ros mot et grands maux. Rappelant des heures sombres, de disette et de mal être, l’arrachage est ressorti dans le vignoble charentais à l’occasion de récents débats accueillis par l’Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC) comme le rapporte la Charente Libre. « Que des personnes pensent qu’il faudra peut-être arracher un jour : c’est leur avis » réagit Florent Morillon, le président du Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC), qui veut rester factuel : « il n’y a pas aujourd’hui de mesure sur le sujet ou de décision sur le sujet » dans les instances charentaises, affirmant clairement : « aujourd’hui, il n’y strictement rien sur le sujet de l’arrachage » primé à Cognac. Regrettant que ce mot épouvantail d’arrachage définitif s’invite aussi fortement dans une situation déjà anxiogène, entre mollesse du marché américain (soumis à un risque de retour des taxes Trump) et atonie de la demande chinoise (où la menace de mesures antidumpings reste en suspens), Florent Morillon appelle toujours à anticiper, pas à paniquer.
« Au regard du contexte qui touche toute la filière viticole, nous étudions une boîte à outil qui pourrait être déployée si nécessaire. Il y a aujourd’hui des réflexions sur l’ensemble des dispositifs qui pourraient être mis en œuvre si la situation devait durer » indique le président du BNIC, répétant que sur l’arrachage « il n’y strictement aucun plan en la matière ». Appelant à anticiper toutes les possibilités d’avenir sans être tétanisé face aux opportunités présentes, Florent Morillon note que dans « la liste de toutes les mesures d’action contre une situation se dégradant, liste identique qui existe dans toutes les régions viticoles, bien sûr que l’arrachage vient parmi d’autres [outils], mais ce n’est pas à l’ordre du jour. L’arrachage est un dispositif de dernier ressort, après d’autres mesures. On n’en est pas rendu là et j’espère que l’on n’en arrivera pas là. »


Président de l’UGVC, Anthony Brun note qu’entre plantes pérennes et produit demandant du stockage, le pilotage par les rendements et la réserve climatique peut atteindre ses limites en cas de difficultés commerciales s’inscrivant le temps. « Il faut travailler sur des solutions. Il y a un travail mené pour les débouchés sur les jus de raisins industriels (comme l’an dernier), pour une filière des vins de base mousseux (dont la production en Espagne est remise en cause par le changement climatique) » note le viticulteur, pointant également « des discussions nationales et européennes sur la prolongation de la durée de vie des autorisations de plantation [qui serait] certainement un moyen de sortir un peu de potentiel de production en attendant que les marchés reprennent » avec un outil retardant l’entrée en production de certaines vignes. Car « il faut être vigilants et prudents. Il faut regarder dès aujourd’hui comment adapter notre vignoble aux besoins objectivement revus à la baisse. Le portefeuille du consommateur a diminué avec une crise de pouvoir d’achat qui implique une crise de consommation qu’il faut anticiper pour éviter tout risque de surproduction » développe le président de l’UGVC.
Autre outil à l’étude dans cette boîte à outils : « l’arrachage temporaire. On ne parle pas de dispositif permanent, ni de levier subventionné » (comme ailleurs dans le vignoble français) esquisse Anthony Brun, qui précise que ces réflexions ont été ouvertes à l’occasion de la décision interprofessionnelle sur les rendements 2024. Ayant des questions et pas toutes les réponses, la filière charentaise travaille sur un outil qui lui serait propre. « Dans cette logique de boîte à outil, les réflexions portent sur de l’arrachage peut-être, mais seulement temporaire pour adapter notre potentiel de production le temps que les marchés repartent » confirme Raphaël Delpech, le directeur du BNIC, qui évoque une « vraie volonté ici d’aller vers un dispositif souple, réactif et temporaire ne faisant potentiellement appel qu’aux moyens internes à la filière. Il n’y aurait pas forcément besoin de gros dispositifs de financement. »


Si les discussions sur cet arrachage temporaire spécifique à Cognac semblent au stade de balbutiements, Anthony Brun souhaite que dès janvier 2025 la boîte à outils soit finalisée pour « que chacun sache ce qu’il peut faire au moment de la taille » avec « un outil d’adaptation individuel développé collectivement » sans qu’il y ait possibilité de détournement de ces dispositifs « par de petits malins » (comme les vautours à l'époque). Si la prochaine période s’annonce commercialement compliquée, ou en tout cas très incertaine, la filière charentaise affirme son credo : les ventes reprendront sur le long terme. « Les perspectives de croissance des spiritueux sont là, il n’y a aucune raison que Cognac n’en bénéficie pas et il faudra alors être capable d’y répondre » pointe Anthony Brun. Qui note que si les vignerons ne pourront jamais avoir la flexibilité d’un céréalier, pouvant changer d’une année sur l’autre sa production, il faut créer des outils d’adaptation rapide pour que les viticulteurs ne soient plus aussi coincés. Bien que le président de l’UGVC pondère les difficultés charentaises actuelles face à celles d’autres vignobles (notamment de vins rouges : Bordeaux, Languedoc, Vallée du Rhône…).
Réfutant également l’idée d’une crise spécifique à Cognac, Florent Morillon souligne que les difficultés actuelles ne sont « pas la faute des plantations nouvelles. Quand on regarde les autres régions viticoles en France, elles n’ont pas planté et se retrouvent dans des situations bien pire. Et les plantations nouvelles mettant 7 ans à produire du VS, les eaux-de-vie rentrant potentiellement sur les marchés actuels viennent des plantations de 2016-2017. Cela fait 1 500 sur 88 000 ha. Ne faisons pas de raccourci simpliste sur la réalité. Il n’y a pas de lien direct entre les plantations nouvelles et un arrachage. Pas de polémique, c’est mathématique. »