pour une enveloppe de 120 millions d’euros, pouvant être montée à 150 millions €, soit 37 500 ha), Jean-Marie Fabre appelle à concrétiser « le plus rapidement possible » le dispositif de réduction du potentiel viticole : « il faut une mise en œuvre de l’arrachage dès le feu vert de la Commission. Et il faut répondre positivement à toutes les demandes, sans réfaction de surface, ni priorisation des candidatures. C’est une mesure choc : ce plan de destruction ne sera efficace que s’il est rapide et permet d’arracher tout ce qui est demandé. » Concrètement, si les 150 millions € prévus ne suffisent pas à répondre à la demande, « il faudra que la ministre aille chercher d’autres fonds pour abonder la totalité des surfaces engagées. Sinon, cela mettra à mal l’efficacité des 150 millions € déployés. »


Estimant que la surface de 15 400 ha potentiellement intéressés par l’arrachage définitif, d’après le récent sondage de FranceAgriMer, sera dépassée à l’heure des candidatures au dispositif, Jean-Marie Fabre souligne que personne ne sait si une enveloppe calibrée pour 37 500 ha suffira : « pour ne pas faire baisser l’efficacité des 150 millions €, il faudra arracher vite toutes les vignes qui le demandent. Que l’on en ait moins de 37 500 ha ou plus de 50 000 ha. Il le faut pour avoir l’effet le plus fort, le plus efficace et le plus rapide possible » sur une filière dont les marchés sont atones (déconsommation, inflation…), les coûts de production restent haut (et ne retombent pas suffisamment) et les rendements sont amputés par les aléas climatiques (de manière répétée ces dernières années). « Le fatalisme n'est ni mon tempérament ni mon engagement politique. Le déclinisme, la décroissance, le renoncement, c'est le contraire de ce que je suis. Je ne renonce jamais quand il s'agit de l'intérêt général » promet Annie Genevard lors de son discours de prise de fonction.
Parmi les autres premiers messages que le vigneron de Fitou (Aude) fait passer à la députée du Doubs, il y a plus globalement le besoin d’un « électrochoc vital pour la filière d’ici la mi-octobre ». Si le CV de la nouvelle ministre est encore peu viticole*, Jean-Marie Fabre est confiant dans la possibilité d’avoir des décisions rapides : « l’action d’un ministre porte avant tout sur l’orientation politique, ses équipes étant en appui derrière sur la technicité. Ce qui me rassure dans le profil de notre ministre, c’est qu’elle est issue d’un département rural, elle a les pieds dans la terre. » Parmi les autres mesures d’urgence : « la consolidation de la dette bancaire [des entreprises] aux taux les plus bas possibles, afin d’offrir durablement une capacité de rebond aux entreprises en étalant les encours. Il faut que la ministre se saisisse du sujet avec un tour de table des banques, des caves coopératives et des vignerons indépendants. Nos entreprises sont asphyxiées » explique le président des caves particulières.
Autres mesures cruciales pour lui, le déploiement rapide d’un plan de prévention des aléas climatiques et la relance des projets législatifs en suspens (loi d’orientation d’avenir, volet foncier du budget 2025, réglementation phytos sur les ZNT et les friches…). Sur tous ces volets, « il faut des réponses fortes et massives » martèle Jean-Marie Fabre. Annonçant rencontrer dans un premier temps les syndicats agricoles et organisations professionnelles, la nouvelle ministre indique qu'elle ira également sur le terrain avant de faire des annonces : « je veux écouter, voir, faire le point, avant de parler et surtout d'agir, parce que le premier ministre [Michel Barnier] l'a dit, parler ce n'est pas agir. Et notre mission dans ce gouvernement est d'agir vite quand l'urgence commande et d'agir juste. »
* : Etant marqué par son ancrage dans le Haut-Doubs et ses élevages de montagne (saucisse de Morteau, fromages de Comté, Morbier, Mont d'Or, bleu de Gex...).