ace à une succession de crises climatiques, sanitaires et commerciales, de plus en plus de vignerons sont clairement à bout. Entre l’augmentation des charges et la baisse des ventes, « on ne va plus pouvoir travailler dans ces conditions. S’il n’y a pas de soutien des trésoreries, il va y avoir de la casse » résume froidement Frédéric Rouanet, le président du Syndicat des Vignerons de l’Aude. Pour le vigneron, « le négoce joue un jeu dangereux à passer dans les caves dire qu’il y aura une grosse récolte et qu’il faudra baisser les prix. On sort du covid, d’une gelée de printemps, de la sécheresse, du mildiou… L’état psychologique est fragile. » Et le caractère sanguin du Midi rouge n’est jamais bien loin, alors que le négoce languedocien est clairement dans le viseur des viticulteurs audois.
« Après les vendanges on va foutre le feu pour régler les problèmes » répète Frédéric Rouanet, pour qui « il faut augmenter les prix du vin : c’est le seul produit dont le prix n’a pas suivi l’inflation. Au moins on pourra payer les charges qui explosent. » Qu’il s’agisse du fuel ou de la main d’œuvre, les coûts de production explosent en effet, sans oublier les matières sèches, dont les bouteilles de verre. Alors que les groupes verriers affichent de nouveaux résultats records, « ce n’est plus possible. Il faut partager et que le gouvernement s’en mêle un peu plus » lâche Frédéric Rouanet.


Augmentant les coûts de production, les petits rendements prévus vont peser sur le moral. L’Aude attend « une petite récolte. Il y a des endroits où il n’y a pas eu de pluie, sur le littoral ça ne pousse pas. De l’autre côté dans l’ouest, il y a eu des excès d’eau et le mildiou a détruit une grosse partie de la récolte » rapporte le président du SVA, pour qui « on va faire les vendages et après on va régler les problèmes un par un. Il va falloir être très dur sur les négociations commerciales dès le début. » La dernière manifestation des vignerons audois, avec pneus brûlés, datant du printemps, la colère bout. Et cible les coupables habituels : l’importation de vins espagnols. « On va distiller 3 millions d’hectolitres : le négoce n’achète plus nos vins, mais il s’approvisionne en Espagne. On distille pour les vins espagnols* » s’emporte Frédéric Rouanet.
Le SVA prépare actuellement un dossier alertant le ministère sur la situation difficile du vignoble afin de soutenir les vignerons et d’aider ceux souhaitant quitter le métier. « Pour l’instant, nous n’avons rien à proposer » conclut avec amertume Frédéric Rouanet.
* : Un communiqué du SVA précise que la distillation de crise « à hauteur de 3 millions d’hectolitres […] représente près de la moitié des vins importés d’Espagne, dont la production ne respecte pourtant pas les contraintes sociales, environnementales et techniques imposées aux vignerons français, et dont les vins sont très souvent commercialisés en France sous une marque équivoque les faisant paraitre pour des vins de notre pays. Cette distillation, bien qu’essentielle pour préserver un certain équilibre entre l’offre et la demande, ne serait pourtant pas nécessaire si l’on interdisait enfin les importations de ces vins espagnols, ou du moins si l’on obtenait l’alignement des réglementations pour ne plus subir de concurrence déloyale ! Nous ne voulons plus distiller pour les Espagnols au frais du contribuable français ! »
OB