Si la récolte est bonne, la production de nos crémants Louis Vallon pourrait atteindre 4 millions de cols en 2024 contre 2,5 millions de cols commercialisés cette année » : Philippe Cazaux, directeur de l’union coopérative Bordeaux Families (300 adhérents pour 5 000 ha de vignes dans L’Entre-Deux-Mers) à Sauveterre-de-Guyenne, premier producteur de vins et Crémants de Bordeaux, n’est pas mécontent. L’engouement pour le crémant est bien là.
Pour preuve, ce 16 novembre, le nouveau site de production des crémants Louis Vallon à Sauveterre-de-Guyenne, était inauguré. On est loin des années 1995, lorsque la cave Louis vallon implantée à Castillon prenait le virage du crémant. Le site produisait à peine 25 000 cols et vivotait. Avec le regroupement des Caves Louis Vallon et Sauveterre-Blasimon-Espiet, en 2018, devenue Bordeaux Families, le crémant se retrouve dans le portefeuille de cette union de caves. Pas simple. « Quand on le faisait goûter, on ne sentait pas un réel engouement » confie Philippe Cazaux.
Le cap est mis : il s’agit de passer d’une culture du vin tranquille à celui de l’effervescent. Des efforts sont menés et des choix sont faits autour notamment de la prise de mousse, de l’élaboration des liqueurs. Reste qu’il n’est pas aisé d’intéresser le négoce qui tord le nez. Alors Bordeaux Families qui se retrouve avec beaucoup de stock sur les bras, crée sa propre structure commerciale et part prospecter les marchés export. Le Japon est gourmand de bulles, tout comme le nord de l’Europe. En France, la grande distribution découvre le produit. En 2016, le site de Louis Vallon qui produit 400 000 cols n’est dimensionné que pour 800 000 cols et peine à suivre ce marché en pleine évolution. L’engouement pour les bulles s’amorce. Il faut trouver un autre site.
En 2019, l’union coopérative fait l’acquisition d’un bâtiment de 11 000 mètres carrés à Sauveterre-de-Guyenne que détenait un négociant en vin. Des réaménagements sont engagés. Il faut redéfinir les zones, les sols capables de supporter des stocks de cinq ou six hauteurs, refaire l’isolation des bâtiments. Pour la prise de mousse, la température ne doit pas excéder 14 degrés et pour l’élevage pas plus de 20 degrés. Quant à la phase de fermentation, attention aux mouvements d’air. La bonne température se situant entre 12 et 14 degrés. Des équipements sont acquis : palettisation automatique, robots qui positionnent dans des box métalliques les bouteilles couchées pour réaliser la prise de mousse. Puis les transfèrent dans des caisses gyro pour que les bouteilles se retrouvent tête en bas, sur pointe, afin que le dépôt, formé exclusivement de levures naturelles, s’accumule dans le col en attendant l’heure du dégorgement.
Au global c’est un investissement de 2 millions d’euros qui aura été consacré à cette nouvelle unité. Début 2024, 400 000 € seront dédiés à l’acquisition d’une nouvelle poseuse de coiffe. « Avec cette nouvelle unité nous pouvons produire 4 millions de cols » annonce Philippe Cazaux.
L’engouement pour ce créneau porteur ne risque-t-il pas de retomber à terme comme un soufflet, entrainant des déconvenues ? « Un crémant est disponible dix huit mois après la récolte. Il demande une capacité financière à porter les stocks et des investissements importants » répond -il. En France, outre la grande distribution, c’est le CHR qui est visé. L’équipe commerciale devra déployer son argumentaire notamment auprès des cavistes qui ne connaissent pas le crémant de Bordeaux, et expliquer que si les crémants ont la même méthode d’élaboration, ils ont un goût différent selon les cépages.
Les ambitions de Bordeaux Families ne s’arrêtent pas là. Confrontée à la difficulté de vendre les rouges notamment, le mot d’ordre est la diversification : « Nous devons nous adapter sans cesse aux nouvelles tendances de marché, élargir notre portefeuille de produits aux changements de consommation » répète Philippe Cazaux. Le 11 janvier prochain, Bordeaux Families procédera à l’inauguration de son unité de désalcoolisation, implantée elle aussi, à Sauveterre-de-Guyenne, qui produira des vins dans les quatre couleurs et des effervescents entre zéro et 12 degrés. Une unité opérationnelle depuis quinze jours.