n an après sa validation par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), le Dispositif d'Évaluation des Innovations (DEI) permettant l’expérimentation de techniques innovantes dans le cadre AOC (dans le cadre d’une convention et dans la limite de 10 % des volumes*) se concrétise avec de premiers projets déposés et validés. Réuni ce mardi 25 juin, le Comité national des Appellations d’origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses (CNAOV) a validé des expérimentations de « bâchage au sol en Alsace et d’élargissement de l’expérimentation actuelle à Cognac d’utilisation de procédés de vapeur pour la chauffe » rapporte son président, Christian Paly, pointant que ces validations demandent maintenant aux Organismes de Défense et de Gestion (ODG) de demander l’intégration de ces mesures dans leurs cahiers des charges (ce qui passe par un décret modifiant l’AOC).
Les services de l’INAO précisent à Vitisphere que pour l’essai alsacien « le comité national a renvoyé vers l’ODG plusieurs questions sur ses demandes d’évaluation du bâchage du sol. Il s’agit de questions ayant trait à l’organisation de l’évaluation, aux pratiques évaluées et au protocole d’évaluation ». L’institut ajoute pour la distillation charentaise que le « comité national a pris connaissance des résultats de l’expérimentation du chauffage du vin par un échangeur externe "vapeur". Il a approuvé le bilan qu’en a tiré la Commission Scientifique et Technique (CST) et a demandé au groupe de travail "évaluation des innovations" d’examiner l’évaluation (DEI) qui va suivre cette expérimentation. Il s’agit notamment d’étudier dans la diversité des situations de l’appellation les gains en termes d’énergie et d’émission de Gaz à Effet de Serre (GES) et la capacité de la filière à déployer ce type de matériels. »


Pour le président de l’Association des Viticulteurs d’Alsace, Gilles Ehrhart, ces avancées vont permettre à aux appellations de prendre le virage agroécologique : « le bâchage au sol permettrait de ne pas utiliser des herbicides » résume-t-il. La couverture de l’inter-rang pourrait résoudre les difficultés de travail des sols aux forts dévers, de réduire l’érosion des parcelles en pente, de s’adapter à la proximité de riverains, de faciliter l’entretien des parcelles étroites… Le tout avec la « volonté d’avoir l’impact le plus faible possible sur l’environnement » pointe Raymond Lassablière, le responsable technique de l’AVA, qui note que ce bâchage sera encadré dans ses matériaux. Avec l’« interdiction des bâchages imperméables pour permettre les échanges gazeux et hydriques » ainsi que « l’interdiction des polymères issus de la pétrochimie » indique la rédaction proposée par l’AVA.
L’ODG étudie actuellement les bâchages biosourcés envisageables : du paillage végétal (lin) à celui animal (laine de mouton) en passant par des bâchages issus de maïs (ayant l’apparence de plastique et ayant déjà été mis à l'epreuve du vignoble alsacien par l'INRAe). Les tests devant porter sur l’impact du bâchage sur les adventices, la dégradabilité de la couverture, le coût économique du dispositif, l’impact du passage des tracteurs, la modification de l’hygrométrie, l’effet sur la typicité… Il faut désormais tester et mesurer pour avoir les données souhaitées avant d’envisager un abandon de l’essai ou son inscription définitive au cahier des charges.
Mais si l’INAO veut faciliter et accélérer l’expérimentation à grande échelle en AOC, l’impatience dans le vignoble reste forte. Actuellement interdit dans le cahier des charges des appellations alsaciennes, ce bâchage pourrait être réautorisé dès février prochain si le calendrier souhaité par la filière est tenu. « Il faut aller vite. On pensait déjà mettre en place l’essai en février 2024, le dossier ayant été déposé en juillet 2023 » rapporte Raymond Lassablière. L’AVA doit réunir dans le mois son bureau, son conseil d’administration et son assemblée générale pour adapter sa demande et adopter une modification du cahier des charges indique Gilles Ehrhart, pour qui « il faut essayer. Expérimentons. Nous ne fermons la porte à rien. Le monde change, la viticulture se doit aussi d’évoluer. » Ces essais en DEI étant « plus confort pour nos vignerons en ne perdant pas l’AOC. Nous avons la particularité en Alsace que tout soit en appellation, il n’y pas d’IGP et quasiment pas de vin de France (VSIG) » pointe le viticulteur de Wettolsheim (Haut-Rhin).
Envisageant un procédé autre que le seul feu nu actuellement autorisé en AOC Cognac, les essais charentais sur le verdissement de la chauffe sont notamment menées par Martell depuis plusieurs années, avec une boucle vapeur externe permettant de réduire de 85 % les émissions de GES, sachant que la distillation représente 21 % des émissions de CO2éq de la filière Cognac, dont 83 % sont liés à la consommation d'énergie (les brûleurs des 3 000 alambics du vignoble fonctionnant au gaz naturel ou au propane).
* : La directive INAO du 29 juin 2023 affiche l’objectif de « donner les moyens de tester les innovations tout en permettant aux produits issus de ces expérimentations de prétendre au bénéfice de l’AOP/AOC » avec « au maximum 10% des volumes des produits bénéficiant de l’AOP/AOC en DEI » avec la mise en place d’un « protocole pour suivre les innovations ». Sachant que « cette convention prévoit également que l’opérateur accepte de se soumettre aux décisions des instances de l’INAO à l’issue de la période d’évaluation. Ainsi le viticulteur si un retour à la condition initiale est décidé par le Comité National devra, soit faire évoluer ses pratiques ou son outil de production, soit ne plus revendiquer le bénéfice de l’AOC » indique l’administration.