e ne m’assiérai pas à la table de ceux qui sont en train de tuer la viticulture méridionale » annonce un communiqué. Aussi concis que cinglant, le président du Syndicat des Vignerons de l’Aude Frédéric Rouanet appuie en une phrase la défiance de la partie de la production qu’il représente à l’encontre d’un négoce régional qualifié de « profiteur de crise, sans aucun scrupule ». Il n’assistera donc pas, ce mardi 10 octobre, à la traditionnelle réunion d’après vendanges entre les différents opérateurs de la filière, dont le négoce. Ces derniers jours, autant les organisations de la coopération que les Vignerons Indépendants avaient déjà averti d’une nécessaire prise de responsabilité du négoce dans le maintien de prix d’achat corrects à la production à l'occasion de la visite de terrain du préfet.
« Des prix du vrac bas sont injustifiables alors que les prix au consommateur n’ont pas baissé, c’est de la prédation », avait lancé le président des Vignerons indépendants Jean-Marie Fabre. « Les négociants doivent faire des efforts sur des prix supérieurs au coût de revient, sinon on va perdre toute une partie de nos producteurs. On va durcir le ton car le producteur n’est pas la variable d’ajustement », avait rappelé Ludovic Roux, président des vignerons coopérateurs d’Occitanie.


« Alors que l’Aude va connaitre sa deuxième récolte la plus faible de son histoire, le négoce profite de la crise pour tirer les prix vers le bas en faisant pression sur les vignerons acculés par une succession de crises et de sinistres. Les prix annoncés sont complétement délirants et déconnectés du coût réel de production », enchaîne de son côté Frédéric Rouanet. Jugeant que le négoce, coopératif ou privé, « est en grande partie responsable de la situation actuelle », le président du syndicat estime que celui-ci « devra répondre, un jour, de son comportement ». Pour le syndicat, le négoce ne joue pas son rôle en ne se tenant pas « aux côtés des viticulteurs, pour des échanges constructifs et intéressants ».
« Dans une situation de crise, c’est facile de désigner un bouc-émissaire. Le négoce a bon dos et contrairement à ce qui peut être dit, nous n’avons aucun intérêt à ce que les prix du vin s’affaissent, il en va de la survie de nos entreprises », rétorque de son côté Gilles Gally, président du syndicat des négociants languedociens, l'Union des Entreprises Viticoles Méditerranéennes (UEVM). Soulignant qu’entre déconsommation, inflation, pertes de marchés, arbitrages des consommateurs en défaveur du vin, la crise actuelle tient à de multiples facteurs, et Gilles Gally préfère répéter « la volonté de l’ensemble des membres de l’UEVM de maintenir des prix viables pour la production ».
Soulignant que « sans union, on perd des volumes de production, mais aussi des metteurs en marché, des courtiers, des opérateurs à tous les étages », Gilles Gally affirme « la volonté de dialogue constructif avec l’ensemble de la filière » de la part des membres de son syndicat. Il souligne même qu’au regard des dernières informations interprofessionnelles « le prix moyen des AOC du Languedoc s’est maintenu lors de cette campagne, lorsque celui des pays d’Oc n’a que légèrement diminué ». Le président de l’UEVM connaît néanmoins la vie du marché et a bien conscience qu’en ces temps où tous les vins souscrits à la distillation ne pourront bénéficier de la mesure, « il y a nécessairement des offres au rabais que certains vignerons finissent par accepter, pour ne pas garder des vins sur les bras, mais cela reste des épiphénomènes qui ne proviennent en aucun cas de nos membres ».
Pour l’UEVM, ces offres de prix trop basses ne reflètent pas les cours globaux, « mais elles peuvent tirer le reste vers le bas », concède Gilles Gally. L’UEVM milite donc pour des solutions collectives « au sein des interprofessions, le seul endroit où l’on est en mesure de créer des outils d’ajustement efficace de l’offre à la demande », appuie Gilles Gally. GPS, BIC, promotion vers les pays export, hiérarchisation de l’offre, l’UEVM milite pour des solutions déjà connues. Pas sûr que cela recueille l’approbation de toute une frange de la production qui attend des engagements fermes sur des prix planchers de contractualisation.