es négociants sont en train de tuer la viticulture régionale, leur comportement est une honte »… En marge de la tournée des vendanges du nouveau préfet départemental Christian Pouget, le président du syndicat des vignerons de l’Aude (SVA) Frédéric Rouanet n’a pas tourné autour du pot pour désigner l’objet des rancœurs d’une population vigneronne fébrile. « Nous achevons la 2ème plus petite récolte de l’histoire du département, après le gel de 2021, et le négoce nous annonce une baisse des prix. Ils sont en train de nous parler de déconsommation mais lorsque vous allez dans les rayonnages, où est-ce que vous la voyez la baisse de prix des vins ? Les négociants sont en train de faire n’importe quoi », reproche encore le syndicaliste.
Dans le département cathare, cette tournée préfectorale réunit toujours autour du représentant de l’Etat quelques-uns des plus importants mandataires de la filière viticole. Et que ce soit Jean-Marie Fabre, président des Vignerons indépendants de France, ou Ludovic Roux président des vignerons coopérateurs d’Occitanie et vice-président du groupe vin du Copa Cogeca, tous se sont alignés sur le mécontentement manifesté par Frédéric Rouanet. « Dans les caves, les premiers échanges entre production et acheteurs font état d’annonces de baisses de prix d’achat. Les récoltes sont aléatoires et le prix du vrac baisse ? Il va falloir durcir le ton car le producteur n’est pas la variable d’ajustement », plante Ludovic Roux. « Des prix bas d’achat du vrac sont injustifiables, car les prix au consommateur n'ont pas diminué. Si le négoce ne réagit pas, on sort d’une logique de partenariat pour laisser place à de la prédation », renchérit Jean-Marie Fabre.


Ludovic Roux plaide pour une base de prix « alignée sur ceux de 2021, réhaussés du taux d’inflation », en rappelant aux négociants de ne pas se couper de leur base de sourcing. « Si les négociants ne font pas cet effort, un écroulement de la viticulture est à craindre, le bassin pouvant passer en 5 ans de 10-12 millions hl à 7 millions hl, avec des prix au moins 30% plus cher », avertit le président des vignerons coopérateurs d’Occitanie. Frédéric Rouanet prévient ainsi « d’une grande réunion d’échanges le 17 octobre, où tous les vignerons sont conviés, pour s’informer, expliquer, et prendre les décisions qui s’imposent ». Avant des actions « où nous irons régler le problème sur le terrain », lâche le président du syndicat audois.
Posté auparavant dans l’hérault voisin, le nouveau préfet audois a également pu constater les contrastes auxquels est confrontée la production viticole cette année. « Nous avons autant souhaité présenter la cohérence de nos propositions et de la vision entre nos différentes composantes, qu’illustrer l’amplitude des défis climatiques auxquels nous et les autre régions viticoles sont confrontées : l’extrême manque d’eau de nos zones littorales contre le trop d’eau et les ravages du mildiou dans la haute-vallée de l’Aude », poursuit Jean-Marie Fabre. Très soucieux de souligner l’urgence climatique « où c’est l’année sans aléa qui est devenue l’exception », le vigneron de Fitou a rappelé au nouveau préfet Christian Pouget l’importance de la mise en œuvre rapide du plan d’urgence climatique « et le déploiement massif, dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales, d’une phase test de prévention face à l’urgence climatique, en particulier sur le sujet de l’eau ».


Appuyé dans ses propos par Ludovic Roux, ce dernier a insisté sur un sujet de l’eau qui n’est plus propre qu’à la seule agriculture « car le manque d’eau dans les villages touche aux usages de toute la population ». Dans une région marquée par l’intensité de ses épisodes méditerranéens, les retenues collinaires sont fermement attendues « dans une vocation multi-usages incontournable, mais dépêchons-nous de les construire, les autorités pourront ensuite procéder aux arbitrages de répartition selon les besoins de la population et des agriculteurs », appuie le vigneron de Talairan.
Saluant la transformation des PGE résiduels des entreprises viticoles en prêts bonifiés par l’Etat, Jean-Marie Fabre a réitéré « le besoin d’oxygénation des trésoreries » de l’ensemble des entreprises viticoles, tout autant que le nécessaire accompagnement de la filière pour conquérir des marchés et des consommateurs sur les marchés en progression à l’export. Ludovic Roux a également réaffirmé la volonté de voir augmenter la durée des autorisations de plantation au-delà de 8 ans « pour adapter l’offre au marché », travaillant dès cette semaine à Bruxelles sur la possibilité d’opérer à une plantation différée.