Le contexte de consommation depuis longtemps favorable aux bulles persiste. C’est une tendance de fond en France comme à l’étranger. » Christophe Botté, directeur du groupe Alliance Alsace, n’a aucun mal à étayer son affirmation à l’aide de chiffres. « Nos ventes sont passées de 2 millions de bouteilles en 2022 à 2,5 millions en 2023. Nous atteindrons sans problème les 3 millions en 2024 avec dix références. Le consommateur recherche de la fraîcheur, de l’élégance. Nos pinots répondent à ces critères. » En métropole, le marché est tiré par la grande distribution, l’événementiel. « Seuls les cavistes suivent un peu moins, note le dirigeant, car avec un crémant, ils font une marge inférieure à celle d’un vin tranquille. »
Dans le Bordelais, à Génissac, la cave Louis Vallon a du mal à suivre la demande. « Nos ventes de crémants ont quadruplé en quatre ans, témoigne Dominique Furlan, son président. L’essentiel de nos investissements leur profite depuis 2016, le dernier ayant permis de hausser la cadence d’embouteillage à 4 millions de bouteilles. En 2023, nous avons vinifié 70 000 hl, dont 45 000 de vin de base. Ce succès s’explique partout par le bon rapport qualité-prix. Notre blanc de noirs, assemblage de merlot et de cabernet franc à 11 €, est celui qui marche le mieux. » Le (petit) revers de la médaille, c’est que l’effervescent mobilise de la surface et beaucoup de trésorerie. Mais « la valorisation supplémentaire procurée sauve nos 130 adhérents ! »
« La double casquette crémant et Bourgogne, ajoutée à la réputation des vins bourguignons, aide beaucoup », estime Agnès Vitteaut, de la maison Vitteaut-Alberti, dont la gamme de huit références est tarifée entre 11,40 € et 23,50 €. Les ventes de ce producteur-négociant de Rully, en Saône-et-Loire, progressent de 5 à 6 % par an. En 2023, il a encore décroché un important marché en Corée du Sud. Sur 500 000 cols vendus à l’année, il en exporte 35 %, et jusqu’aux Bermudes. « Le crémant est rentré dans un mode de consommation détendu, poursuit Agnès Vitteaut. Nous montons en gamme avec des cuvées spéciales. L’œnotourisme permet de développer la clientèle particulière, mais c’est très chronophage. » Le potentiel de production supplémentaire étant limité à 100 000 bouteilles, le producteur-négociant met donc davantage l’accent sur la valorisation.
Rémi Marlin, président du directoire de la Compagnie de Burgondie (14 millions de cols, dont 3 millions de crémant) ne dit pas autre chose. « Nous sommes arrivés à un palier. Il y a des arbitrages stratégiques à rendre entre l’offre d’effervescents, les attentes du marché et les appellations de vins tranquilles. L’offre crémant devrait se stabiliser. »
À Bergholtz, dans le Haut-Rhin, le domaine en biodynamie Eugène Meyer est passé de 12 à 17 ha en ciblant des surfaces plantées en pinots et – avec de la chance – en chardonnay. « Le crémant pèse 40 % de nos ventes, soit 45 000 bouteilles, explique François Meyer. L’export vers l’Allemagne et la Suisse marche fort. Nos six références de 11 à 18 € prennent pied en Italie. Je privilégie un vieillissement de deux ans sur lattes, et la production doit suivre. » Le domaine va étoffer sa gamme avec un crémant 100 % pinot blanc et vise les 50 000 bouteilles. « Il va falloir investir dans du bâtiment. »
Les ventes de crémants de France cumulent trois années consécutives de hausse. En 2023, elles progressent de 6 millions de bouteilles (+ 5,7 %), pour dépasser les 108 millions de cols, dont 39,4 millions pour l’Alsace et 26,7 millions pour la Loire. L’export représente 40 % du volume. D’après la Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de crémants, il s’agit « d’une dynamique à long terme », que le potentiel de production de 137 millions de cols issu de la récolte de 2023 devrait entretenir.