uelques semaines après avoir lancé un 1er avertissement sur les niveaux de prix des vins en s’adressant à la grande distribution, le syndicat des Vignerons de l’Aude affiche aujourd’hui ouvertement ses velléités vis-à-vis du négoce. « Qui se met de l’argent plein les poches quand tout augmente sauf le prix du vin ? », a ouvert le président du syndicat, Frédéric Rouanet, lors de son rapport moral en assemblée générale du 27 avril. « Nous avons noté des efforts du côté de la grande distribution, où certaines enseignes ont même baissé leurs marges pour maintenir des prix de vins convenables. Donc qui reste-t-il au milieu, entre eux en nous ? Le négoce ! Nous ne sommes pas encore allés les voir, mais nous allons y aller », promet-il.
Relevant l’inflation générale et « l’augmentation de 40% de nos coûts de production », le président syndical souligne la responsabilité d’un négoce qui s’accapare les bénéfices promotionnels des cotisations interprofessionnelles sans remplir son rôle d’écoulement de l’ensemble des volumes produits dans le bassin languedocien. « Nous faisions 18 millions hl (Mhl) dans la région il y a 10 ans. On nous répondait qu’on ne savait en vendre que 15. Nous en faisons aujourd’hui 13, on nous répond qu’on ne sait en vendre que 10. C’est donc reparti pour un tour alors qu’on sait ce qui s’est passé entre temps avec son lot d’arrachages et distillations. Qui sont ces gens qui se permettent de nous dire ça ? », appuie Frédéric Rouanet.


Ne comprenant pas pourquoi « ceux qui pouvaient vendre 400 000 hl de Corbières à, prix correct il y a 7 ans ne sont plus capables de vendre la production actuelle de 200 000 hl, sur les 250 Mhl du commerce mondial », le vigneron de Trèbes en appelle à « dégager » du métier ceux qui ne feront pas les efforts pour écouler la production du bassin languedocien. Usant de comparaison avec le milieu sportif ou les forces commerciales de multinationales de sodas ou bières, Frédéric Rouanet appuie que « ceux qui ne savent plus être performant ou vendre la production, on les dégage, et nous en mettrons d’autres à la place ! ».
Frédéric Rouanet en appelle donc à la tenue « d’assises de la viticulture » pour que les cotisations volontaires obligatoires (CVO) aillent bien vers la conquête de marchés export pour tout le monde, « et pas simplement pour les négociants, sinon nous payons pour les autres ! ». Le négoce est donc invité à alimenter la discussion avec la production, ou des actions de la part du syndicat pourraient être engagées.
Appuyé sur le sujet par le 1er vice-président de la FNSEA Jérôme Despey, le président des Vignerons indépendants de France Jean-Marie Fabre et le vice-président des vignerons coopérateurs d’Occitanie Fabien Castelbou, Frédéric Rouanet adresse également un message sans équivoque aux verriers. « Ceux qui prennent les vignerons pour des cons vont être nos adversaires ! Un dirigeant verrier qui se pavane d’un résultat net en hausse de 45% en début d’année quand le prix de la bouteille a été multiplié par 4 en deux ans et que des chaînes de conditionnement ne tournent pas faute de bouteilles, ça ne nous plaît pas », fustige le leader syndical.
Le manque de considération du gouvernement pour la cause viticole, la pression des écologistes, les contraintes environnementales de production et les limitations de solutions techniques pour le désherbage ou le traitement des maladies sont autant de sujets sur lesquels le syndicat audois exprime son ras-le-bol. « Ça nous coûte un bras, nous rapporte que dalle, et on nous em… tous les jours avec ? Chaque fois que nous faisons des efforts, au lieu d’être applaudis et valorisés , on nous remet une cartouche par-dessus parce que ce n’est jamais bien. C’est exactement le mécanisme d’une relation toxique que nous vivons en tant que producteurs ! », résume Frédéric Rouanet. Reconduit à la présidence du syndicat lors de cette AG, celui-ci fêtait avec autant d’émotion que d’amertume sa 10ème année à la tête de l’organisation. « Il y a 10 ans, nous sortions de fortes crises, et notre équipe n’avait qu’une seule chose en tête : améliorer tout ça. Finalement, entre aléas climatiques et conjoncture économique, nous n’avons surtout fait que gérer des urgences », résume-t-il. L’homme n’en est pour autant pas abattu, et en appelle aux jeunes générations pour maintenir la force de cette grande famille syndicale, qui, comme un écho à la forte histoire syndicale vigneronne audoise, tenait cette assemblée générale à Monterdon-des-Corbières, où les affrontements de 1976 avaient laissé un mort de chaque côté. Depuis, un seul mot d'ordre dans les rangs vignerons: "plus jamais ça".