ors des vendanges de ce millésime 2023 en Languedoc, l’enthousiasme est resté bien relatif. Entre attaques de mildiou ou sécheresse, les volumes récoltés cette année se confirment bien en retrait des 12,6 millions hl du bassin Languedoc-Roussillon en 2022. « J’imagine même que nous nous situerons certainement autour de 10,5 millions hl », pronostiquait fin septembre le président de la Chambre d’agriculture d’Occitanie Denis Carretier, assez proche donc des 10,7 Mhl de l’estimation du 1er octobre de l’Agreste.
A l’heure d’un marché atone et de distillation de crise, cette récolte moindre apparaît donc presque comme « un mal pour un bien » pour le président des courtiers du Languedoc-Roussillon Louis Servat. Sorties de vins en retrait, retiraisons lentes, renouvellement de réservations aléatoires, ou a minima, ainsi que stocks de vins croissants caractérisent un marché « dont le pouls est au plus bas, voire inexistant », ose même le courtier. Hormis les marchés récurrents, les réservations apparaissent en berne et inquiètent les caves, avec des prix peu encourageants, qui réveillent progressivement la colère d’une partie de la production. « Même sur des marchés réguliers, les clients ne s’engagent qu’au minimum. Les acheteurs ne s’affolent pas vraiment car ils sont assurés d’avoir du choix », appuie encore Louis Servat.
Dans la région, le marché des vins blancs reste préservé des fortes interrogations qui se portent autour des volumes de vins rouges. Dans son bilan de campagne, l’interprofession des vins IGP Pays d’Oc (InterOc) souligne en effet que l’augmentation globale de +13% des volumes sous contrat, par rapport à l’an dernier à même date, est « uniquement liée à l’effet du blanc, +45% soit + 420 665hl, très dynamique dès octobre et à un niveau supérieur à la campagne 20-21 ». Ce marché des vins blancs « devrait rester stable, même si la Gascogne semble s’orienter vers une bonne récolte et la Charente annonce vouloir apporter 600 000 hl sur le marché des vins blancs secs », situe Louis Servat, en évoquant la limitation des rendements maximum de vins de base autorisés pour la production de Cognac en Charente.
Du côté des AOC, les sorties de vins blancs ont légèrement fléchi lors de cette campagne. « Cette tendance est intimement liée à l’effet décalé de la très petite récolte 2021 en Picpoul de Pinet, qui pèsent près de la moitié des AOC blancs du Languedoc, et qui a généré cette baisse sur cette campagne », précise Christophe Jammes, responsable du service économie du CIVL (conseil interprofessionnel des vins du Languedoc). Les vins blancs d’IGP de territoire continuent quant à eux leur progression constante depuis 2019.
Côté rouges et rosés des vins IGP Pays d’Oc, la stabilité a pu rester de mise, en raison de stocks de début de campagne qui « ont donné du temps et rendu le marché linéaire », souligne le bilan de campagne d’InterOc, contrairement à un marché des blancs qui s’est vite mis en route. Cependant, la hausse globale de 13% des volumes du marché des vins de pays d’Oc sur la campagne 22/23 doit être rapportée à des volumes de campagne précédente fortement marquée par le gel de 2021. D’autant qu’en anticipation des conséquences de ce gel, la campagne 20-21 avait elle-même marqué un record, « par un surachat du négoce pour constituer une réserve volumique », rappelle le bilan de campagne d’InterOc. Cet ‘effet gel’ a également provoqué une tension sur les prix, qui par effet rebond, ont affiché une baisse globale de 7,4% des IGP Pays d’Oc sur la campagne 22-23 qui vient de s’achever.
Louis Servat n’y va pas par quatre chemins pour décrire une situation sur les vins rouges qu’il juge très préoccupante. « Le marché y est tellement atone qu’on donnerait certains lots gratuitement à des négociants qu’ils ne les prendraient même pas ! La distillation permettra d’évacuer des stocks mais 2020 était le dernier millésime ayant fourni des bonnes qualités homogènes dans tout le bassin. Depuis, les évènements climatiques pèsent sur les maturités des rouges », déroule le président des courtiers du Languedoc-Roussillon. La situation n’est pas propre au seul bassin Languedoc mais le courtier image bien qu’avec un volant régulier de sorties « 8 à 9 millions d’hl sur notre bassin, ça va être compliqué d’avoir des récoltes qui font le plein entre 12 et 13 millions hl ».


Le bureau de courtage Ciatti Europe décrit un début de campagne d’achats sur les vracs « calme et morose », avec des prix de vins génériques qui devraient s’aligner sur « ceux de la fin de campagne précédente », explique son directeur Florian Ceschi. Pourtant, le bilan de campagne rendu par le service économie du CIVL souligne « une tenue des prix moyens pour les AOC du Languedoc lors de cette campagne ». A 154 €/hl, la moyenne des cours du vrac reste en effet identique à celle de la campagne précédente, même si cette moyenne ne reflète pas l’hétérogénéité entre appellations. « Les AOP communales rouges se portent plutôt bien, mais l’AOP régionale Languedoc subit une baisse d’activité en rouge et rosé, alors que les blancs se vendent bien. Les prix et volumes de vrac de Corbières ou Saint-Chinian subissent une baisse marquée », situe Christophe Jammes.
A 526 736 hl (-8% vs campagne précédente), le bilan des sorties de chai d’AOP rouges en Languedoc est le plus faible jamais enregistré. Les sorties de rosé affichent le même niveau de baisse (-8%), en correspondance avec la tendance de plateau de la consommation de vins rosés observé dans autres bassins producteurs. Les niveaux de stocks en augmentation résultent de ce tassement des sorties. « A 14,2 mois, les stocks de vins rouges AOC augmentent de 2,6 mois lors de cette campagne, principalement lié à Corbières ou Saint-Chinian rouge, en trèq nette hausse. Une augmentation se fait également sentir en rosé, en lien là-aussi avec une hausse préoccupante des stocks de Corbières rosé », décrypte Christophe Jammes.
En baisse de 12% par rapport à la campagne précédente, les ventes de vrac AOC atteignent 408 300hl toutes couleurs confondues et mettent en lumière le décalage entre ce qui est produit et ce qui est vendu. « On relève que ce sont les marchés qui sont le plus liés à la grande distribution et l’export qui diminuent le plus leurs achats, mais le fait que les prix moyens se maintiennent confirment l’adéquation à leurs marchés des appellations et qualités qui se vendent bien », conclut Christophe Jammes.