n 5 ans, la Maison Martell a bien avancé sur la décarbonisation de la distillation, une opération représentant à elle seule 21 % des émissions de CO2éq de la filière Cognac, dont 83 % sont liés à la consommation d'énergie (les brûleurs des 3 000 alambics du vignoble fonctionnant au gaz naturel ou au propane).
Après avoir répondu en 2019 à l’appel à projet “distillation durable” du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), elle a, avec d’autres opérateurs, développé un procédé consistant en l’installation d’une boucle de chauffe externe placée à l’extérieur de l’alambic, qui ne nécessite pas le remplacement du matériel existant et serait donc facilement adoptable par l’ensemble des bouilleurs de cru de la région.
Cette expérimentation est suivie par des experts désignés par le BNIC et l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO). A ce jour, ceux-ci n’ont pas constaté de changements dans les qualités organoleptiques des eaux de vie. « Si durant l’année à venir la position de ces experts reste positive, une modification du cahier des charges pourra alors être proposée pour introduire ce mode alternatif de chauffe qui permet de réduire de 70 % les émissions de gaz à effet de serre » anticipe Christophe Valtaud, maître de chai de la maison Martell, dans un communiqué.
Pour aller plus loin, la maison de Cognac s’est aussi associée avec le groupe Chalvignac pour créer un système de récupération et de valorisation de l’énergie disponible au niveau de l’organe réfrigérant des alambics charentais.
Les entreprises ont scindé en deux parties cet organe réfrigérant pour pouvoir séparer les deux étapes de condensation et de refroidissement des vapeurs d’alcool jusqu’à moins de 20°C, sans modifier le serpentin et la circulation de l’eau-de-vie.
« Lors de la condensation, les vapeurs d’alcool entrainent une forte augmentation de la température de l’eau du réfrigérant. Ce flux thermique est capté puis réinjecté au niveau de la boucle de chauffe externe » décrit Christophe Valtaud, rappelant que cette énergie est habituellement perdue dans un alambic classique.
Ici, les eaux chaudes sont isolées et mises en circuit fermé. Une pompe à chaleur amplifie l’énergie récoltée, ensuite utilisée pour alimenter le système de chauffe alternative. « Ainsi dès que le distillat est porté à ébullition et génère des vapeurs d’alcool, l’alambic réduit significativement ses besoins en énergie primaire ».
En test depuis deux ans au sein des distilleries Martell, cette innovation permet une diminution de plus de 85 % des émissions de gaz à effet de serre, mais surtout une réduction des consommations énergétiques de plus de 50 %.
Le dispositif permet également de réduire de l’ordre de 10 % les consommations en eaux nécessaires à la distillation. Il est a priori applicable à toutes les distilleries de l’AOC disposant d’alambics de 20 hl, « une taille tout à fait représentative des principales installations utilisées dans le vignoble de Cognac », selon le maître de chai.